D’une boisson traditionnelle à un produit purement commercial et toxique,La Cherbet de tous les dangers

D’une boisson traditionnelle à un produit purement commercial et toxique,La Cherbet de tous les dangers

648.jpgIl n’est presque pas un coin de rue dans la capitale où l’on ne trouve pas des marchands clandestins proposant de la citronnade à même les trottoirs. Outre les conditions d’hygiène et d’emballage qui laissent à désirer, la formule de préparation est souvent, à la base, toxique.

Les citoyens qui font chaque année de la Cherbet la boisson préférée du mois de Ramadan, en achètent en quantité sans se poser la moindre question. Les autorités compétentes, de leur côté, laissent faire.

La boisson Cherbet n’est un secret pour personne. Presque tout le monde s’érige en spécialiste tant sa formule de préparation est devenue banale ; eau, poudre, édulcorant et acide citrique. Ce n’est donc plus une spécialité de quelques familles connues et reconnues de la Mitidja. Ce n’est plus une tradition qui commence dès la cueillette au milieu des orangers. Ce n’est plus cette boisson rafraîchissante à base d’eau, de citron, de sucre véritable et parfois de fleurs d’orangers. C’est surtout un produit purement commercial qui s’avère le plus souvent toxique. A chaque coin de rue d’Alger, sur les trottoirs ou les commerces qui changent d’activité le temps d’un mois de Ramadan, la citronnade abonde en quantité industrielle. Les uns installent de grands bacs sans couverts sur les bords des routes, sous le soleil et au milieu de la poussière et de la pollution et servent leurs clients à l’aide d’une louche pour remplir des sachets d’emballage non alimentaires. Les autres proposent sur des étalages de la citronnade déjà conditionnée dans des sacs et prête à être emportée. Les citoyens achètent sans se poser la moindre question. Pire encore, d’énormes files d’attente se dressent devant les marchands de Cherbet. Des automobilistes s’affolent et stationnent n’importe où pour descendre de leur véhicule et traverser la route dangereusement… tout cela pour quelques litres de citronnade à formule douteuse ! Certains s’arrêtent même en véhicule de luxe pour acheter ce sac pourri de 50 DA. Le plus drôle c’est que des clients vont jusqu’à demander le numéro de téléphone du marchand de Cherbet pour passer des commandes et se faire réserver quelques litres… au cas où !

Une recette poison !

Les Algériens qui se ruent sur la citronnade proposée dans la rue savent-ils vraiment ce qu’ils boivent ou encore ce qu’ils courent comme risque d’intoxication ? Contacté, le chef de service du contrôle et du contentieux au niveau de la Direction du commerce de la wilaya d’Alger, Khaled Hadjal, explique : «Le plus important est de savoir où et comment est préparée la citronnade avant d’arriver sur le marché de l’informel et s’ils utilisent l’édulcorant à la place du sucre et l’acide citrique à la place du citron. Car le sucre et le citron reviennent cher aux marchands de la Cherbet. Alors qu’il suffit d’une petite cuillère d’acide citrique et d’une toute petite quantité d’édulcorant pour produire un litre de citronnade. Ces deux matières qui sont dangereuses pour la santé, voire cancérigènes, sont largement utilisées par tous.» Il ne s’agit donc pas, selon Khaled Hadjal, d’une arnaque uniquement, mais plutôt d’un empoisonnement de la population. «Tout ce qui relève de l’informel, c’est-à-dire le commerce sur la voie publique, n’est pas de notre ressort. Nous, nous intervenons plutôt au niveau des commerces qui changent d’activité le temps d’un mois de Ramadan. Nous les pénalisons pour activité étrangère au registre du commerce», a-t-il précisé. Pour lui, un produit tel que la citronnade doit être d’abord contrôlé pour son emballage pour voir s’il est destiné à l’alimentaire ou non pour, ensuite, passer à l’étiquetage, les composants et les conditions de stockage. Une traçabilité du produit totalement absente dans le circuit informel. Et pourtant personne ne semble inquiéter ces marchands de poison tant les autorités compétentes, en commençant par les services de sécurité, ferment les yeux. Mieux encore, ils s’arrêtent parfois en véhicule et en tenues de service pour acheter cette même citronnade proposée sur les trottoirs ! Pendant ce temps, les industriels producteurs de citronnades qui paient leurs impôts et qui reçoivent régulièrement les commissions de wilaya et les services d’hygiène assistent impuissants à l’ascension du circuit parallèle. «Par moments, je me dis qu’il vaut mieux baisser rideau et aller commercialiser mes produits dans la rue comme tout le monde, au lieu de subir la pression des différents services de contrôle, ajoutons à cela tous les autres frais que coûte la traçabilité de mon produit», dira un industriel qui a préféré garder l’anonymat.

M. M.