Dubaï tourne le dos aux années folles

Dubaï tourne le dos aux années folles

A la surprise générale, c’estun « Sheikh Mo » tout feu tout flamme qui déboule, ce jour-là, pour inaugurer au pas de course le métro de Dubaï, le premier du genre dans la péninsule arabique. Pour cet homme visionnaire, acteur principal de l’ascension fulgurante de ce petit bout de désert en bordure du Golfe, rien n’a jamais semblé insurmontable.

Aujourd’hui rattrapé par la crise, il lui faut désormais passer à la vitesse inférieure. « Après la folie des grandeurs, de nouveaux arbitrages s’imposent », souffle un diplomate occidental. Pendant des années, Dubaï a bâti l’essentiel de ses fondations sur l’endettement. Stars de foot, vedettes de cinéma, mais également petits investisseurs à l’affût d’un gain rapide n’ont pas hésité à investir, à tout va, dans l’immobilier, en préachetant leur propriété sur plan et en profitant des crédits offerts par de nombreuses banques locales et étrangères. Spéculation aidant, certains biens ont été revendus des dizaines de fois avant même que la première pierre ne soit posée. Piégés par la crise financière, qui a asséché les flux de capitaux, les derniers arrivants se trouvent aujourd’hui au pied du mur. Leur maison ne sortira jamais de terre.



Quant à leur chance d’être remboursés par le promoteur, elle est dérisoire. L’aéroport de Dubaï, véritable hub international, risque également de bientôt crouler sous le poids de milliers d’ouvriers d’Asie du Sud-Ouest, véritables artisans de la construction à tout va de Dubaï, qui craignent de perdre leur emploi et d’être renvoyés chez eux du jour au lendemain. Sans protection sociale ni indemnité.

« La crise a révélé certaines failles juridiques, dans les contrats d’achat et d’embauche. Elle va obliger Dubaï à faire des réajustements nécessaires », estime Philippe Tartaglia, vice-président du French Business Center d’Abu Dhabi.

LE « ZÉRO FAUTE » EST RÉVOLU

La convalescence s’annonce douloureuse. Instituts bancaires et prestataires de services réfléchissent désormais à deux fois dès qu’on leur présente un projet dubaïote.

« Par les temps qui courent, je ne prends pas de clients basés à Dubaï. La confiance est brisée. La culture du « zéro faute » à laquelle on nous avait habitués est révolue », confie le cogérant d’une agence de publicité australienne, basée à Abu Dhabi. Les connaisseurs de la région cherchent néanmoins à relativiser l’ampleur de cette crise. « Tout le monde s’est affolé en parlant de « faillite » de Dubaï : c’est un non-sens.

Il ne s’agit que d’un conglomérat, certes étatique, De baï World, dont une filiale immobilière rencontre des difficultés pour payer ses dettes », relève l’économiste jordanien Ibrahim Saif.

« Il y a eu un gros problème de communication. L’annonce soudaine, la semaine dernière, d’un moratoire sur les dettes de Dubaï, suivie par le silence lié aux fêtes de l’Aïd, a provoqué des réactions parfois démesurées », juge le diplomate. Preuve à l’appui : après plusieurs jours de panique, les marchés ont commencé à se calmer après l’annonce, en milieu de semaine dernière, d’une réunion imminente entre les représentants du conglomérat et ses créanciers. Si les années folles de l’immobilier sont révolues, Dubaï peut encore compter sur d’autres leviers, plus solides, comme le port de Jebel Ali, qui continue à drainer 20 % du trafic mondial de conteneurs, ou encore la compagnie aérienne Emirates, qui dessert les principales capitales de la planète.

« De toute évidence, Dubaï ne flambera plus comme avant. Mais cette crise aura eu pour mérite d’assainir le marché », remarque Philippe Tartaglia. Installé dans la région depuis six-sept ans, il prédit un « redémarrage progressif », qui se fera sur des bases moins extravagantes. « Dubaï avait misé sur le tourisme de luxe – un des piliers de son économie. Aujourd’hui, on voit arriver de nouvelles gammes d’hôtel comme Ibis ou Easy hôtel, qui s’adaptent à des bourses plus modestes », remarque-t-il.

La fin d’une époque.

Delphine Minoui