Qui torpille les initiatives de paix à Ghardaïa?
Que peut faire le déplacement d’un officiel maintenant que l’effusion de sang s’est dangereusement banalisée?
Ni l’appel lancé par le président de la République lors du dernier Conseil des ministres incitant à faire prévaloir les valeurs de tolérance, de concorde et de dialogue, ni les deux visites effectuées par l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, ni l’appel des sages, des intellectuels et des partis n’ont pu venir à bout de cette crise qui secoue la vallée du M’zab. Avant-hier encore, du sang a coulé. Le volcan de Ghardaïa s’est réveillé et la tension s’est brutalement aggravée.
Non seulement les assassins des trois personnes n’ont pas été identifiés, mais l’objet avec lequel ils ont été tués n’a pas été officiellement identifié. S’agit-il d’une arme à feu? D’objet ferreux conton-dant comme l’a rapporté l’APS? Le flou demeure et la situation s’aggrave. Péniblement, les services de sécurité s’affairent à élucider le crime. Depuis 48 heures, on ne se prononce pas encore sur les circonstances du drame à l’origine de la mort des trois jeunes. La direction générale de la Sûreté nationale (Dgsn) a dépêché un groupe d’enquêteurs criminels pour enquêter sur la mort de trois individus de sexe masculin résidant à Ghardaïa, a indiqué, hier, un communiqué de la Dgsn. «Après avoir été alertée samedi, la police a mobilisé ses services et dépêché sur place une équipe de la police criminelle accompagnée d’éléments de la police scientifique et technique pour effectuer un constat de décès à l’hôpital local en informant le parquet chargé de l’enquête», précise le communiqué. «Dans l’attente des conclusions préliminaires du médecin légiste, la police poursuit son enquête pour déterminer les causes des décès», a indiqué le directeur de la communication et des relations publiques à la Dgsn, le commissaire divisionnaire Djilali Boudalia. Où est passé donc le renfort de la Gendarmerie nationale annoncé en grande pompe il y a deux mois, selon les annonces officielles qui allaient quadriller la région et en finir avec la violence? Apparemment, le mal n’a pas été extirpé. Il s’avère que la médication politique préconisée n’est pas adéquate, de même que l’alternative sécuritaire n’est pas une solution dans une région où s’affrontent brusquement deux communautés qui vivaient en paix depuis des siècles. Les faits sont d’autant plus graves qu’ils interviennent dans une période électorale cruciale et surtout dans une région ceinturée par l’instabilité sécuritaire, le narcoterrorisme et le banditisme. Et comme les malheurs arrivent souvent en escadrille, cette région est au centre des appétits des puissances occidentales qui veulent établir une nouvelles carte géostratégique. Tous les pays de la région ont été ébranlés. Le Mali, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie et le Niger, etc… Pourquoi pas l’Algérie? Cela n’arrive pas qu’aux autres. Mais les décideurs algériens auront-ils indéfiniment l’excuse de la main de l’étranger pour justifier leur échec? Ghardaïa a besoin de véritables projets économiques, d’un dialogue sérieux, franc et ouvert entre toutes les franges de la société, aussi bien mozabites que chaâmbies, d’un partage équitable des terres et d’une répartition juste des richesses. Sur ce plan, l’Etat a échoué. Le Premier ministre par intérim, Youcef Yousfi, s’est déplacé avant-hier, tard dans la soirée à Ghardaïa. Il était accompagné dans cette visite du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, ainsi que du commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Ahmed Bousteila, et du représentant du directeur général de la Sûreté nationale. Hier, une imposante marche de la population de différents quartiers de Ghardaïa a été organisée pour «dénoncer les crimes perpétrés lors des échauffourées de samedi dernier». Les marcheurs ont convergé devant le siège de la wilaya où ils ont observé un sit-in, en scandant des slogans appelant à la justice et à «l’application de la loi à l’encontre des criminels à l’origine des troubles qui secouent la ville».
Des représentants de ces manifestants ont été reçus par le Premier ministre par intérim, Youcef Yousfi, qui a écouté leurs doléances, notamment «l’ouverture d’une enquête pour déterminer les responsabilités de chacun et le règlement durable de cette situation conflictuelle». Mais que peut faire le déplacement d’un officiel, de surcroît intérimaire, maintenant que l’effusion de sang s’est dangereusement banalisée?
Toutes les initiatives ont été torpillées, la situation s’enlise dangereusement dans cette partie du Sud alors qu’au Nord on disserte sur la quadrature du cercle.