Du papetier au portefeuille : Immersion dans la fabrication d’un billet de banque

Du papetier au portefeuille : Immersion dans la fabrication d’un billet de banque

Comme tout objet de valeur, un billet de banque a une vie propre.

Cela commence par sa forme, son encre et se perd, pour les néophytes, dans les fins détails techniques que seuls ses concepteurs connaissent, et qu’ils gardent jalousement secret. La Banque d’Algérie a émis, depuis plus de deux mois, le nouveau billet de banque de 2000 DA, la plus grosse coupure en circulation jamais mise jusque-là sur le marché. Et, si des interrogations se posent généralement sur les «détails cachés» des billets de banque, leur processus de fabrication reste méconnu pour la majorité de leurs utilisateurs.

Un billet de banque, est une œuvre d’art qui nécessite un long et fastidieux processus de fabrication : de l’importation du papier fiduciaire et de l’encre sécurisée à la confection de la maquette, pour arriver à l’impression. La Banque d’Algérie veille à assurer la meilleure qualité possible des billets, à commencer par le choix du fabricant du papier qui servira de support à la nouvelle coupure de banque. Et, s’il a l’heur d’accéder au très fermé Hôtel des monnaies de la Banque d’Algérie, implanté à la rue des Fusillés, ce chanceux visiteur est tout de suite intrigué par un amoncellement de ballots et paquets superposés dans la cour d’un immeuble très discret. Impossible cependant pour le journaliste d’arriver jusqu’aux installations de fabrication, par «mesures de sécurité», nous a-t-on dit.

«Ce sont des paquets qui contiennent des rouleaux de papier fiduciaire importé pour la fabrication des billets et des documents fiduciaires comme les passeports biométriques, extraits de naissance et autres», explique un cadre de l’institut. Ce papier, dit «noble» car composé exclusivement de pure coton, importé auprès de leaders mondiaux européens, a souligné ce responsable, sous couvert d’anonymat.

Les papetiers, qui entretiennent des relations très discrètes avec leurs clients, fabriquent le papier et y impriment tous les paramètres de sécurité exigés par la Banque d’Algérie, comme les graphismes de sécurité, le filigrane et la bande holographique. Le nouveau billet de 2000 DA par exemple, hautement sécurisé, voire infalsifiable selon lui, comprend un filigrane en continu qui reproduit l’effigie de l’Emir Abdelkader, un fil de sécurité visible par transparence, tant au recto qu’au verso et un hologramme qui représente en continu, sous deux angles, les effigies de l’Emir Abdelkader et de Jughurta. «Le filigrane sur le billet est impossible à reproduire alors que la bande holographique, fléchissant à la lumière, constitue l’une des meilleurs protections contre les contrefacteurs qui utilisent les photocopieuses et les scanners», a assuré la même source.

DANS LES ARCANES D’UN BILLET DE BANQUE

Selon des sources bancaires de la place, le maintien en circulation des billets de 200 DA, émis dans les années 1990 et abîmés dans la plupart des cas, est surtout motivée par la «résistance» de ces coupures à la contrefaçon, contrairement aux coupures de 1.000 DA qui ont subi quelques attaques »malveillantes».

«La qualité de l’encre est un autre élément de sécurité déterminant. L’Algérie achète cette encre auprès d’un fabricant suisse, qui alimente 90% du marché mondial», précise la même source. «C’est une encre dotée de propriétés très particulières définies par Interpol : elle doit garder sa couleur, rester accrochée au papier et résister au vieillissement et à la lumière», a-t-il soutenu. Une fois le papier et l’encre réceptionnés de l’étranger, le savoir-faire algérien prend la relève. «Le dessin de la maquette et l’impression des billets sont élaborés par une main-d’œuvre à 100% algérienne», s’est réjouit le représentent de l’Hôtel des monnaies, qui emploie 550 employés entre cadres et ouvriers. C’est à ce stade que la Banque d’Algérie recourt à sa «formule magique» de mélange d’encres utilisées dans deux types d’impression appliquée dans ce processus : l’offset et la taille douce. Dehors, sur la courette, les camions de transport de fonds faisaient la navette entre l’Hôtel des monnaies et la Caisse générale, qui les distribuera, à son tour, aux banques de la place.

Mais, le vrai savoir-faire réside dans la «capacité de changement à tout moment pour être avec une longueur d’avance sur les contrefacteurs», dira M. Hamlet Abdelaziz, directeur général de l’institution. « L’Hôtel des monnaies n’est pas un simple institut d’émission, c’est un symbole de souveraineté nationale». La preuve ? La récupération, par l’Algérie, de l’imprimerie de la Banque centrale fait partie des accords d’Evian, signés le 18 mars 1962.