Du Palais de Carthage au palais de justice : Zine le raïs et Leïla la régente jugés à Tunis

Du Palais de Carthage au palais de justice : Zine le raïs et Leïla la régente jugés à Tunis

0zine leila.jpgUne première au Maghreb. Cinq mois et demi après sa chute le 14 janvier 2011, l’ex- président déchu Zine El-Abidine Ben Ali passe devant les juges. Devant un tribunal de première instance de Tunis s’est ouvert lundi 20 juin la première d’une série d’actions en justice intentées contre l’ancien homme fort de la Tunisie, son épouse Leïla Trabelsi et son entourage. Réfugié en Arabie saoudite, Ben Ali conteste le bien –fondé de ce procès et récusé les accusations portées contre lui.

Zine El Abidine Ben Ali a affirmé qu’il n’a pas abandonné son poste de président de la République et qu’il n’avait pas « pris la fuite », a indiqué luni son avocat libanais à l’ouverture du procès.

Dans ce premier volet des actions au civil, ce sont seulement Zine El-Abidine Ben Ali et son épouse Leïla, une ancienne coiffeuse, également réfugiée en Arabie Saoudite, qui sont poursuivis pour deux affaires.

Caverne d’Ali Baba à Sidi Boussaïd

La première mettant en cause le couple présidentiel a trait à la découverte dans le palais de Sidi Dhrif, à Sidi Bousaïd, une banlieue nord de Tunis, d’importantes sommes d’argent en devises étrangères et tunisiennes et des bijoux de valeur, une véritable « caverne d’Ali Baba » dont les images montrées à la télévision ont choqué les Tunisiens. Les chefs d’accusation se résument à « accaparement et détournement de fonds publics » et « transfert illicite de devises étrangères ».

Trafic de stupéfiants

La deuxième affaire, où seul Ben Ali est impliqué, a trait à de la drogue et à des armes trouvées dans le palais officiel de Carthage par la commission d’investigation sur les abus et la corruption mise en place après la chute du régime. L’ex-président devra répondre des chefs de « trafic et détention de stupéfiants à des fins de consommation », « détention d’armes et de munitions » et « non-déclaration de possession de pièces archéologiques ».

Les peines encourues pour chaque délit vont de cinq à vingt ans d’emprisonnement, selon le porte-parole du ministère de la Justice, Kadhem Zine El Abidine.

Depuis sa fuite en Arabie saoudite, le 14 janvier dernier après 23 ans de règne, après un mois d’une révolte populaire durement réprimée, M. Ben Ali est resté très discret.

Via ses avocats, l’ex-dirigeant a rejeté les charges retenues contre lui. Il a dit travailler à mettre au point une défense concernant sa pratique du pouvoir, que de nombreux Tunisiens jugent autocratique, corrompue et non respectueuse des droits de l’homme.

« Détourner l’attention des Tunisiens »

« Il [Ben Ali] souhaite simplement que chacun comprenne que ce procès pénal est une image tronquée et honteuse de la justice des vainqueurs », affirme un communiqué publié par le cabinet d’avocats chargé de défendre ses intérêts, basé à Beyrouth.

« Derrière ce procès, le but n’est-il pas de détourner l’attention des Tunisiens d’un désordre dont personne ne peut l’accuser et dont on ne peut pas lui imputer la responsabilité ? » poursuit le communiqué.

Depuis la chute de M. Ben Ali, le gouvernement de transition tente en effet de rétablir la stabilité dans le pays alors que se produisent régulièrement des grèves et des émeutes. « Il sait que tout nouveau pouvoir politique a tendance à rejeter la faute sur son prédécesseur et à le tenir pour responsable de son incapacité à résoudre les problèmes », pointe encore le texte.

93 chefs d’accusations

Ce procès n’est que le début d’un long processus, dont la durée demeure indéterminée. Les autorités ont annoncé que 93 chefs d’accusation ont été retenus contre l’ex-président et certains de ses proches.

Trente-cinq d’entre eux seront déférés devant la justice militaire, avec des accusations pour homicides volontaires et torture, passibles de la peine de mort. A Paris, le parquet a par ailleurs ouvert une information judiciaire pour blanchiment contre M. Ben Ali afin d’identifier et de geler ses biens en France.

Les Ben Ali et les Trabelsi, deux familles régnantes en Tunisie, avaient mis le pays en coupe réglée se partageant l’essentiel du business à telle enseigne qu’ils sont assimilés à une véritable mafia.

Bien que le couple présidentiel soit jugé par contumace, ce procès constitue une première au Maghreb.