Du côté de Tlemcen, les charlatans investissent les places

Du côté de Tlemcen, les charlatans investissent les places

Des phénomènes sociaux tels que le charlatanisme et la sorcellerie, que l’on tenait pour moribonds, enregistrent pourtant un retour remarqué dans la région de Tlemcen, en particulier à l’occasion des marchés hebdomadaires de localités importantes comme Remchi, Maghnia, Ouled Mimoune ou le chef-lieu Tlemcen.

Des « charlatans », ou des individus considérés comme tels par les plus avertis, y affluent de différents horizons pour investir ces lieux à forte concentration populaire, offrant volontiers leurs « services » (payants, bien sûr) et étalant à la vente des produits plutôt douteux.

Maîtrisant le verbe et l’art de la rhétorique facile, pour mieux épater l’auditoire, ces hâbleurs invétérés se réfèrent en cela à des versets coraniques, à des hadiths du Prophète, aux adages, maximes et autres bonnes phrases du terroir.

C’est ce que ces espaces commerciaux et d’affaires, en plus de proposer un très large éventail de produits agricoles et industriels, se révèlent être aussi des lieux de divertissement où dominent les fameuses « halqas » et où « meddahs » et autres « gouals » animent ces cercles à coups de bouquets de poèmes et de fables accompagnés de rythmes sonores sur fond de Bendir et de Gasba.

Les contes, les chroniques et autres histoires étranges, sortis tout droit du terroir local, ne sont pas en reste et les narrateurs, joviaux et enthousiastes, ne manquent pas à l’occasion. Mais cette race de conteurs a tendance à disparaître cédant la place à « une faune d’opportunistes, des improvisateurs à la limite de la mendicité et du clownesque », regrette Hadj Hocine, un ancien adepte de ces halqas.

L’homme se souvient que par le passé, chaque meddah avait son propre auditoire, surtout les habitués de cercles spécifiques dans les espaces et marchés publics, et racontait, dans un style quasiment artistique, des histoires instructives et des épopées héroïques que l’histoire a retenues. Hadj Hocine déplore aussi la disparition de ces charlatans « positifs », pour ainsi dire, qui maîtrisaient l’art d’amadouer les serpents et autres reptiles, faisant jubiler le public par des spectacles funambulesques.

De l’esbroufe à la pelle « Des charlatans, des vrais, ont pris la place profitant de la crédulité des gens, particulièrement ceux qui souffrent de problèmes de santé, et se proclament guérisseurs de maladies que la science ne peut pas traiter », dénonce encore le vieil homme.

Se prévalant d’une connaissance certaine en pharmacologie, ils tentent de convaincre le client, avec l’aide de complices planqués dans la foule, que le « médicament » à base de plantes qu’ils proposent est meilleur puisqu’il ne contient pas de produits chimiques aux effets secondaires, parfois nocifs.

« Il se trouverait toujours quelqu’un parmi le public pour attester que des produits acquis auprès de ces charlatans l’ont conduit rapidement à la guérison », confirme Hadj Hocine.

Des « dentistes » ont eux aussi leur place dans ces marchés et se vantent de pouvoir extraire des dents, sans douleur et gratuitement pour ceux qui ne peuvent pas payer, une largesse promotionnelle qui ne trompent pas les plus avertis.

Ils proposent même plusieurs sortes de produits de leur cru et supposés assurer une parfaite hygiène buccale.

Il y a aussi des « énergumènes » s’adonnant à la magie noire, des « chouaffate » (voyantes) et même de prétendus « fakirs » affalés sur un sofa ou un tapis, entourés d’une panoplie de « livres » et d’écrits, négociant des amulettes ou des talismans supposés protéger du « mauvais oeil » et des actes de sorcellerie.

Enfin dans cet océan de bluff, comment ne pas penser à la voyance et à la cartomancie, dont les victimes sont généralement entraînées dans un endroit isolé pour se voir lire leur destinée et leur avenir dans la paume de la main en contrepartie d’une rondelette somme d’argent, comme de bien entendu…