Le coup de Marcela Iacoub ressemble à un achèvement de la bête
Nous ne cherchons pas ici à le défendre – ce n’est ni notre objectif ni notre préoccupation.
Il y a tellement de malheurs qui le prennent au col et les coups de massue qui lui tombent sur la tête sont si forts que l’on a presque envie de crier «mais arrêtez-vous enfin de le malmener ainsi!». Lui, c’est DSK, ce qui fait, en forme longue, Dominique Strauss-Kahn. Celui qui fut dans une vie antérieure ministre français avant de se hisser au rang de directeur du Fonds monétaire international et qui, aujourd’hui, est jeté en pâture sur les boulevards d’une République qui ne sait plus se baisser pour ramasser les siens, non pas pour les déculpabiliser ou leur rendre ce qu’ils ont perdu à jamais, mais juste pour éviter que les parvenus, les voyous, les pervers, les monstres et tous les clochards de ce qu’on pourrait appeler la civilisation moderne ne lui marchent dessus.
Nous ne cherchons pas ici à le défendre – ce n’est ni notre objectif ni notre préoccupation – et il nous est complètement pareil qu’il ait laissé quelque chose de positif à qui veut le défendre, ou qu’il ait tout consommé jusqu’à la lie de ce côté-ci aussi. Ce qui nous importe cependant, c’est l’homme, pas plus.
L’être humain que certains n’ont pas cessé de traîner de tribunal en tribunal et d’affaire scabreuse en affaire nauséabonde. Il est, tout de même, inconcevable que la peine des autres puisse amuser et attirer autant de voyeurs, de pseudo-propres et de mal intentionnés. Une certaine presse s’est fait un malin plaisir à tirer sur l’ambulance alors qu’une autre n’a pas caché le scandaleux plaisir de pisser sur la tombe.
Il était bien haut le bonhomme. Vraiment haut. Certains disent d’ailleurs que, pour se débarrasser de lui et l’éloigner de la France où il était un sérieux concurrent, Sarkozy a dû courir et lui débrouiller le fameux poste de directeur du FMI car il était regardé comme le candidat le mieux placé pour lui succéder en l’empêchant de décrocher un deuxième mandat. DSK avait tout pour lui. Une carrière bien remplie, un positionnement sur la scène politique appréciable, un avenir aux battants largement ouverts. Une place importante dans son parti. Un grand respect de son entourage. En plus, sa femme était belle et riche, et n’hésitait ni à lui pardonner ses égarements ni à se sacrifier pour lui. Qui ne connaît pas Anne Sinclair du temps où elle présentait déjà sa célèbre émission du «7 sur 7»? Ayant décidé de quitter la télévision en plein apogée de son émission politique pour éviter tout conflit d’intérêt avec son mari, elle l’a soutenu plusieurs fois et lui a même pardonné de grandes erreurs. Il avait tout finalement pour être heureux. Mais ayant raté la marche qu’il ne fallait pas, DSK se retrouva à terre.
Nafissatou fut manipulée
Plus le sommet duquel on tombe est élevé, plus la chute est douloureuse. Nafissatou à New York allait être le doigt qui dégoupilla la grenade qui éclaboussa DSK jusque dans l’âme. Peu importe ici si cette Nafissatou fut manipulée, si elle fut réellement sa victime ou si elle inventa l’histoire de toute pièce car, finalement c’est par elle que la pelote de laine commença à se défaire jusqu’à dévêtir l’homme jusque sous la peau. Peu importe aussi si cela se passa exactement au moment où il en avait le moins besoin car il était à deux doigts de déposer sa candidature pour la présidence de la France. Ceci est un autre volet de la chose qui ne nous intéresse pas ici.
Ce qui importe par contre c’est cet acharnement de certains à tirer sur la bête blessée. Une certaine Tristane Banon, se rappela soudain qu’un jour, quelques temps auparavant, DSK aurait tenté de l’embrasser et assimila cela à un viol puis à une agression puis, soutenue par sa mère, elle porta l’affaire devant un tribunal. Il n’avait pas encore relevé la tête de cette affaire qu’une autre, plus grave, celle de l’hôtel Carlton de Lille l’assomma. A partir de ce moment, DSK ressemblait à un taureau qui, sous les coups des toréadors vacillait. Lorsque sa femme, qui l’avait pourtant soutenu sans cesse depuis le début, finit par jeter l’éponge et lui avec, DSK a sans doute compris qu’il avait perdu là le dernier carré d’honneur qui lui restait sur cette terre. Il avait perdu la dernière main amie à laquelle il pouvait encore s’agripper pour ne pas mettre l’autre genou à terre. Sa famille désormais éclatée et s’en sachant responsable, DSK n’a plus personne sur qui compter dans ce monde.
Il était alors certainement bien parti pour promener ses peines, seul au crépuscule, sur quelque bord de la Seine en attendant que vienne la nuit de sa vie. Comme font tous ceux qui ratent leur vie et un jour finissent par s’en rendre compte. Fui par tous, évité jusque par son entourage, DSK n’avait pour seuls amis que ses remords, ses regrets, et encore quelques soupirs sur une vie qu’il a irrémédiablement gâchée, il le sait. Mais même de cet état, il a fallu le tirer pour, encore une fois, le jeter dans la boue. Le rouler dans les insultes et le mépris.
Un achèvement selon un rite bien précis
En effet, dans un livre à paraître ce 27 février, intitulé «Belle et Bête» édité chez Stock et dans le Nouvel Observateur publie quelques extraits, Marcela Iacoub offre DSK en spectacle humiliant sur la voie publique. Offert dans ce livre complétement déshabillé et de manière haineuse, caricaturé jusqu’à l’extrême et faisant l’objet d’une analyse pour le moins pas innocente, l’homme, pourtant à terre, a été enfoncé encore, surtout lorsque cela vient de celle qui a vécu avec lui durant sept mois car, pour pouvoir écrire ce livre qui était planifié bien longtemps à l’avance, Marcela a dû trouver le stratagème qui devait lui permettre d’approcher puis de séduire DSK afin de procéder à une «expérience du dedans» au sens scientifique du terme. Elle l’avait défendu à l’époque, c’est à dire à un moment où tout le monde lui tirait dessus puis elle s’en approchait pour connaître l’homme de plus près afin pouvoir mieux l’analyser.
Dans ce qu’elle écrit et que certains trouvent malheureusement «une puissance littéraire», il y a beaucoup de haine pour l’être humain, beaucoup d’irrévérence à l’égard de l’espèce humaine et énormément «d’exhibitionnisme intellectuel».
Comme dans un dernier spasme qui parcourut son âme, DSK réagit en adressant un courrier au journal, mais aura-t-il la force de résister et de survivre à cela? Le coup de Marcela Iacoub ressemble à un achèvement de la bête.
Un achèvement qui eut lieu selon un rite bien précis et sur un autel que nous nous gardons d’évoquer ici. Il est désormais difficile pour celui qui fut à la tête de l’une des plus prestigieuses institutions du monde de survivre au coup. Il est achevé. Dans un dernier geste pour sauver ce qui lui reste, et il ne lui reste plus grand-chose à faire valoir, optera-t-il pour vivre avec son malheur définitivement retiré du monde ou bien penchera-t-il pour l’autre solution, celle qui consistera à mettre fin à ses jours? Quelle que soit sa décision et son acte, il est une vérité qu’il faut dire: son lynchage est tellement trempé dans de la haine et le lynchage est tellement acharné qu’il est impossible que la chute de DSK soit une affaire de moeurs. On se souviendra que l’homme a été lâché par tous, et surtout par les siens.