Comme tous les pensionnés d’origine étrangère, ils doivent séjourner au moins six mois en France pour bénéficier des mêmes prestations que leurs homologues français.
Le Conseil d’État français vient de dissiper les ultimes espoirs des centaines de milliers de retraités algériens et de leurs camarades maghrébins, qui l’avaient sollicité afin d’invalider une loi discriminatoire les obligeant à séjourner au moins six mois dans l’Hexagone, pour bénéficier, comme leurs homologues français, de la protection universelle maladie. L’institution a non seulement confirmé la réglementation en vigueur dans ce domaine (une permission de sortie du territoire plafonnée à 182 jours sur 12 mois consécutifs), mais elle autorise également les agents de la Sécurité sociale à contrôler les documents de voyage des pensionnés pour vérifier la durée de leur présence dans l’Hexagone et à sanctionner les contrevenants, en les privant de leurs prestations.
Résultat : un nombre considérable de Chibanis (le nom attribué aux retraités maghrébins) est obligé de faire des va-et-vient permanents entre leur pays d’origine et la France. Certains, en fin de vie ou sans ressources suffisantes, renoncent tout bonnement à voyager et restent parqués dans les foyers, quelquefois jusqu’à leur mort.
Officiellement, la France compte 800 000 pensionnés maghrébins. La plupart sont Algériens. Ils ont trimé toute leur vie dans des usines, les mines et sur les chantiers.

Beaucoup ont développé des maladies professionnelles (dues à l’usure au travail) qui les obligent à rester en France pour y être soignés. Le montant dérisoire de leurs pensions de retraite les empêche de se loger à leurs frais. Ils sont, par ailleurs, exclus des listes des demandeurs de logements sociaux. Dans les foyers, le règlement les empêche d’héberger qui que ce soit, même leur conjoint. Réduits à une vie de solitaires, les vieux travailleurs immigrés finissent la plupart du temps par se résigner à leur sort. Une petite éclaircie est pourtant survenue dans leur vie, il y a un an, à la suite de la mise en application d’un décret du ministère français de la Santé sur l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine et la création d’un fonds de gestion.
Ce fonds comporte une allocation d’un montant maximum de 550 euros mensuels qui devaient permettre aux retraités étrangers qui résident en foyers de travailleurs migrants d’effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine, auprès de leur famille et sans perdre leurs prestations.
Les associations d’aide aux Chibanis, qui ont jugé cette mesure insuffisante, ont demandé aux autorités d’aller plus loin en supprimant les différences de traitement entre les pensionnés français et étrangers. Le cas d’un retraité algérien de 72 ans, menacé d’expulsion par une décision de la préfecture de la Haute-Garonne (sud de la France) en mai dernier, a défrayé la chronique. La préfecture a refusé de renouveler sa carte de séjour mention “retraité”, sous prétexte qu’il a séjourné trop longtemps en France, soit pendant le délai légal fixé par la Sécurité sociale.
Cette affaire a été finalement réglée par la cour de cassation qui a débouté les services préfectoraux. Le mouvement de solidarité avec le retraité algérien a également permis de mettre davantage en lumière le sort cruel des anciens travailleurs immigrés et de donner l’alerte.
L’Association Adra (Algériens des deux rives et leurs amis), qui défend, depuis des années, les droits des retraités maghrébins, estime qu’il est impensable que des pensionnés français puissent couler des jours heureux au Maroc, sans le moindre souci, alors que des Algériens ne sont pas autorisés à s’offrir le même privilège chez eux, sous peine de perdre des droits sociaux pour lesquels ils ont cotisé toute leur vie.
Profitant de la campagne électorale pour la présidentielle, Adra et d’autres associations tentent de sensibiliser les candidats au sort des Chibanis. Pour le moment, seul Benoît Hamon, représentant de la gauche à l’Élysée, semble en faire cas. Alexis Bachelay, son porte-parole, a rencontré, début mars, les résidents du foyer Adoma de Gennevilliers près de Paris. M. Bachelay, député des Hauts-de-Seine, est aussi rapporteur de la mission parlementaire sur les droits des Chibanis.