Près de 1 500 000 Algériens consomment les drogues et les psychotropes. Voilà un chiffre, dit “dynamique”, qui donne le tournis. À l’école, à l’université, en milieu professionnel ou sportif, les jeunes s’adonnent aux drogues pour “s’évader” d’une réalité amère et face à laquelle ils n’en peuvent plus. Aussi désespérant soit-il, ce chiffre nous renseigne sur les principales raisons de l’ancrage que prend, au quotidien, la toxicomanie dans notre société.
Nos quartiers et cités, nos villages et douars, nos bidonvilles et quartiers huppés sont sensiblement touchés. De la drogue des riches ou de la drogue des pauvres, du kif traité ou de la cocaïne ou encore de l’héroïne, nos jeunes payent cash l’insouciance des pouvoirs publics, mais aussi des parents de voir la société sombrer dans un fléau aussi dangereux que la consommation des drogues.
En effet, l’absence d’espaces sportifs et de loisirs, le manque d’encadrement et d’emplois, la crise du logement et la non-prise en charge des préoccupations des jeunes dans le cadre de la proximité, encouragent le phénomène de la toxicomanie, et, par ricochet, la violence, l’implosion des foyers et les batailles rangées entre quartiers et cités. Pis, les consommateurs passifs ou d’occasion s’ajoutent à cette longue liste de victimes dont seuls les dealers et les barons de la drogue y trouvent leurs comptes. Seuls face aux services de sécurité, les consommateurs de drogues gâchent leur vie l’espace d’un joint consommé ou d’un comprimé dangereusement avalé. Et à quel prix ! La déperdition scolaire constitue une autre raison, estiment les spécialistes de la question. Comme d’ailleurs les divorces ou encore les licenciements abusifs et le harcèlement moral en milieu professionnel.
Dépressifs, une fois dans le milieu et après tentation, les jeunes victimes deviennent des repris de justice et des laissés-pour-compte.
Sur le même plan, les services de sécurité traitent une moyenne annuelle de 15 000 affaires liées au trafic, à la consommation et à la commercialisation des stupéfiants en Algérie.
Le plan national de lutte contre la drogue annoncé par le gouvernement depuis deux ans a, certes, donné ses fruits en matière de répression, mais pas en matière de prise en charge des jeunes dans les centres de désintoxication et de sevrage. Pour preuve, il y a davantage de drogués qui sont jetés en prison que de victimes récupérées à travers ces centres qui ne sont pas généralisés. Pour preuve, il ne se passe pas un jour sans qu’une dizaine d’arrestations ne soient opérées par la police et la gendarmerie nationale.
Le lancement d’une campagne nationale de lutte contre la toxicomanie constitue une aubaine pour les associations, les parents et les centres d’accueil pour s’impliquer, mais surtout pour les comités de quartier appelés à jouer un rôle majeur au premier plan. Faute de quoi, cette campagne tombera à l’eau à l’instar d’autres initiatives dont seul l’effet d’annonce importe pour les pouvoirs publics.
L’école, les médias, les clubs de football et les services de sécurité doivent également contribuer dans cette campagne qui devra s’inscrire dans la durée et non dans des discussions de salon où les victimes et leurs parents sont généralement absents. Il faut dire que les chiffres annoncés çà et là ne sont guère représentatifs et ne prennent pas en considération la consommation du tabac en milieu scolaire, notamment dans les cycles primaire et moyen. Raison pour laquelle, il est urgent de relancer les études stagnées et de faire appel aux spécialistes de la question pour faire une halte et interpeller les consciences. En ce sens, la Forem (Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche) a réalisé d’excellentes enquêtes dans plusieurs wilayas.
Très impliquée dans les programmes de sensibilisation, d’études et de recherches, cette fondation pourrait non seulement apporter des réponses concrètes aux problèmes posés, mais aussi apporter les outils scientifiques pour mener une véritable bataille contre la toxicomanie, sachant qu’elle est également une force de propositions. À chacun ses chiffres et ses propositions, les Algériens deviennent davantage nombreux à sombrer dans la toxicomanie. Comme quoi, il est temps de tirer la sonnette d’alarme…
F.B