Drame du Bordj : ce qui s’est vraiment passé

Drame du Bordj : ce qui s’est vraiment passé

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C’est malheureux, mais ce qui s’est passé avant-hier au stade du 20-Août 1955 est très, très grave. Grave d’abord parce que des vies humaines ont été mises en danger de mort, grave encore parce que ça s’est passé entre des gens de même nationalité, de même religion, habitant la même terre, qui est l’Algérie. Des centaines de blessés ont été évacués en urgence à l’hôpital, ceux-là peuvent s’estimer heureux parce qu’il en y a d’autres qui n’ont même pas eu cette chance. Bref, ce qui s’est passé à Bordj vous donne un dégoût profond, au point de jurer de ne plus mettre les pieds dans un stade de football en Algérie.

Tout a commencé à cause d’un fumigène

Tout à commencé quand un fumigène allumé a été jeté en direction des supporters du CABBA, atteignant deux d’entre eux qui ont été légèrement brûlés. Qui l’a balancé ? Les Mouloudéens ou les Bordjis ? La Ligue devra le déterminer. Les supporters bordjis, eux, ne se sont pas posé la question, ils ont décidé de réagir, et en force. Ils ont commencé par des jets de pierres, et bien sûr, ces pierres partaient dans les deux sens. Cet échange a touché deux supporters du côté du Mouloudia, âgés de 16 et 24 ans, qui ont été transférés en urgence à l’hôpital dans un état critique. Entre temps, l’affrontement se poursuivait dans les gradins.

Les Chnaoua fuient les Criquets et envahissent le terrain

Impuissants devant les Criquets, les Chnaoua ont été pris au piège au milieu des supporters du CABBA déchaînés et décidés d’aller jusqu’au bout, ils ont décidé d’envahir le stade et d’aller se réfugier derrière les joueurs, qui étaient choqués de voir tous ces supporters courir dans tous les sens le visage couvert de sang, provoqué sûrement par les jets de pierres entre les deux partie.

L’impuissance du service d’ordre

Devant ces scènes choquantes et dramatiques, les policiers chargés d’assurer la sécurité dans le stade sont restés impuissants. Non formés pour maîtriser des foules déchaînées, on a fait venir les brigades antiémeute. Ces dernières ont réussi à maîtriser la situation et à limiter les dégâts, cela a pris 12 minutes exactement. Après cela, le jeu à repris le plus normalement du monde, mais on se demande si l’arbitre, M. Boumaâza, n’aurait pas dû arrêter la partie à ce moment-même puisqu’il y avait envahissement de terrain, danger sur les joueurs, et les officiels qui étaient sur le terrain et surtout beaucoup de blessés jusque-là.

73’, les Chnaoua envahissent de nouveau le terrain

Après 12 minutes de temps mort, l’arbitre siffle la fin de la première période qui s’est soldée sur le score de un but à zéro pour le CABBA. La deuxième mi-temps s’est plutôt passée dans une ambiance sportive, mais à la 73’ de jeu, les affrontements ont repris entre les deux camps. Il faut signaler que cela se passait devant les casques bleus, qui étaient pourtant là pour empêcher ce genre d’affrontement. Cette fois, c’était plus violent, plus intense, les supporters des deux camps tombaient comme des mouches touchés par de grosses pierres. Comme en première mi-temps, les supporters du Mouloudia ont encore une fois envahi le stade, mais cette fois, avec la ferme intention de ne pas retourner dans les tribunes.

Un Chenoui agresse Bentayeb et un Criquet agresse Coulibaly…

Un supporter est descendu spécialement pour agresser Bentayeb, et il l’a fait avant de se faire tabasser à son tour par les dirigeants et joueurs remplaçants de Bordjis. Ce dernier incident a déclenché un autre puisque Coulibaly, qui était proche de l’action, a essayé de convaincre ces agresseurs de le lâcher et de le laisser partir, alors il s’est fait lui aussi agressé par un supporter Bordji. Heureusement que le Malien s’est très bien défendu, il a donné une raclé à ce supporter.

«Menottez-moi, emmenez-moi en prison, mais ne me laissez pas avec ces gens-là»

Parmi les supporters du Mouloudia, certains supporters ont essayé de rester loin de ces événements, comme ce pauvre garçon qui a sauté du haut du grillage, il s’est dirigé vers les policiers, il s’est mis à genou, et en tendant les mains, il a demandé aux policiers de le menotter et de l’emmener au poste de police, et de le frapper s’ils le souhaitent, pourvu qu’il quitte cet enfer. Bien sûr, les policiers ont refusé de répondre à sa requête, en contrepartie, ils l’ont emmené de force vers les fameuses tribunes où tout a commencé.

Kial et Babouche ont failli en venir aux mains

Le capitaine du Mouloudia insistait auprès de l’arbitre central, Boumaâza, pour arrêter la partie, ce que Kial n’a pas apprécié, et il n’a pas hésité à le lui dire : «Pourquoi tu veux arrêter la partie… je t’ai battu sur le terrain, et ce sont vos supporters qui ont envahi le stade pas les nôtres.» Babouche a répondu froidement et envoyé Kial se promener, ceci a mis le capitaine du CABBA hors de lui, et il a essayé de frapper Babouche, ce dernier a préféré ne pas répondre, et il a été emmené loin de Kial, qui voulait absolument l’affronter.

Le fameux appel de Boumaâza

Pris de panique et ne sachant quoi faire, l’arbitre de la partie décida alors d’appeler quelqu’un de la ligue, sûrement, pour lui demander ce qu’il fallait faire. Les joueurs des deux équipes l’ont entouré, essayant de savoir à qui il parlait. Boumaâza raccrocha le téléphone, convoqua ces deux assistant, ainsi que le quatrième arbitre, demanda au commissaire du match de le suivre, et tout ce monde rentre au vestiaire pour prendre une décision. Entre temps, les supporters du Mouloudia et du CABBA continuaient à envahir le terrain et à courir dans tous les sens.

L’arbitre décide d’arrêter le match, c’est la confusion

Après 40 minutes de plaidoirie, l’arbitre de la partie décide d’arrêter le match. Les dirigeants des deux clubs, eux, voulaient savoir ce que l’arbitre a mentionné sur son rapport, et qui aura les points de la partie. On s’est approché de Kial, qui demandait à ces camarades de rentrer aux vestiaires, ce qu’il pensait de la décision de l’arbitre et sa réponse était plutôt étrange : «Il a pris la bonne décision.» Cela nous surpris au début, mais après avoir jeté un coup d’œil sur ce qu’a mentionné l’arbitre dans son rapport, on a compris pourquoi Kial était aussi rassuré.

Il y a quelques jours, on a vu des femmes et même des bébés dans un stade algérien. On croyait que notre public a grandi, comme notre sélection a grandi, on croyait que nos supporters ont mûri, comme l’équipe nationale a mûri, mais finalement, ce n’était qu’une exception dans un match amical qui n’avait aucun enjeu. Le championnat a repris, la violence aussi.

Le lieutenant de la Protection civile : «Plus de 100 blessés»

En marge de tout ce qui s’est passé, on a approché le lieutenant de la Protection civile qui nous a déclaré : «Je ne peux pas vous dire le nombre exact de blessés, ni le degré de gravité de leurs blessure. Mais je peux vous assurer que j’ai vu de mes yeux des cas vraiment graves. Je parle bien sûr des garçons qui ont été touchés au crâne, et ceux qui ont été victimes de coup de couteau.». Et concernant le nombre approximatif de blessés, il a répondu : «Plus de 100, ça j’en suis sur.»