Le Dr Abdelkader Cherchali, membre du Poste de Commandement Opérationnel de lutte contre la grippe A(H1N1) au ministère de la Santé, revient dans cette interview sur l’origine de la pandémie et ses symptômes. Il a évalué, également la propagation du virus en Algérie.
Notre interlocuteur est revenu aussi sur l’efficacité des antiviraux et du vaccin qui ont suscité une grande polémique.
Le Courrier d’Algérie : De prime abord, pouvez-vous éclairer nos lecteurs sur l’origine de cette pandémie qui a fait des dégâts énormes dans plusieurs pays ?
Dr Cherchali : Premièrement, c’est une maladie qui s’est manifestée en fin du mois de mars et au début du mois d’avril de l’année en cours. Le virus de cette pandémie est apparu, en premier lieu, en Amérique centrale plus particulièrement au Mexique… avant de se propager ensuite aux États-Unis.
Après des études faites par des laboratoires mexicains et américains, il s’est avéré que le nouveau virus H1N1, un nouveau virus dont la propagation est très rapide dans le sens où, une fois qu’il rentre dans une collectivité, il peut contaminer un grand nombre de personnes dans un laps de temps très court.
Ce qui s’est vu au niveau du Mexique et de la Californie. Les autorités mexicaines avaient décrété l’état d’urgence. Toutes les écoles ont été fermées durant une période. Et puisque on ne peut pas fermer les frontières, la maladie s’est propagée rapidement dans le monde et l’OMS a déclaré la phase 5 puis la phase 6 le mois de juin.
Dans notre pays, juste après la première apparition de cette pandémie nouvelle, les autorités on mis en place un dispositif de lutte contre la propagation de la pandémie. L’objectif majeur de ce dispositif étant d’éviter l’intrusion du virus dans notre pays en renforçant le dispositif de contrôle sanitaire aux frontières par la mise en place d’équipes médicales et progressivement d’autres mesures sont venues renforcer ce dispositif.
Ainsi, on a acquis des caméras thermiques qui permettent de détecter une augmentation de la température des passagers. Le premier cas de grippe A(H1N1) est apparu au mois de juin. Il s’agissait d’un cas importé. Jusqu’au mois d’octobre, on a enregistré 50 cas cumulés.
Une recrudescence est apparue en cette fin du mois avec l’apparition de 63 cas cumulés. Dans un espace de moins de deux mois, les services de la santé ont enregistré 400 cas. Aujourd’hui, le nombre des cas confirmé est de 553 cas. Le premier décès a été enregistré la veille de l’Aïd. Il n’a pas été sans créer une panique.
Le nombre n’a pas cessé d’augmenter jusqu’au jour où on a enregistré le 32ème décès. La recrudescence de ces cas était prévisible avec le changement du climat et le passage de la phase estivale à la phase automnale et de la phase automnale à la phase hivernale.
Donc c’était prévisible. Il est à noter qu’il ne faut pas oublier que les cas qu’on déclare sont des cas qui se présentent volontairement à la consultation. Donc ils sont captés. Et comme vous savez en épidémiologie il y a toujours des cas non déclarés.
Approximativement, ces cas selon un modèle qui se fait au niveau de l’OMS, il est aisé de dire que peut-être on a beaucoup de cas non déclarés. Leur nombre doit dépasser mille ; deux millesou trois mille cas non déclarés. Si on fait un calcul approximatif selon les formules employées par l’OMS on arrive peut-être à 8 mille cas non déclarés.
Les symptômes de cette grippe sont similaires à ceux de la saisonnière. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pour les symptômes de cette maladie c’est un syndrome grippal. C’est une grippe banale qui commence par une hausse de la température, une fièvre, les yeux et le nez coulent, des courbatures sont ressenties.
C’est un syndrome grippal bénin dont les symptômes apparaissent 48 heures après la contagiosité. Quand on attrape le virus, pendant 48 heures on est bien, après ces 48 heures les symptômes commencent à paraître et la personne reste contagieuse durant une semaine. Donc c’est la période de contagiosité. Ces symptômes se confondent avec les symptômes d’une grippe saisonnière.
La différence durant la période estivale est la notion d’un cas venu de l’étranger. Mais maintenant ce n’est plus le cas. Actuellement, le virus circule d’une façon vivante. Par conséquence les spécialistes disent aujourd’hui que 80 % du virus qui circule actuellement c’est le H1N1.
Ce qui veut dire que tout le monde est entrain de faire une petite grippe A et cela dépend de la personne bien sur. Le diagnostic qui différencie entre la grippe A(H1N1) et la grippe saisonnière c’est le diagnostic géologique.
Quels sont les dégâts réels de cette pandémie ?
La grippe A(H1N1) est une pandémie qui ne tue pas mais elle est très contagieuse et se transmet par voix aérienne comme par voix manuportée. Ce sont les principales voix de transmission. Elle ne tue pas mais elle fait des dégâts chez des personnes vulnérables particulièrement la femme enceinte dans le deuxième et le troisième trimestre.
Ce sont des femmes immunodéprimées de par la conception du foetus. Les personnes ayant une maladie chronique et les jeunes adultes sont aussi très exposés au danger de la mort. Sur les raisons du taux élevé de la contamination enregistré chez les jeunes adultes, aucune étude jusqu’à présent n’a été effectuée.
Généralement, ce n’est pas le virus qui tue mais il complique d’autres pathologies. Quant on a une maladie, le virus la complique. Cependant, cela ne veut pas dire que les personnes non malades ne peuvent pas mourir suite à la contamination du virus H1N1.
Pour les antiviraux utilisés, sontils efficaces pour guérir de la grippe A(H1N1) ?
La charge virale diminue dans 72 heures après l’utilisation des antiviraux. Ces derniers sont efficaces puisqu’ils empêchent le virus de se multiplier. Vous pouvez même contacter des patients qui ont déjà guéri de cette grippe. Ils sont en bonne santé et aucune complication n’a était enregistrée jusqu’à présent. Le vaccin contre cette grippe est aussi efficace puisque il est capable d’étouffer le virus.
Pour cette raison, il serait mieux de se faire vacciner une fois le vaccin disponible. D’ailleurs, on vient d’acquérir les premières doses. Ils sont à l’institut Pasteur sous contrôle. La quantité reçue est d’origine canadienne mais il ne faut pas oublier que c’est un vaccin homologué par l’OMS pour être utilisé contre le H1N1. Pour ses effets indésirables, ils sont minimaux. Les effets indésirables enregistrés dans tous les pays du monde sont des effets secondaires mineurs.
Au Canada le syndrome de Guillain Barré n’est pas rapporté au virus. Il faut faire une enquête poussée pour connaître les vrais effets de ce vaccin. Seulement, il ne faut pas oublier que les dommages collatéraux existent. Cependant si le vaccin fait autant de dégâts qu’on le lit dans la presse, il vaut mieux le retirer du marché. Il y a aussi le problème de l’adjuvant qui a créé une grande polémique.
De ma part, je rassure la population que l’adjuvant utilisé dans ce vaccin n’est pas dangereux. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’effets secondaires. Ce virus est imprévisible. On peut avoir des données aujourd’hui qui ne seront plus valables le lendemain. D’ailleurs, les gens en Europe ont refusé le vaccin au début mais ils ont fini par se faire vacciner puisque il n’y a pas d’autres solutions.
La quantité de 20 millions de doses sera- t-elle suffisante pour protéger toute la population ?
Les 20 millions de doses qu’on reçoit par tranches seront suffisantes pour protéger les citoyens de cette pandémie. D’ailleurs, l’OMS a recommandé la vaccination de 30 % de la population alors que nous nous allons vacciner presque 60 % de la population.
Cette quantité pourra sûrement briser la chaîne de transmission du virus. Ainsi, les mesures de prévention sont basiques. Il faut uniquement les suivre et elles seront efficaces. Dans le cas de Beni Saf, seule la vigilance des services de la santé scolaire et l’adhésion des parents d’élèves ont sauvé la région d’un drame certain. Pour cette raison, le programme national de lutte contre la grippe A(H1N1) est en éternel mouvement.
Il essaie de s’adapter avec toute nouvelle situation. Ainsi, il sera renforcé sur un certain niveau en cas de nécessité comme on a fait dès le retour des pèlerins où un nouveau dispositif a été mis en place. Je peux même confirmer que les moyens de prévention ne nous manquent pas. On a suffisamment des masques pour couvrir toute la population.
D’autre part, une campagne de sensibilisation a commencé récemment et un plan de communication a été élaboré par la structure compétente.
Qu’en est-il de la grippe saisonnière ?
La grippe saisonnière diffère de la grippe A en quelques détails. La première est plus mortelle par rapport à la deuxième mais elle laisse à la personne atteinte le temps pour agir.
Ce qui n’est pas le cas pour le virus H1N1. La personne touchée par le virus H1N1 répond au traitement puis soudainement le malade rechute. La catégorie la plus touchée est aussi différente. La grippe saisonnière est mortelle pour les personnes ayants une maladie chronique et celle du virus H1N1 a causé la mortalité de jeunes adultes surtout et des femmes enceintes.
Le message que vous voulez adresser à la population
Je tiens à rassurer la population que la situation actuelle est bien gérée. Il ne faut pas paniquer. La situation est gérable et on arrive à tempérer cette panique. Au contraire, il faut comprendre bien la maladie, ses symptômes et surtout le mode de prévention qui est la meilleure solution pour éviter la contamination au virus H1N1.
Il faut aussi être vigilant. Pour sa part, le ministère de la Santé a fait tout le nécessaire pour assurer une campagne de vaccination avec le minimum de problèmes. J’insiste à dire aussi que les dommages collatéraux existent toujours et il ne faut pas en avoir peur. Il y a un autre point important à signaler c’est que le taux de mortalité de la grippe saisonnière est beaucoup plus élevé que celui de la grippe A.
Abla Selles