Le don d’organe, un sujet tabou chez nous
Il faut savoir que 98% des greffes d’organes effectuées chez nous se font à partir de donneurs vivants apparentés.
Il est plus qu’urgent de faire une véritable évaluation de la question des dons d’organes en Algérie. Des gens souffrent et endurent des douleurs permanentes, ils meurent à petit feu, alors qu’ils peuvent être sauvés. Avant-hier, une journée de sensibilisation et d’information sur le don d’organes a été organisée à la Faculté des sciences médicales d’Alger par l’association de dons d’organes Biloba. Un constat a été établi, il est loin d’être satisfaisant. Parlant concrètement, statistiques à l’appui, l’Algérien semble être généreux, mais pas au point de donner une certaine partie de son corps. La 8eme journée «portes ouvertes sur le don d’organes et de tissus» a focalisé l’aspect légal, scientifique, médical et religieux. «Le don d’organes pour les besoins de transplantation doit être une pratique pérenne», a souligné la présidente de l’association de dons d’organes (Biloba), le Dr Radhia Kraiba spécialiste praticienne au Centre de cancérologie Pierre et Marie Curie (Cpmc). La même responsable a fait savoir que ce genre de manifestations vise à sensibiliser les citoyens de l’importance du don d’organes en tant qu’acte de générosité et de solidarité destiné à sauver la vie des malades ayant besoin d’une greffe.
Elle a regretté entre autres, le fait que cette pratique ne soit qu’occasionnelle en Algérie, au moment où les besoins en matière de transplantations d’organes ne cessent de croître. Elle a encouragé, en particulier, le don d’organes à partir de donneurs vivants en raison de la qualité du greffon, soulignant que 50% des dons effectués en Europe du nord (une référence en la matière) le sont par cette méthode. Relevant le caractère scientifique de l’association, elle a émis le voeu que soient plus nombreuses les organisations de malades, afin que leurs voix soient mieux entendues.

«J’ai donné un rein»
Dans le même contexte, selon les données collectées par Biloba, moins d’une dizaine de greffes de foie ont été pratiquées en Algérie depuis 2010, dont 659 transplantations de reins, près d’un millier de cornées et 187 autres greffes de cellules souches hématopoïétiques. «Ce nombre est en deçà des attentes des malades, d’où l’intérêt de cette journée à travers laquelle nous tenons à sensibiliser la population sur l’importance du don d’organes, lequel doit être une culture bien ancrée dans notre société», selon le vice-président de Biloba et chargé de communication, Zebboudj Abderezzak. Selon un sondage réalisé par la même association, 80% des personnes interrogées seraient favorables aux dons d’organes. Mais seules 50% d’entre elles sont prêtes à devenir concrètement des donneurs. 30% sont favorables sans pour autant vouloir un jour être donneuses d’organes. Par ailleurs, les membres de Biloba s’activent-ils afin que la proportion des donneurs soit plus large, à travers notamment des campagnes d’information de proximité et en mettant en avant les différents aspects liés à la question, à savoir le religieux, le juridique, le médical et le sociétal.
Dans un autre chapitre, un imam de Staouéli a été convié à cette rencontre afin de clarifier l’approche théologique autorisant le don d’organes, verstes coraniques et hadiths du prophète (Qsssl) à l’appui. Ce dernier a invité les Algériens à être généreux et solidaires entres eux. «Le don d’organes est possible dans l’alternative de sauver d’autres vies.
La gratuité du don est un principe primordial», selon le même imam de la mosquée. Abordant l’aspect juridique, un médecin légiste dans un hôpital public a révélé que «les principes juridiques qui encadrent le don et la greffe d’organes sont énoncés par la loi 85/5 relative à la protection et à la promotion de la santé».
Par ailleurs, la transplantation rénale, hépatique, de cornée et transplantation et greffe de moelle osseuse sont les seules greffes pratiquées en Algérie avec un taux très timide. «Depuis 1987, je vis avec un seul rein. Prendre la décision de faire don de son rein n’est pas chose aisée, mais ce faisant, j’ai permis à mon frère de vivre» a témoigné lors de cette rencontre, Mme Malika Aïche. Aujourd’hui à la retraite, elle affirme que son acte ne représente aucunement un handicap pour elle, dans la mesure où elle a continué longtemps à exercer son métier de professeur d’éducation physique.
Mais sa satisfaction profonde demeure celle d’avoir permis à son frère de «vivre normalement», en exerçant le métier de médecin et en menant une vie de famille, au même titre que toute personne saine. En consentant ce geste qui exprime autant la générosité que l’amour qu’elle éprouve pour son frère, Mme Aiche a dû dompter la peur qui l’accompagnait depuis le début. «Aujourd’hui, je veux témoigner pour donner de l’espoir aux malades et inciter les citoyens à réfléchir à cet acte salvateur», a-t-elle confié, ajoutant que si «la vie est un don de Dieu, la préserver relève du devoir». Une autre dame a pris la même décision pour donner un rein à son mari. «Depuis que j’ai su sa maladie et la possibilité de lui donner mon rein pour lui permettre de vivre normalement, j’ai insisté auprès de lui pour qu’il accepte», a indiqué l’épouse d’un air très confiant, notamment qu’elle n’ait pu convaincre son mari qu’après cinq ans de souffrance. «Nous avons procédé à toutes les démarches, nous attendons notre tour, nous sommes sur la liste», souligne l’époux. Le don d’organes est une histoire de partage, un acte de générosité destiné à sauver des vies.
Ce qu’il faut savoir sur le don
En effet, quand une personne tombe malade et qu’elle a besoin d’un organe, de tissus ou de cellules, une autre personne peut lui sauver la vie. Par ailleurs, il est possible d’être donneur dans deux situations: donner de son vivant à des personnes apparentées(frère, soeur parents et enfants). Un donneur vivant peut essentiellement donner un rein, une partie du foie ou du poumon et des cellules de la moelle osseuse. Donner après sa mort anonymement à toute personne en attente d’une greffe. Après la mort tout constituant du corps humain peut faire l’objet d’un don. Il est possible de faire connaître à vos proches votre position en faveur du don afin qu’ils puissent en témoigner et y consentir à leur tour. Par ailleurs, il faut savoir que la question du don se pose le plus souvent dans un moment de détresse et de souffrance où l’équipe médicale s’efforce de rechercher l’éventuel accord du donneur. Trop souvent, les familles choisissent de s’opposer au don d’organes. Ainsi environ un tiers des prélèvements n’ont pas lieu pour cette raison. La carte de donneur constitue une trace d’accord et peut aussi aider à consolider l’engagement ou à en discuter. Mais elle n’a aucune valeur légale (carte ou non, l’équipe médicale doit consulter les proches avant d’envisager tout prélèvement).