Domergue (ancien international français) «Halliche doit aller dans un grand club pour grandir»

Domergue (ancien international français) «Halliche doit aller dans un grand club pour grandir»

«J’ai été agréablement surpris par le jeu des Algériens»

Jean-François Domergue a fait partie de la génération dorée du football français des années 80, aux côtés de Michel Platini, Alain Giresse, Jean Tigana, Luis Fernandez, Manuel Amoros, Dominique Rocheteau et autres Bernard Lacombe.

Reconverti en entraîneur, il est resté dans le domaine du football. C’est en observateur qu’il suit la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. C’est en ancien international et en entraîneur qu’il donne ses appréciations sur ce Mondial et sur la participation algérienne.

Pouvez-vous nous brosser un petit tableau sur le niveau général de cette Coupe du monde ?

Au niveau de la production du jeu, je suis quand même un peu déçu. Exceptées certaines nations qui sont fidèles à leurs principes de jeu et à une certaine forme de politique sportive, tels les Pays-Bas, le Brésil, l’Espagne et même l’Allemagne qui m’apparaissent aujourd’hui comme des équipes avec du jeu, le reste me laisse un peu sur ma faim.

Les deux finalistes de la précédente édition, l’Italie et la France, sont out, l’Angleterre également… Qu’est-ce qui ne marche pas pour les sélections européennes ?

C’est ça le football, tout simplement. Ce n’est pas, pour autant, une raison pour en faire une affaire d’Etat, comme c’est le cas en France actuellement. Concernant le football européen, il y a une réflexion à mener. Les joueurs sont extrêmement sollicités. Ils font une période de préparation après avoir terminé un championnat.

Est-ce que cette période de préparation est nécessaire ? Ne faut-il pas plutôt faire une coupure ? Ce sont des réflexions à mener. Ceci étant, il y a des années comme ça ! C’est le football. Il y a quatre ans, les deux finalistes du Mondial étaient la France et l’Italie. Là, elles se retrouvent out. C’est peut-être une opportunité pour des sélections sud-américaines et africaines d’être revalorisées. C’est à l’image de ce qu’on ressent ici, en Afrique du Sud : c’est une Coupe du monde dans laquelle on se sent bien, où on voit des matchs qui ne sont pas nécessairement agréables, mais qui prévalent par l’ambiance environnante.

Ne pensez-vous pas que le problème avec l’Italie et la France est que les générations de joueurs ne se sont pas renouvelées ?

Pour l’Italie, je ne sais pas, mais pour la France, je pense que nous n’avons pas une génération susceptible d’être candidate au rôle de finaliste de la Coupe du monde ou à celui de champion du monde. Nous avons une sélection constituée de joueurs tout juste moyens.

Ce n’est pas facile de remplacer un Zidane, un Thuram ou un Makélelé…

Exactement. C’est un problème de générations.

Est-ce que les médias en France ont trop grossi cet environnement français ?

Je pense que oui car, quand on voit le match du Mexique, qui avait battu la France 2-0, contre l’Argentine, on voit bien que les Mexicains étaient bien supérieurs aux Français.

Qui voyez-vous aller au bout ?

Moi, je vois une finale Brésil–Espagne. Le seul aspect qui pourrait perturber ce pronostic est la force de l’Allemagne qui, quand même, apparaît comme une équipe très intéressante au niveau de ses principes.

Pourquoi n’avez-vous pas cité l’Argentine qui est, pourtant, l’équipe qui a inscrit le plus de buts depuis le début de la compétition ?

Parce que cette équipe, à mon avis, est surtout forte individuellement, alors que les équipes que j’ai citées s’appuient sur un collectif. La sélection argentine a évidemment de grandes qualités, mais ces qualités sont plus individuelles que collectives. Il y a Tevez et Messi en attaque, Heinze et Burdisso sur les coups de pied arrêtés, mais je pense que les autres équipes pèsent plus.

D’autant plus que, contre le Mexique, l’équipe de l’Argentine s’est montrée quelque peu frileuse en défense en deuxième mi-temps…

Certes, mais je crois que les Sud-Américains sont capables de gérer un résultat, à l’image du Brésil, qui est capable de changer de rythme de jeu, de ralentir comme d’accélérer si le besoin s’en fait ressentir. Après avoir inscrit deux ou trois buts, ils sont capables de baisser le rythme et de passer à une vitesse de 20 ou 30 km/h.

Parlons de la participation africaine. Cinq des six nations participantes ont été éliminées au premier tour et seul le Ghana est passé. A quoi cela est-il dû, selon vous ?

Il faut vraiment être dedans, au sein de ces équipes, pour vraiment comprendre ce qui s’est passé. De mon point de vue extérieur, le Ghana est quand même, historiquement, un pays qui a énormément travaillé sur les jeunes dans le football. On sait que dans les dernières compétitions mondiales chez les jeunes, le Ghana a été champion du monde en cadets et en juniors. On sait aussi que le Ghana a été finaliste de la Coupe d’Afrique des nations. On sait également que la génération qui arrive a été vainqueur du Tournoi de Toulon des jeunes. Tout cela veut dire que le football ghanéen est en pleine évolution avec un projet qui arrive à se réaliser.

J’ai trouvé les joueurs ghanéens disciplinés et organisés durant leur match. Ils ont été fidèles à une rigueur, ce qui n’est pas toujours le cas dans le football africain. Le Ghana incarne la progression du football du continent. C’est aussi à l’image de l’équipe d’Algérie qui a su montrer du potentiel dans le jeu, de la force défensive, une construction du jeu. Malheureusement, elle a manqué d’efficacité devant le but.

Indépendamment du manque d’efficacité affiché par les Algériens, avez-vous été plutôt agréablement ou désagréablement surpris par leurs performances ?

Plutôt agréablement surpris. Pour moi, c’était logique. Ce n’est pas une surpris que de voir l’Algérie aujourd’hui en Coupe du monde. Je pense qu’elle va vivre énormément de ce qu’elle a vécu pendant trois matches. Ça va l’enrichir. Si, tout autour de cette équipe, on est capable de trouver les joueurs qui ont le potentiel offensif pour marquer des buts, je crois que, dans les prochaines qualifications, on retrouvera l’Algérie, pourquoi pas ? Je pense que ce serait intéressant que cela se fasse dans la durée.

Vous connaissez la majorité des joueurs composant la sélection d’Algérie puisqu’ils ont joué ou jouent en France. Y a-t-il d’autres joueurs méconnus que vous avez découverts ?

Je tiens à dire, de prime abord, que j’ai été surpris que Yazid Mansouri n’ait pas joué. Je l’ai bien connu quand j’étais au Havre. Les joueurs algériens ont évolué au niveau que nous leur connaissons. J’ai trouvé Belhadj intéressant, ainsi que Ziani et Kadir. J’ai aussi bien aimé la défense axiale, où j’ai découvert un jeune joueur qui joue aux côtés de Bougherra…

C’est Rafik Halliche…

Oui, c’est ça. C’est un joueur très intéressant qui mérite de connaître une progression dans de grands clubs afin qu’il puisse justement grandir. Il y a eu également le gardien de but. Je pense qu’il faut être extrêmement positif et fier de ce qu’a fait l’Algérie. Les techniciens qui étaient autour ont dû voir qu’il manquait juste la finition. C’est cet aspect qu’il faudra travailler.

Lorsque vous étiez joueur, vous étiez arrière gauche, tout comme l’est Nadir Belhadj. Comment jugez-vous le rendement de ce dernier ?

J’ai connu Nadir lorsque j’étais entraîneur à Sedan. C’est un joueur qui progresse, qui a l’air d’avoir acquis de la rigueur dans son jeu. Il apporte un plus par sa vitesse sur le plan offensif. Il est appliqué, mais il faudra mettre un peu plus de rigueur dans l’application offensive. Je le pense capable de faire des choses intéressantes. Encore faut-il qu’il y ait des joueurs efficaces devant le but pour concrétiser son travail.