Les Français ont déployé des efforts à percer les plans politiques non avoués publiquement du président Bouteflika et de son frère cadet, Saïd, le plus entreprenant en politique comparé au reste de la fratrie. Un câble Wikileaks révèle qu’entre 2008 et 2009 notamment, les Français se sont grandement intéressés à Saïd Bouteflika. Voici ce que leurs sondes ont pu enregistrer.
Les notes rédigées et expédiées en France par Anne Claire Legendre, officier chargé du Desk à l’ambassade de France en Algérie décrivent les Bouteflika comme des gens qui ont étalé un voile noir sur leurs vies privées, à tel point que rien ne filtre.
Cette culture du secret de la vie privée, cultivée à outrance, a eu son extrapolation, note la diplomate française, s’agissant des plans du président Bouteflika pour la promotion politique de son cadet.
Un cadet, Saïd, en l’occurrence, décrit comme «un homme de l’ombre», qui préfère la fréquentation des technocrates du RND aux politiques du FLN, mais qui a entrepris d’assumer publiquement un rôle politique, à travers sa participation, voire la direction du comité de campagne électorale pour la réélection de son frère pour un troisième mandat.
Cette sortie de l’ombre, la diplomate française l’a interprété comme une velléité inavouée de se placer en potentiel successeur de son frère à la magistrature suprême. Anne Marie Legendre consigne en effet que le président Bouteflika a tenté de créer le poste de vice-président de la République à l’occasion de l’amendement constitutionnel de novembre 2008.
Le plan, écrit-elle, a capoté du fait des oppositions qui s’y étaient manifestées. «Le plan a échoué parce que Saïd apparaissait alors comme un candidat de premier plan au poste», fait-elle remarquer, avant de supposer que «l’abandon de l’idée pourrait signifier que les chefs militaires et du renseignement ne voulaient pas de Saïd dans ce poste de haut niveau, qui pourrait le placer de facto en successeur de son frère.»
Une autre tentative
La diplomate française ne pense pas que le président Bouteflika, confronté à l’échec de son premier échec, abandonne la partie. Elle écrit que Bouteflika pourrait essayer à nouveau durant son troisième mandat, lors de la révision constitutionnelle.
Anne Marie Legendre suggère cette éventualité, après s’être interrogée sur l’intention de Saïd Bouteflika à créer son propre parti politique. Elle a, comme tout le monde, noté les rumeurs qui ont été distillées à ce propos. Sans affirmer quoique ce soit. Dans son commentaire, elle évoque deux origines possibles de ces rumeurs : Conçues comme un ballon de sonde, pour évaluer la réaction du public, elles pouvaient avoir été lancées par Saïd Bouteflika lui-même ou par son frère, le président. Elles pouvaient aussi avoir été distillées par les deux principaux partis, le FLN et le RND, qui auraient voulu percer les véritables intentions de Saïd Bouteflika.
Anne Marie Legendre a noté que les deux partis ont perçu cela comme une menace et étaient d’ailleurs restés sur la défensive. Une troisième piste suggérée par la diplomate française : les rumeurs pouvaient avoir été l’œuvre des responsables militaires qui, selon elle, auraient travaillé à suscité une réaction négative et signifié par la même que le projet devrait faire face à une opposition.
S. A. I.