Dob Mounir : «Le regretté Keddou m’avait convoqué en sélection juniors sans télex»

Dob Mounir : «Le regretté Keddou m’avait  convoqué en sélection juniors sans télex»

Mounir Dob a une particularité : il a joué dans quelques uns des clubs les plus populaires du pays tout en ayant conservé l’amitié de tous les supporters qui l’ont choyé et aimé. Aujourd’hui jeune retraité, il retrace son parcours au sein du MCA, club qui l’a formé, du CRB, où il a été révélé, au CAB, où il a été aimé, à la JSK, où il a rebondi, et au CSC où il n’a jamais perdu de sa popularité. Dans cette première partie, il nous retrace ses débuts.

Qui de votre frère Fodil ou vous a entraîné l’autre dans le monde du football ?

Je vous surprendrai peut-être, mais il se trouve que c’est ni lui ni moi. En fait, c’est un autre frère, Mourad, mon aîné d’un an, qui avait été le premier à entrer dans une école de football. C’était au club de Bologhine, où il avait débuté comme gardien de but. Nous allions parfois le voir s’entraîner et jouer. Il avait parlé de nous à son entraîneur, Omar Medjane, qui nous a demandé de venir faire des essais. Nous l’avons convaincu dès le premier jour des tests. Fodil a même été surclassé d’une année pour être dans la même catégorie que moi. C’est ainsi que nous sommes venus au football. Au fait, savez-vous où nous avions fait les essais ?

Sur le terrain de Bologhine, non ?

Au stade de Bologhine, mais pas sur le terrain principal. C’était sur un petit terrain en tuf qui se trouvait sur l’emplacement où a été construite la nouvelle tribune du stade, celle où se trouvent les bureaux administratifs de l’USMA. C’est là qu’a commencé notre aventure avec le football.

Pourquoi votre frère Mourad, qui a vous a ouvert la voie, n’est-il pas allé aussi loin que vous dans le football ?

Après avoir commencé comme gardien de but, il avait évolué par la suite comme attaquant et a même gravi les échelons avec Fodil et moi au MC Alger jusqu’à la catégorie juniors. Nous avons été donc trois frères à jouer en même temps au MCA. Puis, Mourad a abandonné le football alors qu’il était un bon joueur parce qu’il était difficile, à l’époque, pour un junior de trouver sa place chez les seniors. Seuls un ou deux juniors avaient la chance d’être promus chez les seniors et c’était en général des internationaux, comme c’était le cas pour Cherrouk à notre époque. Mourad a préféré émigrer en Espagne où il réside toujours.

Vous souvenez-vous de votre premier match avec l’école de Bologhine ?

Je me souviens que nous avions joué à Bologhine contre l’équipe d’Alger-Centre, je crois… A moins que ce ne soit celle de la banque (il hésite quelques secondes)… Je ne m’en rappelle pas très bien, mais ce qui est sûr, c’est que j’avais inscrit un quadruplé.

Comment avez-vous atterri au Mouloudia ?

Un jour que nous revenions de la plage, nous avons entendu dire que les benjamins de Bologhine allaient affronter ceux du MC Alger. Nous nous sommes rendus sur place et avons trouvé notre frère Mourad. Ce dernier nous a informés qu’il y avait un match contre l’école du MCA, mais qu’il manquait des joueurs. Il a parlé de nous à son entraîneur qui a pris la décision sur place de me faire participer au match. Comme ce n’était pas prévu que je joue, je n’avais même pas de souliers de football et c’est un autre joueur, présent dans les gradins, qui m’avait prêté les siens. Dans les années 80, le MCA était un très grand club. Même son équipe benjamine était redoutée.

Qui était l’entraîneur de l’équipe du MCA ?

Ils étaient deux : Madjid Oudina et Sid-Ahmed Derriche.

Que s’est-il passé dans le match ?

Sur le papier, l’écart est très important entre les moyens du MCA et ceux de notre club. Affronter le Mouloudia était en soi un événement pour nous. Sur le terrain, j’ai donné tout ce que j’avais. C’était un match intense, indécis, où nous répondions au Mouloudia du tac au tac. J’avais inscrit un but sur une passe de mon frère Mourad qui avait joué comme ailier gauche et j’ai même ramené un penalty. Madjid Oudina, qui était l’arbitre du match, m’a vite remarqué. A la mi-temps, il a demandé à mon frère Mourad : «C’est qui, ce petit ? Mourad lui a répondu que j’étais son frère. Alors, Oudina est venu me voir et m’a demandé : «Veux-tu venir au Mouloudia ?» Bien sûr que j’ai accepté ! Le match s’était terminé par une victoire étriquée du MCA 6-5. Nous avons été trois à avoir été pris par le MCA : Ferhat Boudinar, qui avait joué par la suite au RCK et à la JSK, mon frère Mourad et moi-même.

Donc, vous avez signé une licence au profit du MCA ?

Non, pas directement car des responsables de mon club, voyant que j’avais plu à l’entraîneur du Mouloudia, m’avaient fait signer un document, ainsi qu’à Boudinar, alors que mon frère Mourad, qui n’avait pas terminé le match, avait déjà quitté le stade. Le lendemain, alors que j’étais à la maison, j’ai été surpris de voir arriver Oudina avquelqu’un du quartier. Il a parlé à mon père et à moi, puis m’a demandé de venir signer au MCA. Je lui ai répondu que j’avais signé un document au profit du club de Bologhine, mais il m’a rassuré en me disant qu’il allait régler le problème. Effectivement, mon entraîneur n’a pas voulu bloquer mon départ et j’ai pu ainsi signer au MCA avec mon frère Mourad. Fodil, quant à lui, nous avait rejoints l’année d’après.

Comment se fait-il que vous ayez intégré les seniors à un âge précoce ?

J’ai été servi par un concours de circonstances. En effet, les règlements ont été changés et on a ajouté une année à chaque catégorie. Ainsi, étant cadet troisième année, j’ai été promu directement en junior première année, alors que mon frère Fodil a été promu en cadet troisième année. Après cela, Mustapha Biskri me faisait carrément jouer avec les juniors troisième année. A un mois de la fin de la saison, Mustapha Aksouh avait promu des juniors chez les seniors et j’en faisais partie. J’avais 16 ans et demi. Comme le championnat, cette saison-là, s’était terminé avec du retard, au mois de septembre (c’était en 1991, ndlr), Mustapha Bacha et Mustapha Heddane, qui avaient été nommés pour la nouvelle saison, m’avaient gardé dans le groupe des seniors afin de terminer la précédente saison, puis il m’a gardé dans le groupe, c’est ainsi que je suis resté durant 3 ans dans le groupe des seniors du MCA tout en étant junior.

Comment avez-vous pu vous imposer à ce si jeune âge dans un club comme le Mouloudia où, à l’époque, les places étaient très chères ?

C’est en grande partie grâce à la formation de qualité que m’avaient prodiguée Madjid Oudina et Mustapha Biskri. A l’époque, les moyens matériels, que ce soit en matière d’équipement ou de matériel pédagogique, existaient au niveau des jeunes catégories, contrairement à aujourd’hui où les petits n’ont même pas de terrain où s’entraîner. Le seul problème dont nous souffrions à l’époque était les horaires des entraînements. Par exemple, en raison de ma scolarité, j’étais obligé de m’entraîner de midi à 14h 00, soit durant la pause entre les cours, si bien que je reprenais les cours l’après-midi sans même avoir déjeuné ou récupéré. Au moment où j’allais accéder au cycle secondaire, j’ai eu une discussion franche avec mon père qui, lui-même était enseignant et supervisait notre parcours scolaire. Je lui ai dit qu’il m’était difficile de concilier études et football et que, si je continuais comme ça, je risquais de perdre sur les deux tableaux. Contrairement à ce que je craignais, sa réponse a été conforme à mes attentes : il m’a dit qu’il croyait à mon avenir de footballeur et m’a autorisé à abandonner mes études. Là, c’était le vrai départ pour moi car j’ai pu me consacrer aux entraînements et c’est là que j’ai été promu chez les juniors et, de là, sélectionné dans le groupe des seniors. En toute franchise, j’aurais aimé poursuivre mes études car elles me branchaient aussi, mais Allah Ghaleb.

Comment a été votre premier entraînement avec les seniors ? Avez-vous été adopté facilement ?

Si vous saviez… ! La nuit précédant mon premier entraînement avec le groupe des seniors, je n’avais pratiquement pas dormi. J’étais en train de réfléchir à la manière d’aborder mes coéquipiers, de les saluer et même à l’instant où je devais monter dans le bus ! A l’époque, nous vouions un grand respect aux aînés en général et aux joueurs seniors en particulier. Par exemple, jamais je ne me douchais tant qu’ils n’avaient pas fini de se doucher. Nous avions été élevés comme ça. D’ailleurs, les seniors nous le rendaient bien car, de leur côté, ils nous respectaient et nous prodiguaient des conseils. Certains d’entre eux m’avaient beaucoup aidé à m’intégrer comme Kadri, Hedibal, Amellal et en particulier le capitaine d’équipe, Slatni, qui me parlait beaucoup et m’aidait même sur le terrain où il me faisait jouer en me donnant des ballons au pied. A l’époque, il n’était pas facile de s’imposer face aux anciens. Plus même : on ne se faisait aucun cadeau durant les entraînements, avec même parfois du jeu dur. Cela a eu du bon, toutefois, puisque ça a servi à me forger et à me préparer à recevoir les coups.

Puisque vous étiez parmi les seniors alors que vous étiez encore junior, on suppose que vous avez trouvé votre place dans la sélection nationale juniors…

Justement, vous me donnez l’occasion d’évoquer un virage important dans ma carrière. Figurez-vous que durant la saison où j’avais été intégré dans le groupe des seniors, je n’étais pas convoqué dans la sélection régionale juniors du Centre alors que quatre de mes coéquipiers au MCA, Lahcen Nazef, Lyes Fatahine, Samir Djazouli et Ryad Benchikha, y étaient convoqués. C’était anormal. Comment n’étais-je pas en sélection régionale alors que j’étais avec les seniors ?

Qui était le sélectionneur juniors à l’époque ?

C’était le regretté Djamel Keddou. Il avait fait le choix des sélectionnés sur la base d’un tournoi regroupant toutes les sélections régionales qui s’était déroulé à Oran. Comme je n’étais pas pris dans la sélection du Centre, il ne pouvait pas me remarquer et me sélectionner. Un jour, alors que Keddou discutait avec des dirigeants du MCA à Bab El Oued, ces derniers lui ont demandé pourquoi je n’étais pas convoqué alors que j’étais dans le groupe seniors. Il leur a répondu qu’il n’était pas au courant de ma situation. Il s’en est informé auprès de mon coéquipier Samir Djazouli qui lui a confirmé qu’effectivement, j’étais un junior pétri de qualités qui s’entraînait avec le groupe des seniors. Il l’a alors chargé de m’informer de venir au prochain stage de la sélection sans même attendre un télex de convocation. C’est ce que j’ai fait et, lors du premier match d’application auquel j’avais participé, j’avais plu à Keddou qui m’a gardé. Je me souviens que nous avions ensuite disputé un tournoi à Valence, en France, avec la participation du Maroc, de la France qui renfermait en son sein l’ancien joueur de l’Olympique de Marseille, Marc Libbra, ainsi que du Dinamo Kiev. Nous avions fait match nul 0-0 contre Kiev et j’avais été désigné homme du match. Je garde toujours un souvenir de ce moment-là. A la fin du tournoi, des dirigeants du club de Valence m’avaient demandé si j’étais professionnel en Algérie car ils voulaient me transférer dans leur club. J’ai répondu que j’étais un joueur amateur. Ils étaient abasourdis d’apprendre que des joueurs de notre valeur étaient amateurs. Après, des personnes au sein de la délégation ont fait capoter le transfert, me faisant rater l’occasion d’embrasser une carrière professionnelle. Plus tard, nous avons participé aux éliminatoires pour la Coupe d’Afrique des nations juniors et nous avons été éliminés par le Maroc.

Avec tout ce que vous avez montré comme niveau, vous ne vous êtes pas imposé au MCA. Quelles en étaient les causes ?

Durant la période où Heddane et Bacha étaient entraîneurs du MCA, j’étais très pris avec la sélection nationale juniors. Lors de ma troisième année avec les seniors, c’était Ali Fergani qui avait été désigné comme entraîneur. Après sa nomination, il s’est renseigné sur les jeunes du groupe et on lui avait dit qu’il y avait quatre juniors au sein de la sélection nationale juniors. Je me souviens qu’il s’était déplacé à l’hôtel où la sélection était en regroupement pour nous rencontrer, nous quatre. Il nous avait dit qu’il comptait sur nous pour la nouvelle saison, surtout que notre niveau s’était encore amélioré grâce au travail de Keddou. Vous savez ce qu’a fait Fergani ? Il nous a obtenu un salaire ! Il s’était informé sur nos situations sociales respectives et, voyant que nous étions tous de familles modestes, il a demandé et obtenu de la direction du club que nous soyons payés chaque mois. Je n’oublierai jamais ce geste de grand seigneur qui a fait que je lui voue toujours un grand respect. Cela s’est passé il y a 20 ans, mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, je l’en remercie publiquement aujourd’hui. Même sur le plan sportif, il nous a soutenus. Imaginez qu’il a eu l’audace de nous titulariser dans un match contre le CR Belouizdad au stade du 20-Août ! J’avais bien joué et le match s’était terminé par un nul

1-1. La nouvelle saison avait commencé par un match contre l’USM Blida, nouveau promu, au stade du 5-Juillet et j’avais joué aussi. C’est avec Fergani que j’ai le plus souvent joué au MCA, jusqu’à son départ à 8 journées de la fin du championnat, alors que nous luttions pour notre maintien. C’est là que ma situation au Mouloudia a changé.

Comment cela ?

J’en étais à ma troisième année junior, mais je m’étais entraîné durant trois ans avec les seniors et je n’ai pas accepté qu’avec l’arrivée de Abdelouahab Zenir pour les 8 derniers matches, que je revienne deux ans en arrière. C’était pour moi inacceptable d’être titulaire à 18 ans et d’être marginalisé à 19.

Donc, Zenir a été derrière votre départ du MCA ?

J’ai quitté le club parce que j’ai subi la hogra de Zenir. Nous luttions pour le maintien, certes, mais nous avons pu l’assurer au bout de quatre matches et, par la suite, il a fait jouer tout le monde, sauf moi (il le dit avec une pointe de colère). Il a fait jouer Benchikha, par exemple, qui était un junior comme moi, mais il ne m’a jamais fait jouer, même pas lors du dernier match contre une équipe rajeunie de l’USM El Harrach. Ce jour-là, je m’étais échauffé durant toute la deuxième mi-temps. Je ne le cache pas, j’avais pleuré à chaudes larmes, comme j’avais pleuré les semaines précédentes. Ce jour-là, j’avais pris la décision de quitter le MCA. Zenir ne m’aimait peut-être pas parce que je suis un enfant de Bab El Oued. Pourtant, c’est un enfant du club et il se devait d’encourager les enfants du club.

Avez-vous parlé avec lui à ce sujet ?

Non, je ne l’ai pas fait. J’ai juste parlé avec mon père pour lui dire que c’était fini avec le Mouloudia. C’était difficile de quitter un si grand club, mais je n’avais pas le choix. Je suis alors parti au CRB.

Pourquoi le CRB et pas un autre club ?

Parce que depuis que j’étais à l’école de football, je marquais souvent contre ce club. Même mes coéquipiers disaient que j’étais malade d’avoir choisi un club truffé de stars. Cependant, je n’avais que deux semaines pour changer de club. J’avais aussi le pressentiment que je réussirais dans ce club. Mustapha Aksouh, que j’ai sollicité, m’avait promis de me recommander au CRB, à charge pour moi de ramener ma libération du MCA. C’est ce que j’ai fait en mettant en place un stratagème.

C’était quoi ce stratagème ?

Je suis rentré dans la surface de récupération des documents, dribblé Djouad et récupéré ma lettre de libération (rires). En fait, la direction du MCA avait demandé à tous les joueurs de se présenter au siège afin de renouveler nos contrats. Les joueurs se relayaient chez Mohamed Djouad afin de négocier leurs primes de signature. Après avoir discuté avec trois joueurs qui ont refusé de rempiler, le président est sorti de son bureau énervé et a dit à Abdennour Kaoua, qui était le DTS, que ceux qui ne renouvelleraient pas ne s’entraîneraient pas le lendemain. Kaoua a demandé donc à chacun de nous s’il rempilait ou non et grande a été sa surprise et celle des autres joueurs de me voir lui dire, moi le junior qui n’avait pas encore un nom dans le club, que j’avais besoin d’y réfléchir avant de me décider. Le lendemain, en me voyant à l’entraînement, Zenir était très en colère car il avait appris que j’avais fait la fine bouche pour remplier et il m’a chassé de l’entraînement, tout en demandant au secrétaire du club de m’accompagner à la direction pour que Djouad prenne une décision à mon sujet. Chemin faisant, j’avais exprimé au secrétaire mon envie de partir et de rejoindre l’O Médéa pour fourbir mes armes et me forger. Il m’avait répondu que c’était une bonne idée et que si ça ne marchait pas pour moi à l’OM, il pouvait me placer à l’OMR El Annasser. Une fois dans le bureau de Djouad, je lui ai dit qu’aussi bien le MCA et moi étions perdants dans l’affaire car je touchais un salaire pour ne pas jouer et que la meilleure solution était que j’aille acquérir de l’expérience à Médéa afin de mieux revenir au Mouloudia. L’idée lui a plu et il m’a remis ma lettre de libération sur place. Le lendemain, Zenir a eu une très mauvaise surprise.

Laquelle ?

Le MCA s’était entraîné à la forêt de Bouchaoui. Sur place, il m’a vu m’entraîner avec le… CRB. Cela l’avait fait entrer dans une colère noire. Cela dit, je ne lui en tiens pas rancune. D’ailleurs, je l’ai croisé récemment. A partir de là a commencé mon histoire avec le CRB.

Comment avez-vous signé au CRB si rapidement ?

J’insiste encore une fois pour dire que Mustapha Aksouh, qui m’avait connu en sélection nationale juniors où il était l’adjoint de Djamel Keddou, m’a vraiment aidé à rejoindre le CRB en me recommandant à son staff technique. Il faut dire que tous les joueurs de cette sélection juniors ont eu par la suite de belles carrières : Selmoun, Boubrit, Arama… Sincèrement, nous avions beaucoup appris du regretté Keddou ainsi que de Aksouh. J’étais donc confiant en ma capacité à gagner ma place au CRB. J’ai signé dans ce club sans prime de signature, en demandant juste à toucher le même salaire que je touchais au MCA. L’argent n’était pas ma motivation principale. Je cherchais juste un club où je ne serai pas méprisé comme je l’ai été au Mouloudia. Le défunt président du CRB de l’époque, Hamid Aït Igrine, a accepté ma condition. C’était Mustapha Kouici et Boukabache qui étaient dans le staff technique.

Y a-t-il des dirigeants du MCA qui ont tenté de vous récupérer après avoir su que vous étiez au CRB ?

Oui, un dirigeant, et vous me donnez l’occasion de parler de lui car c’était le seul qui aimait réellement et profondément le Mouloudia et lui était dévoué : Abdelkader Drif. Il était président de la section football à l’époque et était absent au moment de ma brouille avec le club. A son retour, il a été informé de mon départ. Il m’a aussitôt envoyé un autre dirigeant, le regretté Ramdane Sedrati, pour me demander de revenir car il aimait beaucoup les enfants du club. Pour preuve, lors des déplacements à l’étranger, il nous donnait le même montant de frais de mission que celui octroyé aux joueurs expérimentés. Cependant, j’ai refusé de revenir car il m’était impossible de faire faux bond à des hommes qui m’avaient accueilli à bras ouverts au CRB. Je me suis dit : «Plutôt être envoyé dans les tribunes avec le CRB que rester sur le banc des remplaçants au MCA.» J’étais convaincu que ma chance viendrait au CRB.

Avez-vous attendu cette chance longtemps ?

Pas du tout. Elle est venue très vite. Après deux séances d’entraînement, nous avions joué un match amical face à la JS Bordj Menaïel. Le regretté Mourad Abdelouahab, qui venait d’être désigné entraîneur de l’équipe, était dans la tribune pour superviser l’équipe. J’avais vu qu’on ne comptait pas me faire jouer car je ne figurais pas dans le onze qui avait débuté la deuxième mi-temps. Cependant, notre ailier droit s’était blessé au début de cette seconde période et devait être remplacé. Kouici s’est alors retourné vers moi et m’a demandé : «A quel poste joues-tu ?» Je lui ai répondu : «Ailier droit.» Il s’est écrié : «Ça tombe bien, vas-y !» J’ai joué 30 minutes, mais c’était comme si j’avais joué un match entier : j’ai dribblé, j’ai centré, j’ai tiré sur le poteau et j’ai même marqué le deuxième but en fin de match. Des supporters présents se sont demandés qui j’étais, alors que d’autres se sont rapprochés de moi pour me supplier de signer au CRB, croyant que j’étais en train de faire des essais.

Quelle avait été la réaction de Mourad Abdelouahab ?

Il s’est approché de moi et m’a demandé d’où je venais. Je lui ai tout expliqué. Il m’a alors demandé si j’étais de ces jeunes que faisait jouer Ali Fergani, qui était son ami. Je lui ai répondu par l’affirmative. Il m’a alors dit : «Travaille et ne crains rien. Je suis là pour t’aider et te soutenir.»

Qu’en est-il de la réaction des dirigeants du CRB ?

Le président Aït Igrine a rencontré des dirigeants du MCA à Bab El Oued, entre autres Laggoun et Mebrek, et leur a dit : «Aujourd’hui, un très bon  joueur m’est tombé du ciel !» Il m’avait aussi dit pour m’encourager : «Nous te donnons la chance de jouer. Montre-leur ce que vaut un Jijelien !» En effet, il savait que je suis originaire de Jijel. Cette confiance, que je n’avais pas trouvée dans le club qui m’avait formé, m’avait beaucoup motivé à donner le meilleur de moi-même. D’ailleurs, après seulement dix jours, j’ai été titularisé contre la JS Kabylie dans un match qui était télévisé. J’avais joué aux côtés de Djahmoune, Neggazi et Kabrane alors que je n’avais que 19 ans. C’était grâce à la confiance de Abdelouahab, Kouici et Aït Igrine.

(à suivre)