Ce n’est pas très difficile mais pour y arriver il faut un peu de concentration. Fermez les yeux et imaginez la baie d’Alger rayonner sur la ville comme un cercle solaire, littéralement et pas seulement au figuré.
Pour y réussir, il faut commencer par chasser de vos esprits les clichés de la baie que nous connaissons tous par coeur: ces images panoramiques de la baie dont les points de vue sont les hauteurs, l’Aurassi, la Casbah, le port… Ensuite, il faut chasser aussi les images de la baie approchée par mer, dont les points de vue sont le pont d’un ferry ou d’un cargo arrivant à bon port.
Non pas que ces images-là ne soient pas belles, non pas qu’elles ne méritent pas notre amour et dévotion, mais l’idée ici est plus vaste et plus généreuse, l’idée est de percevoir la baie comme un ensemble plus ample: un cercle vertueux qui aura pour coeur battant la mer elle-même.
C’est l’idée d’un pont en trois grandes lignes qui tisseront les liens entre trois points d’entrées sur terre. El Marsa (Tamentfoust), El Kettani (Bab el Oued) et le Jardin d’Essais (par la voie des Annassers). Le quatrième point d’ancrage est sur mer: une ile artificielle qui est le pivot central où aboutissent et se séparent les trois rayons de cette toile urbaine entièrement imaginée par deux architectes algériens: Sihem et Nacym Baghli.
Sihem et Nacym sont un couple d’Algérois: ils vivent à Alger, ils travaillent à Alger, ils ont trois enfants qui vont à l’école à Alger et ils rêvent pour leur ville de grandeur et de fusion.
Ils ont conçu et couvé ce projet qu’ils appellent “Djisr el Djazair”, le Pont d’Alger, non pas comme un énième chantier de travaux publics destiné à “décongestionner la circulation routière” mais plutôt un projet porté par des citoyens comme une grandiose ambition urbaine, culturelle, esthétique.
Hier ils ont rendu visite à l’EPAU, l’Ecole d’architecture d’Alger, pour y faire une première présentation publique de leur projet et en débattre avec un parterre d’étudiants, d’enseignants et d’architectes professionnels dans une rencontre qui était d’une grande qualité où les interventions que ce soit des étudiants ou des professionnels étaient extrêmement enrichissantes y compris lorsqu’elles apportaient des critiques et du scepticisme.
Pour Nacym Baghli, il est important que l’auditoire saisisse que le projet Djisr el Djazair est un projet totalement indépendant “des rouages des appels d’offres ou des bureaux d’études” :
“Djisr el Djazair c’est un concept qui n’est pas pour l’immédiat, c’est un projet pour l’avenir, un projet que nous voulons collaboratif, participatif, qui fait appel aux compétences et aux idées de tout le monde et non pas seulement des architectes”.
Djisr el Djazair est donc un pont à trois bras, agrémenté de trois “haltes” qui sont trois iles artificielles, une grande ile au milieu et deux petites iles qui seront des lieux de promenade mais également des stations de métro et tramway. C’est un pont à la fois routier mais aussi ferroviaire et qui sera par ailleurs relié depuis la rive Est par des bateaux-taxis.
Un pont, trois voies, une multitude de haltes et tout un horizon de points de départ vers la ville: Djisr el Djazair a beaucoup enthousiasmé les architectes venus débattre avec les concepteurs du projet, gagnés, comme contaminés, par l’enthousiasme de Nacym et de Sihem et tous profondément reconnaissants à ce couple attachant d’avoir fait la part belle au rêve dans leur vision de la ville.
Pour en savoir plus sur Djisr el Djazair: le site Djisr el Djazai ici, ou la page Facebook pour y participer avec vos idées, vos critiques, vos suggestions, votre musique intérieure.
Et pour les lecteurs qui aimeraient voir l’intégralité de la rencontre-débat d’hier, la vidéo de la rencontre ici.