Il reste beaucoup de non-dits dans l’entretien que Zoheïr Djelloul nous a accordé. Parfois agacé par nos questions. Acculé, il laisse échapper des déclarations, mais le plus souvent, il ne veut égratigner personne. Il sait botter en touche.
Vous étiez tout indiqué pour faire partie du staff technique de Saâdane qui avait accepté l’offre du Yémen. Pour quelles raisons cela ne s’est-il pas fait ?
Après ma décision de ne plus faire partie du staff technique de l’EN, j’ai reçu de nombreuses sollicitations, aussi bien en Algérie que de l’étranger. Je n’étais pas très chaud pour travailler ici. Jusqu’à ce que nous recevions Saâdane et moi un contact de la Fédération yéménite. Ils nous ont proposé un projet sur une durée de 18 mois. Mais nous avions jugé la période assez courte. Pour bâtir une équipe, quatre années au minimum sont nécessaires. On a donc refusé cette offre. Et je profite de l’occasion pour répondre à ceux qui avaient laissé entendre que le refus était lié à des considérations financières. Les dirigeants du Yémen étaient prêts à mettre le paquet.
Personne ne vous attendait à l’ASK ; ce fut une surprise…
A mon retour au pays, Djeffel m’a téléphoné pour me proposer de venir aider le Khroub. Il m’avait avoué que les résultats étaient catastrophiques et que le club souhaitait continuer à évoluer en Ligue 1. J’ai accepté l’offre sans hésitation.
Vous venez de dire que les Verts ont fait des progrès énormes, mais on constate que les derniers résultats sont plutôt inquiétants. Comment expliquez-vous cette régression subite ?
Le plus grand problème que vit l’Equipe nationale est l’absence de stages en nombre suffisant. Le sélectionneur est obligé de faire avec les dates FIFA.
Ne serait-il pas plus judicieux de faire appel aux locaux pour éviter de se plier aux dates FIFA ?
Je partage totalement votre point de vue. Mais où sont les joueurs locaux de qualité ? Notre championnat n’est pas en mesure de mettre à la disposition de l’EN des joueurs de haut niveau.
Vous pensez que les joueurs locaux ne méritent pas de jouer avec l’Equipe nationale A ?
Il ne faut pas se voiler la face. Une poignée de joueurs seulement font l’exception. On ne peut pas du jour au lendemain faire table rase sur le passé. L’incorporation se fait de manière graduelle. Il y a au sein de l’EN une ambiance familiale qui nous a permis de nous qualifier au Mondial en Afrique du Sud.
Certains ont laissé entendre que le fait d’avoir incorporé 7 nouveaux joueurs avant le Mondial a fait voler en éclats le climat familial et l’ambiance qui régnait parmi les joueurs ?
C’est vrai, on avait fait appel à sept nouveaux joueurs. Mais je dois dite qu’on n’avait pas ramené des joueurs en fin de carrière. Les Boudebouz, Guedioura et autres Kadir avaient joué le Mondial. Ils n’étaient pas en Afrique du Sud pour faire du tourisme.
Sept joueurs, c’est-à-dire le tiers de l’effectif, dont certains n’ont pris part à aucun match amical ou autre, c’est un peu juste ; ne croyez-vous pas ?
Je persiste et signe : ces éléments ont apporté un plus certain au Mondial.
Franchement, aviez-vous ressenti que le groupe était toujours le même, avant la convocation de ces éléments ?
L’arrivée de ces joueurs a apporté un esprit de concurrence dans le groupe. Auparavant, il se pourrait qu’il y avait des joueurs qui se croyaient intouchables. Les nouveaux ont mis la pression sur les anciens et chacun se devait de prouver encore plus pour espérer se retrouver dans le onze rentrant.
La veille de l’annonce à la presse de la liste des joueurs qui devaient faire le voyage en Afrique du Sud, le 3 mai dernier, Mbolhi n’était pas encore au courant de sa convocation. Expliquez-nous dans quelles conditions on a fait appel à ce gardien ?
Il manquait deux noms à ajouter pour clore la liste. On ne voulait léser personne. En ce qui concerne Mbolhi, je le supervisais depuis un certain temps en compagnie de Belhadji. Je trouvais que ce gardien avait des capacités et qu’il pouvait aider l’Equipe nationale. Je comprends qu’au début, les Algériens ne le connaissaient pas et par conséquent ils avaient montré des signes d’inquiétude. Cela est tout à fait normal. Je tenais à la présence de Mbolhi au Mondial et le temps a fini par me donner raison.
Peut-on connaître les raisons de l’absence de Chaouchi face à l’Angleterre ?
Après le match contre la Slovénie, on n’avait accusé personne. Ni Chaouchi pour sa faute, ni Ghezzal,suite à son expulsion. Si vous vous souvenez, Saâdane avait dit en conférence de presse qu’il renouvellerait sa confiance à Chaouchi contre l’Angleterre. Malheureusement, Chaouchi avait raté deux séances pour cause de blessure. On se devait de communiquer la composition de l’équipe qui devait rencontrer l’Angleterre, quarante-huit heures avant le match. Chaouchi a dû passer une échographie dont les résultats ont montré qu’il avait une légère blessure au niveau du ménisque. On nous a expliqué que Chaouchi pouvait jouer, mais qu’il risquait à tout moment d’avoir un blocage du genou durant le match. On a pris nos responsabilités en préparant Mbolhi au match.
Chaouchi n’a pas digéré la décision de sa mise à l’écart et s’était accroché avec le staff médical…
Tous les joueurs rêvaient de rencontrer l’Angleterre, un monument du football. Chaouchi avait mal pris la décision de sa mise à l’écart.
Le staff technique avait remis un rapport accablant sur le joueur…
Ce n’était pas des dépassements très graves. C’était en fait une réaction d’un joueur qui allait rater un match important dans sa carrière.
Chaouchi avait été écarté de l’Equipe nationale pour des «raisons disciplinaires». D’autres faits se sont-ils produits que l’opinion publique ignore ?
Chaouchi avait été écarté suite au rapport médical. Il était considéré comme le numéro un, mais malheureusement, des facteurs sont entrés en jeu et ont fait que Mbolhi lui arrache sa place. L’histoire dira aussi que nous ne nous sommes pas trompés en faisant appel à Mbolhi
La veille du match contre l’Angleterre, tous les joueurs ont exigé d’être alignés. Comment avez-vous réagi face à ce problème ?
Tous les joueurs ont voulu jouer face à l’Angleterre, mais sans qu’il n’y ait aucun dépassement.
Comment se sont-ils pris pour exiger de jouer ce match ?
Personne n’a fait directement la demande. Aucun joueur n’avait manqué de respect au staff technique. Bien au contraire, il y avait un grand respect. C’était notre point fort, même si certains ont voulu jeter de l’huile sur le feu.
Expliquez-nous tout ça ?
On a passé plus de deux mois ensemble, en Suisse et en Allemagne, puis en Afrique du Sud, sans qu’il ne se passe quelque chose de grave. Voyez ce qui est arrivé à la France. C’était un fait grave et un manquement à la discipline.
Si on passait au troisième changement de joueurs face aux USA, est-il vrai que vous aviez fait appel à Boudebouz pour qu’il se prépare à rentrer en cours de jeu et que Saïfi avait décidé de jouer de force ?
Je me rappelle que mon nom avait été cité lors du 3e changement contre les Etats-Unis. Quand j’avais prononcé le nom de Boudebouz, la caméra était en train de me filmer. J’en avais parlé à Saâdane. Le coach m’avait dit qu’il restait dix minutes et que nous avions besoin d’un attaquant qui joue devant le but. A aucun moment, Saïfi n’avait ni mis de la pression pour jouer. Celui qui a laissé entendre de telles balivernes est un menteur.
On voudrait revenir un peu en arrière et discuter du cas Lemmouchia. Que s’est-il passé en Angola, pour que ce joueur soit rentré précipitamment en Algérie ?
C’est grâce au staff technique de Rabah Saâdane que Lemmouchia a connu ses premières convocations en Equipe nationale. Il avait fait un parcours correct, jusqu’à la veille du match contre le Mali où il a eu un comportement qui lui a valu de passer en conseil de discipline. Il fallait qu’il assume.
On n’a jamais entendu parler de son passage en conseil de discipline…
On s’était réunis en compagnie de Raouraoua, Zefzef, Sadi, Saâdane et moi-même. Le conseil de discipline avait décidé de sanctionner le joueur.
Quel était le motif de la sanction ?
Il a dit des mots qui n’avaient pas plu à Saâdane.
Avez-vous pris connaissance des déclarations de Ziaya dans notre journal ?
Je suis sidéré par les propos de Ziaya. Il respectait le staff technique. Il m’a téléphoné un mois avant ses déclarations pour me demander de mes nouvelles et voulait avoir le numéro de téléphone de Saâdane. Parce que, disait-il, il voulait prendre des nouvelles du Cheikh. Les déclarations de Ziaya m’ont surpris.
Que répondez-vous à ceux qui disent que Ziaya a été lésé en Equipe nationale ?
Non, je n’ai pas eu cette impression. Pourquoi cherchait-il après le téléphone de Saâdane ? Pour faire de telles déclarations par la suite. Son histoire ne tient pas la route.
Comment expliquez-vous que Ziaya ait refusé de faire partie du voyage en Afrique du Sud pour la Coupe du monde ?
Cette décision appartient au joueur.
Avant de divulguer la liste des 23 joueurs, saviez-vous qu’il avait tranché sur la question, non ?
Oui, on avait étendu parler de son refus de faire partie de l’EN au Mondial. J’avais tenté de le joindre une dizaine de fois, sans succès. Avant chaque convocation, on prend contact avec le joueur concerné pour l’entendre parler. Devant le refus de Ziaya de répondre au téléphone, la FAF s’est chargée de le contacter. Par la suite, la fédération nous a demandé de laisser tomber.
Voulez-vous nous répondre pourquoi Saâdane tenait à titulariser à chaque fois Ghezzal même s’il n’avait pas les faveurs de la rue et de nombreux observateurs sportifs ?
Aussi simple que cela puisse paraître, Ghezzal est un attaquant de haut niveau. Il évolue en Serie A du championnat italien. Je ne connais pas un autre attaquant algérien de sa trempe.
Il ne jouait pas à son véritable poste…
Il évoluait en attaque et jouait son rôle convenablement. On n’avait pas pour habitude de dire que Ghezzal ne marquait pas. C’est toute l’équipe qui porte la responsabilité. Il apportait le plus qu’on attendait de lui.
On répétait souvent qu’il était question de renforcer le staff technique. Comment le ressentiez-vous personnellement ?
On a réussi à qualifier l’EN au Mondial, mais pour les personnes aigries, cela restait insuffisant. Fallait-il emmener cette Equipe nationale sur la planète Mars pour satisfaire tout le monde ?
D’aucuns s’attendaient à vous voir déposer votre démission après le Mondial. Mais vous avez préféré sortir par la petite porte…
Cette mentalité n’existe qu’en Algérie. Je suis persuadé qu’en Europe, tout le monde nous aurait demandé de poursuivre notre travail.
Aviez-vous songé à démissionner après le Mondial ?
Saâdane avait décidé de partir. Il m’avait conseillé de continuer à travailler avec le sélectionneur qui allait prendre sa place. Je comptabilisais trois ans au sein de cette Equipe nationale. Ce qui n’est pas rien. Les responsables l’ont poussé à continuer parce que la période qui séparait la fin du Mondial du match amical contre le Gabon était trop courte. Saâdane avait accepté de continuer, mais avait avoué que la période de repos était très courte. Il n’avait pas tort, toutes les équipes nationales se sont plaintes en septembre dernier.
Votre démission après le match face au RCA a surpris…
J’avais pour habitude de travailler avec Saâdane et il suffisait d’un regard pour que nous nous comprenions. Je m’entendais très bien avec le Cheikh. Benchikha avait sa façon de travailler qui ne correspondait pas avec ma conception. Cela ne diminue en rien de ses compétences. J’ai préféré partir. La décision était prise bien avant le match contre le RCA. Le résultat n’avait rien à voir.
On laisse entendre que vous aviez refusé d’être l’adjoint de Benchikha…
Non, ce n’est pas exact, je suis venu avec Saâdane et je devais partir avec lui. Benchikha avait le droit de choisir son staff technique, comme cela se fait dans tous les pays du monde. Avant de partir, j’avais dit à Benchikha que j’avais donné le meilleur de moi-même et que je lui souhaitais de réussir.
Selon vous, avons-nous les moyens de battre le Maroc ?
Pour y arriver, il faudra avoir un esprit de guerrier. Le même esprit qui animait le groupe à Oumdourman au Soudan. Je crois qu’il est toujours possible de se qualifier.
Le match se jouera à Annaba ; un commentaire ?
Peu importe l’endroit ou la ville, tant que c’est en Algérie. Je connais assez bien les joueurs. Je suis persuadé qu’ils vont se défoncer pour se qualifier.