S’entretenir avec le secrétaire général du FLN, ce parti unique, cette machine à gagner les élections, est toujours un moment passionnant. C’est une brèche ouverte sur le fonctionnement underground du vieux parti. Mieux encore, pour ceux qui savent observer, on est devant la porte du système. Par le trou de la serrure, on observe le monde grouillant composé d’hommes aux cols blancs, au sourire large, les mains derrière le dos dissimulant canifs, gourdins et longs couteaux. Le rideau ne baisse jamais dans ce spectacle et gare aux naïfs, à ceux qui croient au vertus de la morale et aux faiblards. Ce monde-là, le monde de la politique, comme partout ailleurs, obéit à d’autres règles: celles des hommes aux coeurs ardents d’ambition pour le pouvoir. Dans cet entretien, Djamel Ould Abbès s’exprime sans barrières, sans tabous.
«Je n’ai aucun a priori, posez toutes les questions que vous voulez», lance-t-il. Il a abordé les questions d’actualité nationale, mais aussi les questions internes au parti, sa restructuration, sur la campagne de déstabilisation le ciblant, par qui et pourquoi maintenant, sa stratégie électorale pour les prochaines élections locales et sa position par rapport à l’élection présidentielle de 2019.
L’Expression: Le gouvernement dont la représentation de votre parti est majoritaire, s’apprête à affronter une rentrée sociale des plus difficiles. Comment envisagez-vous de lui apporter un soutien effectif sur le terrain?
Djamel Ould Abbès: Le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, avec son approche et sa méthode de travail différentes de ses prédécesseurs, est un pragmatique au long parcours lequel s’étale sur 35 ans dans la gestion locale notamment. Aussi, il connaît bien les rouages de l’administration. Il a appréhendé la situation sur le plan économique et social.
Nous, en tant que parti FLN, lui apportons notre soutien non seulement parce que nous composons la majorité du gouvernement, mais c’est une question de conviction et aussi parce que nous abordons une phase particulière dans notre histoire contemporaine. Cela fait 18 ans que le président Bouteflika a été élu, il y a un programme du président. Vous l’avez certainement constaté, le Plan d’action présenté par M.Tebboune devant les députés est une feuille de route pour concrétiser le programme du président qui est le programme du FLN.
D’ailleurs, durant la campagne électorale pour les législatives du 4 mai dernier, je brandissais toujours le programme du président depuis 1999 qui est le même programme qui changeait tous les cinq ans à la lumière des évolutions internes et externes. Ce qu’on a constaté dans le Plan d’action c’est qu’on a préservé les fondamentaux de Novembre c’est-à-dire un Etat démocratique et social. Le jour de l’adoption en Conseil des ministres du Plan d’action, le chef de l’Etat a bien souligné dans son commentaire que les acquis sociaux sont irréversibles.
Il s’agit notamment de l’éducation gratuite, l’enseignement supérieur gratuit, la santé gratuite, l’accès au logement et les subventions aux produits de base de première nécessité et qui jusqu’à présent profitent même à des milliardaires qui achètent une baguette de pain à 8,5 DA. Donc, en gardant tous ces fondamentaux dans son Plan d’action, Tebboune a l’appui du FLN. Le FLN est le seul parti qui est présent dans le douar le plus reculé du pays. Il fait partie de l’imaginaire et de la conscience populaire algériennes. C’est le FLN qui affronte les populations. Nous allons affronter la situation avec nos militants par un langage de vérité. C’est une recommandation du président durant la dernière réunion du Conseil des ministres. Il a insisté sur un langage de vérité pour avoir l’adhésion des citoyens.
Nous ne sommes pas pour une politique d’austérité, mais pour une politique de rationalisation des dépenses qui jusque-là sont faites un peu de manière débridée. Entre nous, cela nous a permis d’échapper aux bourrasques de ce qu’on appelle «le printemps arabe». Voyez ce qui passe actuellement depuis le Rif marocain jusqu’au Yémen en passant par la Syrie, l’Egypte et la Libye. Nous sommes le seul pays qui a été épargné par cette politique sage. J’étais ministre, quand il y a eu en 2011 les fameuses manifestations à Alger sur soi-disant l’huile et le sucre et les augmentations de salaire.
En tant que ministre de la Santé, j’ai découvert que des médecins avec 20 ans d’expérience qui avaient un salaire plus bas que celui d’un chauffeur léger d’une entreprise. Il y a eu une politique de revalorisation de salaires comme il y a eu un relèvement du Smig. Tous ces éléments font partie de fondamentaux que nous voulons naturellement préserver sans pour autant déséquilibrer le budget de l’Etat.
Justement, dans son Plan d’action, le gouvernement envisage de revoir le système des subventions qui seront désormais ciblées, de même que de nouveaux impôts seront créés. Le FLN, comme vous venez de le souligner, est très regardant sur les acquis sociaux, va-t-il appuyer ces décisions?
Nous sommes pour la révision des subventions. J’ai été ministre de la Solidarité nationale pendant dix ans. J’avais organisé sous le haut patronage du président de la République, en 2000, la première Conférence internationale sur la lutte contre la pauvreté en Algérie. J’avais mobilisé des experts du Pnud, de l’ONU et de l’Oxfam de Londres avec des spécialistes algériens. Nous avions ciblé cinq communes à l’époque: la commune de Sidi Fredj à Souk Ahras, la commune d’El Djazia à Oum El Bouaghi, la commune de Baraki à Alger et les Planteurs à Oran.
Nous avons eu une étude exhaustive sur le phénomène de la pauvreté et nous avons découvert que des centaines de milliers d’Algériens vivaient presque au seuil de la pauvreté et c’est là où les subventions ont été revues à la hausse, où les besoins urgents des citoyens ont été pris en charge. Mais ça été fait de manière débridée puisqu’il y a eu des dépassements. Nous sommes même arrivés à inventorier et à cibler pas moins de 176.000 familles très pauvres qui bénéficiaient d’un soutien spécifique. Mais on a constaté que d’autres familles plus aisées, des hauts fonctionnaires et même des milliardaires ont bénéficié de ces soutiens. C’est pour cette raison qu’il faut cibler les catégories sociales qui sont réellement dans le besoin. D’ailleurs, le FLN a décidé d’organiser dans quelques jours un séminaire sur le Plan d’action avec des ministres, des experts, des spécialistes pour donner notre avis sur le ciblage des bénéficiaires des subventions.
C’est bien beau de dire il faut cibler. Mais cibler sur la base de quoi? Avons-nous des statistiques fiables pour le faire?
Il y a des études au ministère de la Solidarité nationale, avec l’ADS (Agence développement social). Il y a des études fiable faites sur les poches de pauvreté en Algérie et sur les couches de populations vulnérables. Il suffit de ressortir ces statistiques et de les réactualiser à la lumière de l’évolution des salaires, des prix, de l’emploi etc. Quand je suis arrivé au ministère de la Solidarité en 1999, 30,9% de chômage. J’ai quitté le ministère en 2010 et j’ai laissé un taux de 9,2% de chômage. Actuellement, il avoisine les 10,2% car le ministère de la Solidarité tel que nous l’avions bâti a connu des bouleversements peut-être dus à un manque d’appréhension réelle et pratique. Il faut être médecin pour faire un bon diagnostic d’une maladie.
Ces statistiques ont-elles été approuvées officiellement et par des organismes internationaux?
Bien évidemment, elles ont été approuvées par le Pnud avec lequel j’ai toujours travaillé et avec l’Union européenne qui avait financé de nombreux projets. En prenant en charge tout ce travail qui a été fait on peut appréhender cette politique qui fait peur, à savoir le ciblage des bénéficiaires des subventions. Ce ne sont pas des personnes qui sont ciblées, mais des catégories de personnes.
Au FLN nous allons remettre les résultats de notre séminaire au gouvernement avec lequel nous allons travailler en étroite collaboration et auquel nous apportons notre soutien. M.Tebboune a été pragmatique. Il a dit certaines vérités qui ont créé des remous. C’est de bonne guerre, mais je le soutiens totalement puisqu’il véhicule un langage de vérité.
Comme l’a dit le président de la République, tu ne peux convaincre quelqu’un que s’il voit que tu es sincère avec lui.
Dans notre campagne électorale pour les législatives, nous n’avons rien promis. Nous avons dit aux citoyens ceci: nous prenons acte de vos préoccupations et ce qui se passe et nous ferons en sorte qu’avec nos députés nous agissions auprès du gouvernement pour que les problèmes locaux soient réglés.
Depuis quelques semaines, il y a des «départs de polémiques» comme l’affaire des licences d’importation, l’industrie automobile…, et curieusement, le parti majoritaire est resté très en retrait. Comment justifiez-vous cette attitude?
Nous ne sommes pas en retrait. J’ai personnellement vu M.Tebboune avant qu’il ne soit nommé Premier ministre. Il était ministre de l’Habitat et ministre du Commerce par intérim. On a discuté longuement de ce problème d’importations. Il avait comme idée qu’il défendait bec et ongles et de faire baisser de 10 milliards de dollars la facture des importations pour l’année 2017.
Il y a une liste publiée il y a quelques jours sur certains produits. En tant que citoyen, trouvez-vous normal dans un pays comme le nôtre qu’on importe des chips, de la moutarde, de la mayonnaise, des sauces, des fleurs en plastique, des jouets en bois, etc. en devises fortes? On importe des pommes, alors que les pommes de Bouhmama à Khenchela n’ont pas d’équivalent dans le monde. On importe le miel d’Arabie saoudite alors que le nôtre est de très haute qualité. C’est ainsi que nous cassons la production locale et c’est pour cette raison, qu’il faut réduire de manière drastique ces importations de produits qui ne sont pas nécessaires et vitaux.
Vous ne pensez pas qu’on est en fait un peu trop sur ce dossier? Comme si on veut nous faire croire que la réduction des importations est un programme économique. Ne serait-il pas mieux de nous dire plutôt ce qu’il convient de faire pour booster les exportations…?
C’est la nouvelle politique qui est en train d’être mise en place par l’encouragement des mesures fiscales, par le foncier et le renforcement de la production nationale pour exporter. Prenez par exemple le médicament. Des entreprises privées exportent, le groupe public Saidal exporte, mais personne n’en parle.
Quand j’étais ministre de la Santé j’ai osé entamer des démarches pour réduire cette facture, j’ai eu droit à des propos et commentaires incendiaires de la part de certains laboratoires étrangers. J’ai fait condamner un responsable d’un laboratoire installé en Algérie, qui avait la haute main, à un an de prison et des dizaines de millions de dollars pour surfacturation.
Quand on parle d’exportation il faut d’abord contrôler la surfacturation. On a eu 250 millions d’euros de surfacturation en une année. C’est quand même faramineux! On doit donc lutter contre la surfacturation, diminuer les importations et encourager la production nationale. C’est cette politique du gouvernement que nous soutenons à fond au FLN, pour pouvoir équilibrer le budget. Le président dans son message du 5 juillet dernier, a donné quelques flashs en parlant des réserves de changes qui commencent à s’éroder. Le fameux Fonds de régulation des recettes, créé par M.Bouteflika qui est un peu notre bas de laine, commence à s’éroder.
Il y a aussi cette polémique sur l’industrie automobile. Faut-il tout refaire et remettre tout en cause, alors qu’il y avait une ébauche d’une industrie automobile?
Le projet de Renault date de l’époque de Boumediene. Si on avait monté à l’époque cette usine, c’est Moïse sauvé des eaux!… Il y a eu des interférences, des problèmes politiques, etc. Aujourd’hui avec Symbol à Oran, et les autres concessionnaires dont Hyundai. Ce dernier a fait l’objet de critiques.
Il y a eu une commission, qui est partie à Tiaret et M.Takhout a été blanchi pour son unité de montage… Il n’y a pas que le montage, il y a le moteur, le châssis, les équipements etc… Soyons honnêtes, nous ne sommes pas encore suffisamment outillés pour cette industrie. C’est pour cela que je dis qu’il faut un nouveau cahier des charges pour une intégration progressive avec des sous-traitants nationaux et étrangers.
Quand j’étais ministre de la Santé, j’exigeais que pour tout investissement dans le secteur du médicament il y ait la formation du personnel algérien, qu’il y ait installation d’une antenne du laboratoire étranger pour passer progressivement de l’importation massive à une intégration de 50 à 60%, ce qui est acceptable. C’est ce qui devait se faire dans le secteur automobile qui demande une correction.
Il y a une accumulation de plusieurs années où il y a eu erreur non pas de malhonnêteté, mais de jugement, de diagnostic, on n’a pas eu une approche pragmatique parce qu’on était aussi enivré par le prix du baril à 150 dollars, et voilà où on en est.
Il y a eu aussi cette déclaration du Premier ministre au sujet de l’investissement de 70 milliards de dollars qui n’ont pas donné de résultats visibles. Il y a des députés qui veulent constituer une commission d’enquête. En tant que parti majoritaire allez-vous appuyer cette démarche?
Ce montant représente un peu plus de 700 millions de dollars. Il s’agit donc de savoir où ils ont été investis. Ça rentre aussi dans le ciblage des subventions. Quand vous investissez sans visibilité à court et à moyen terme, c’est comme si vous subventionnez quelque chose. Je ne suis pas contre la démarche des députés, c’est leur droit le plus absolu. Il faut inventorier et recenser et faire le point sur ce qui n’a pas marché.
Toujours au sujet des polémiques, le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, a fait le buzz, il y a trois jours, en parlant des migrants subsahariens. Quelle est la position du FLN sur ce dossier?
Le grand révolutionnaire Amilcar Cabral, paix à ses cendres, avait fait une déclaration durant les années 1970 et qui est restée dans l’histoire. Il avait dit que les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à La Mecque et les révolutionnaires à Alger. C’est dire que nous avons eu une politique africaine qui nous a permis d’être leaders dans le Tiers-monde par le soutien aux mouvements de libération. En 1960- 1961, l’actuel président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, a été chargé par l’état-major de l’ALN d’organiser le Front du Sud. Il avait sous ses ordres des gens beaucoup plus âgés que lui dont Draïa, Belhouchet et Messaâdia.
Et c’est avec Sekou Touré en Guinée qu’il a pu organiser le Front du Sud et c’est grâce à ce front que les Français ont lâché sur le Sahara durant les négociations d’Evian. Cette politique africaine au nom du FLN, qui a fait que l’Algérie a gardé son aura en Afrique. L’Algérie a toujours reçu des Africains, il y a des chefs d’Etat africains qui ont étudié chez nous sans citer les révolutionnaires dont Nelson Mandela, Cabral, etc… Cela fait partie des fondamentaux politiques de l’Algérie et du FLN. Ce qu’a déclaré M.Ouyahia, que je respecte, qui est un ami, il l’a fait non pas en tant que directeur de cabinet du président, mais en tant que secrétaire général du RND. J’ai écouté la déclaration de notre ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel en marge de l’Atelier sur la Réconciliation nationale, il a répété que dans ces flux migratoires massifs, il y a toujours danger d’infiltration de réseaux terroristes et de réseaux malfaisants et qu’il fallait préserver notre souveraineté.
Il faut faire très attention à ceux qui viennent chez nous en les accueillant, mais rester vigilants et je rends hommage à l’ANP qui fait un grand travail aux frontières. Elle n’a rejeté personne, nous, les accueillants, également le Croissant-Rouge, la société civile. On a essayé de monter une polémique il y a quelques jours selon laquelle l’Algérie est raciste. Ce qui est faux, l’Algérien n’est pas raciste. Si nous, nous avons été épargnés, jusqu’à maintenant par les printemps, vous suivez en tant que journaliste, les communiqués de l’ANP qui annoncent le nombre incroyable d’armes lourdes qui sont saisies chaque jour aux frontières Sud.
Rappelez-vous, on a même saisi des Stinger. C’est la première fois qu’on saisit de pareilles armes, qui sont des anti-avions fabriqués dans les années 80 par les Américains et livrés aux Afghans. El Gueddafi avait acquis des Stinguer à la fin de la guerre en Afghanistan. Après sa chute, son arsenal est tombé entre les mains des terroristes et trafiquants d’armes. C’est pour ça que dans ces flots massifs, comme l’a souligné M.Messahel, il faut être très prudent, vigilant pour que notre souveraineté nationale ne soit pas mise à mal mais l’accueil et la prise en charge sont là selon les normes retenues à l’échelle internationale.
Et comment interprétez-vous cet acharnement politico-médiatique contre M.Ouyahia?
Je préfère être en réserve. Chacun interprète selon sa chapelle. Nous sortons d’une campagne électorale avec une assemblée pluraliste, il y a encore des rancoeurs. Je souhaite que chacun, en faisant une déclaration, même critique, vis-à-vis d’un leader politique, qu’il le fasse avec sagesse. Je suis contre les paroles outrancières, les invectives, les insultes et contre les anathèmes. Il ne s’agit pas de défendre X ou Y, M.Ouyahia est suffisamment mûr et suffisamment intelligent pour assumer ses paroles en tant que secrétaire général du RND.
Dans son rapport sur les législatives du 4 mai dernier, la Mission d’expertise électorale de l’UE, a dressé un constat accablant quant au déroulement du scrutin.
C’est curieux. Je les ai reçus ici même, au siège du parti. Avant eux, la ligue arabe, l’UA et l’ONU. Et trois jours après, ces mêmes observateurs de l’UE je les ai reçus, ils se sont félicités de la bonne organisation, ils ont trouvé l’administration au-dessus de la mêlée et j’ai encore les enregistrements.
Je suis surpris par le contenu de ce rapport. Il y avait une dame membre de la délégation qui m’a posé la question: «comment expliquez-vous qu’il y a près de deux millions de bulletins nuls?
Je l’ai bien regardée et je lui ait dit: Vous êtes française.» Elle a dit «oui». Je lui rappelle que trois jours après nos législatives, il y a eu la présidentielle en France (le 7 mai, Ndlr) et que le nombre de bulletins nuls en France a dépassé celui enregistré en Algérie. Ces bulletins nuls sont un phénomène mondial qui exprime un ras-le-bol général, c’est pour ça que M.Macron a été élu sur une nouvelle vision, un rejet des partis politiques traditionnels. Mais l’UA comme l’UE, comme la Ligue arabe ont émis des avis pas encourageants, mais objectifs sur le déroulement de la campagne électorale.
Nous sommes à quelques mois des élections locales, avez-vous entamé les préparatifs?
Il y a deux semaines j’ai réunis les 57 kasmas de la wilaya d’Alger pour leur donner quelques indications sur la stratégie électorale. Il y a deux jours, il y a eu la réunion du BP en insistant sur un point: le Plan d’action du gouvernement, le programme du président de la République ne peut réussir que si vous avez des APC dynamiques. La commune constitue l’infrastructure de base de l’Etat. Les projets, c’est au niveau des communes. C’est pour ça que le choix des hommes doit être déterminant. C’est fini la cooptation, fini les notables. Il s’agit de trouver des jeunes dynamiques pour mettre en adéquation les projets du gouvernement avec les besoins locaux des citoyens.
Sur le plan stratégique également, nous sommes en train de réorganiser le parti au plan organique. Nous avons 120 mouhafadhas et donc un éparpillement des énergies. J’ai mis fin aux fonctions de certains mouhafedhs comme cela a été le cas à Béchar, Oum El Bouaghi, Aïn Mlila. De même que ceux qui ont freiné des quatre fers durant la campagne électorale. C’est ainsi que six membres du comité central passeront devant la commission de discipline. Parallèlement à cette réorganisation, le message le plus fort, ce seront désormais les militants de la commune qui se réunissent en présence d’un mouchrif supervisé par une commission de wilaya. Ce sont ceux qui seront élus par leurs pairs qui seront dans les listes des locales.
Cela mettra désormais fin à tout marchandage des voix et à toute promesse sonnante et trébuchante.
Ne craignez-vous pas un recul de votre parti au profit du RND durant ces locales comme cela a été le cas durant les législatives?
Non seulement on n’a pas de craintes, mais on aura beaucoup plus de sièges. En 2012, on a été majoritaire dans plus de 1000 communes sur les 1541. Entre-temps il y a eu une circulaire signée par l’ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal et l’ancien ministre de l’Intérieur, Ould Kablia. A cause de cette circulaire on a perdu plus de 500 communes.
Deuxièmement, en 2017 on a eu 1,2 million de voix contre 1,7 million de voix, ce qui représente un gain de 500.000 voix supplémentaires, un véritable vivier électoral nouveau dont s’est enrichi le FLN. Il est le résultat d’une campagne électorale dynamique que nous avons menée auprès des jeunes, hommes et des femmes. Ils ont vu un nouveau souffle au FLN, un nouveau langage, une rénovation du parti, une tentative de modernisation du FLN avec un discours très clair et très pragmatique.
Vous êtes la cible d’une campagne de déstabilisation au sein même de votre parti. On avance même que votre présence à la tête du parti n’est qu’une question de semaines.
Comment, je ne sais pas. Il y a un comité central qui décide non? J’ai été élu par ce comité central le 22 octobre 2016. Le 22 octobre prochain il y aura un comité central, et s’ils réunissent le nombre suffisant de signatures, je n’aurai qu’à me plier à la décision du CC. Moi je n’ai aucune ambition politique. Mon avenir est derrière moi. J’ai été élu de l’APW en 1974, député par deux fois, président de la commission des affaires étrangères du CNT, ministre pendant 13 ans et quatre et demi comme sénateur. Je ne cherche pas de poste ni rien du tout.
A quoi obéit cette campagne?
Je gêne.
Vous gênez qui?
Ceux qui veulent garder des privilèges.
Vous allez solliciter l’aide du président du parti dans cette campagne vous ciblant?
Pas du tout. Le président du parti est également président de toute l’Algérie. Il est au-dessus de ces questions partisanes. Moi je ne suis pas Don Quichotte, je ne vais pas me battre contre les moulins à vent. Si une majorité veut changer le SG c’est son droit le plus absolu, mais démocratiquement. Quant à ces signatures, cest une histoire qui a commencé en 1996. c’était à l’époque du défunt Abdelhamid Mehri, il y avait une pétition qui demandait sa destitution actionnée par des gens extérieurs au parti. Abdelhak Benhamouda lui succède. Arrive Benflis qui voulait être secrétaire général du parti, mais dont l’ambition était de succéder au président Bouteflika. Il réunit les signatures et le destitue le 21 septembre 2001. Et on a connu l’épisode des redresseurs avec Belkhadem devenu secrétaire général qui a connu le même sort le 31 janvier 2013. On a eu sept mois de vide, arrive Saâdani et on assiste au même scénario. C’est donc devenu un sport national. Il y a des personnes au sein du parti qui veulent se positionner pour la présidentielle de 2019. Je trouve que c’est anti-éthique car un président est en fonction et qui est président du parti. Et nous savons tous que le candidat choisi par le parti sera élu.
Donc vous étouffez des ambitions?
Oui, c’est le mot, c’est exactement ça. Ce sont les APC qui font les élections. Cela se joue au niveau local. L’enjeu pour certains, est: comment s’accaparer des communes pour assouvir des appétits présidentiels en 2019? Si je suis toujours là, je ne les laisserai pas faire.
Mais il faut bien un candidat du FLN…
On verra la question en 2019.
Vous ne pensez pas à l’actuel président?
C’est à lui de décider, mais s’il décide de se présenter, il aura mon soutien le plus absolu et tout l’appui du FLN. Ma fidélité ne souffrira pas du moindre écart, pas du moindre angström. Et au cas où il déciderait de ne pas se présenter, on débattra avec lui du choix du candidat. Je gêne donc ceux qui au sein du parti, nourrissent cette ambition mais nous les attendons au tournant en 2019.
Pour conclure, qu’allez-vous dire aux militants et aux sympathisants du FLN?
Le FLN est le parti concepteur, organisateur et réalisateur de l’indépendance. Le FLN est ancré dans l’imaginaire populaire. Il n’ y a pas de héros vivant, les héros sont sous terre. C’est grâce à eux que nous sommes là. Tout ce que nous faisons, c’est par devoir. A titre personnel, mon pays m’a tout donné. Il y a des dizaines de milliers d’Algériens certainement plus valables que moi, mais qui n’ont pas été comblés comme je l’ai été. Donc tout ce que je fais c’est par devoir. Je souhaite encore faire plus. Je dis à tous ceux qui sont en train de s’agiter, d’éviter des paroles blessantes.
Nous sommes des êtres humains et chacun d’entre nous a sa famille, ses frustrations et ses moments de faiblesse. Depuis que j’ai été à la tête du parti, des canifs, des gourdins et des couteaux ont été déployés contre moi. Je suis en train de baliser la voie aux jeunes pour qu’ils retrouvent leur place.