D’abord, comment vous sentez-vous dans cette ville paisible de Kavala ?
Très paisible également ! (Il se marre.) C’est vrai en plus, ici, tout est fait pour vous calmer l’esprit. On joue dans la première partie du tableau et on réussit à imposer le respect chaque semaine un peu plus. Les gens nous encouragent et le club avance à pas sereins. Franchement, on n’a pas à se plaindre.
Comment vous ont accueilli les dirigeants de Kavala et les supporters ?
Très bien, al hamdoullah. Au début, ils partaient un peu à l’aventure, puisqu’on ne me connaissait pas très bien. Mais après quelques matchs, ils se sont fait une idée précise sur moi. Aujourd’hui, je ne demande pas plus de reconnaissance. On me fait ressentir de plus en plus que je me sens chez moi à Kavala et cela ne peut me donner que plus de bonheur.
Que vous manque-t-il par rapport à Nantes ?
La mosquée, la famille et les potes. C’est vrai, ici, il faut aller très loin pour trouver une mosquée. Mais en dehors de cela, Dieu merci, je suis dans un environnement sain et tout le monde me soutient et m’encourage. Tout le monde est agréable avec moi, que ce soit le patron du club, le staff technique, les joueurs ou les supporters.
On vous a vu très proche du patron du club, M. Makis Psomiadis, qui est venu vous voir après votre expulsion…
C’est vrai, M. Makis est quelqu’un qui m’aime beaucoup et que je respecte énormément. Il me dit souvent que je suis comme son fils. C’est tout de même le grand patron du club, c’est lui le propriétaire du Kavala FC. Le fait d’être soutenu par quelqu’un comme lui me donne chaque jour un peu plus de confiance. C’est très important pour un joueur de se sentir apprécié pour ce qu’il fait. La reconnaissance du patron me fait chaud au cœur. Ça me touche vraiment qu’il me prenne pour son fils et qu’il le dise à tout le monde en plus. D’ailleurs, je suis souvent avec lui au restaurant ou au salon de glaces qui lui appartiennent. C’est quelqu’un de très gentil et agréable à vivre.
Que s’est-il passé face à Dani lors du match précédent ?
Si vous revoyez les images du match, vous allez bien constater que je n’y étais pour rien sur cette action. C’est lui qui est venu me provoquer, alors que j’étais encore à terre, après avoir été fauché. Que voulez-vous que je fasse d’autre, si ce n’est lui montrer qu’il ne m’effrayait pas. J’ai tenu à me défendre et l’arbitre nous a sanctionnés tous les deux, à mon grand regret.
Vous vous êtes serré la main avec Dani, mais ce n’était pas suffisant aux yeux de l’arbitre, non ?
Lorsqu’il nous a réunis tous les deux, je pensais qu’il allait être clément et nous donner un avertissement verbal seulement, vu qu’on s’est serré la main juste avant d’aller le voir. Mais l’arbitre en a décidé autrement. La décision finale lui revient et on ne peut que l’accepter, même si ça fait très mal de laisser ses camarades terminer la partie à dix.
Vous risquez entre deux et trois matchs de suspension (Ndlr, interview réalisée avant la décision de la commission de discipline qui lui a infligé une sanction d’un match) ?
Je ne sais pas encore. J’espère que la sanction ne sera pas lourde, car on n’a rien fait de grave tous les deux. Surtout moi qui n’ai fait que répliquer à une provocation à chaud. Ce sont des choses qui arrivent souvent sur un terrain de football. Mais le plus important, c’est qu’on se soit serré la main tous les deux, après ce petit accrochage. On ne s’est pas bagarrés tout de même ! J’espère qu’on sera clément avec moi, car je n’ai pas envie de perdre ma forme actuelle.
Surtout avant votre retour en Equipe nationale, non ?
Oui, c’est sûr que j’ai tout le temps envie d’être au top en club pour assurer un max avec l’Equipe nationale. J’espère apporter ce qu’on attend de moi.
Vous revenez chez les Verts, après avoir été écarté face au Luxembourg. Comment aviez-vous pris votre non- sélection ?
Je vous mentirai en vous disant que j’étais content de ne pas être retenu pour ce match. C’est sûr que ça m’a fait très mal de ne pas voir mon nom. Il s’agit tout de même de la sélection de mon pays. Depuis ma toute première sélection, ma fierté a toujours été la même en venant chez les Verts. Alors, c’est clair que lorsque j’ai appris ma mise à l’écart, j’ai été vexé et touché dans mon amour-propre.
Qu’est-ce que vous vous êtes dit alors ?
Le fait de voir que Belhadj et Ghezzal étaient également écartés m’a donné un peu à réfléchir. Je me suis posé beaucoup de questions pour comprendre les raisons de notre éviction de la liste.
Vous a-t-on appelé pour vous dire pourquoi on ne vous a pas retenus ?
Non, personne ne m’a appelé et personne ne m’a expliqué les raisons de ma mise à l’écart.
Vous auriez aimé en avoir ?
S’il y a bien des raisons précises pour lesquelles on m’a écarté, je voudrais bien les apprendre, un peu par curiosité, mais surtout pour tenter d’éviter de refaire les mêmes erreurs, s’il y en a, bien évidemment.
Certains disent que c’est à cause de la défaite de Bangui. Êtes-vous d’accord avec cela ?
Mais qui a perdu le match de Bangui ? Est-ce Djamel Abdoun tout seul, avec Ghezzal et Belhadj ? A ce que je sache, nous sommes tous responsables dans les victoires, comme dans les défaites. Ceci est très élémentaire dans une équipe de football. Nous pratiquons un sport collectif et de ce fait, nous devonsen assumer, tous en même temps, les conséquences.
Qui vous a appris votre retour en sélection ?
C’est le coach qui m’a appelé pour me le faire savoir.
Que vous a-t-il dit de particulier ?
Rien de particulier. Il m’a juste demandé de me tenir prêt pour le match contre la Tunisie.
Sans évoquer les détails de votre mise à l’écart ?
Non, rien d’autre. Je pense que s’il a quelque chose à me dire à ce sujet, il préfère me le dire lorsqu’il m’aura en face de lui. Les yeux dans les yeux, le message passe toujours mieux entre deux hommes.
Pensez-vous qu’il s’agit d’une sanction disciplinaire ?
Sincèrement, je n’en sais absolument rien. Je me suis toujours bien entendu avec tout le monde et je ne vois aucune raison de ce genre.
C’est peut-être tout simplement pour vous pousser à donner plus ; ne le pensez-vous pas ?
Peut-être bien. Pour être franc avec vous, j’ai ressassé la question des dizaines de fois et je n’ai pas réussi à comprendre les raisons probables qui ont conduit à ma mise à l’écart. Ce que vous dites est également plausible. En tout cas, je préférerais de loin que ça soit pour me pousser à donner plus en club que le coach m’a écarté de l’équipe face au Luxembourg.
Supposons que cela soit vrai et que Benchikha vous aurait écarté pour vous pousser à donner plus en sélection parce que, justement, il croit beaucoup en vous. Comment le prendriez-vous ?
Je vais juste supposer comme vous me le proposez, tout en espérant que cela soit vrai. Dans ce cas, je dirais que c’est d’abord un honneur que le sélectionneur national croie en moi. D’ailleurs, je suis sûr qu’il me fait confiance, sinon, je ne vois pas pourquoi il me ferait appel. Maintenant, si c’est un coup de fouet qu’il a voulu donner à l’équipe, je prendrais volontiers sur moi en disant que c’était un mal pour un bien. L’intérêt de l’Equipe nationale est plus important que ma petite personne. Si le coach juge utile de secouer le groupe de cette manière, je n’ai qu’à respecter sa manière de faire, en espérant que ça portera les fruits par la suite. Je n’ai pas à lui dire comment gérer son équipe. C’est lui l’entraîneur. Mais je rappelle une fois de plus qu’on est dans de pures suppositions. J’ai répondu à cette question pour éviter qu’on dise que Djamel Abdoun est un adepte de la langue de bois, tout simplement.
Comment allez-vous aborder le match face à la Tunisie, sachant que vos adversaires sont en pleine crise politique chez eux ?
D’abord, je compatis avec mes frères tunisiens dans ce qui leur arrive depuis quelques jours. J’espère que cela donnera une bonne issue pour le pays et une vie meilleure pour le peuple. Maintenant, pour ce qui est du match amical face aux Tunisiens, ce sera une rencontre comme les autres où chaque équipe jouera pour gagner et améliorer ses automatismes. Je pense que les Tunisiens joueront leur football habituel, donc, ils seront difficiles à manœuvrer. Ce sera, en tous les cas, un match plein d’enseignements avant celui du mois de mars.
Vous y pensez ?
Forcément, on y pense tous. Celui qui vous dira qu’il n’y pense pas est un menteur. Cela dit, je n’en fais pas une obsession. Nous aurons en face de nous des adversaires solides, mais qu’on peut bien battre devant notre public. On doit au moins cela à nos supporters.
Le public algérien est très déçu des Verts. Vous en êtes conscients, vous les joueurs ?
Vous savez, cette EN, c’est nous les joueurs qui la défendons sur le terrain. On ressent encore plus la déception lorsqu’on est joueurs, parce qu’on est en même temps supporters de cette Equipe d’Algérie. Certains pensent qu’on ne s’est pas donnés à fond à Bangui. Je peux jurer qu’ils se trompent complètement. Je ne connais aucun joueur capable de ne pas aller à fond pour défendre le maillot de l’Equipe nationale. C’est facile de juger un joueur lorsqu’il est sur le terrain. Mais on ne peut pas comprendre ce qui se passe sur le terrain. On l’a dit et redit à maintes reprises. A Bangui, au bout de dix minutes sur le terrain, on sentait déjà la fatigue nous envelopper. C’était vraiment inhabituel pour beaucoup d’entre nous. On étouffait carrément. Je vous assure que c’était impossible de bouger. Que pouvions-nous faire contre cet état ?
Mais vous comprenez au moins la colère des supporters ?
Bien sûr que je les comprends ! On les a trop déçus et c’est normal qu’ils montrent leur colère. Il ne manquerait plus qu’on leur reproche d’être déçus ! Non, les supporters ont raison de nous critiquer, tant qu’on n’a pas repris les victoires. Notre public attendait forcément mieux de nous, après le Mondial. On leur a brisé leur rêve commun. C’est donc normal qu’ils réagissent de la sorte.
Contre le Maroc, vous pensez qu’ils seront nombreux au stade à vous soutenir ?
La question ne se pose même pas pour moi. Je suis sûr que le stade sera plein à craquer et l’ambiance reprendra de plus belle, comme lors des éliminatoires passées. Le public sera là, je n’en ai aucun doute. A nous d’être là aussi face au Maroc et dans tous les autres matchs qu’il nous reste à jouer dans ces éliminatoires de la CAN 2012.
Vous pensez être capables de rattraper les points perdus face à la Tanzanie et la Centrafrique ?
Celui qui ne veut pas y croire n’a qu’à rester chez lui. On n’a pas dix points de retard à ce que je sache, non ? Il s’agit de trois petits points que nous devons rattraper pour revenir aux premiers plans dans cette course à quatre. Il suffira de gagner chez nous contre le Maroc et puis d’aller chercher d’autres points en déplacement. Il ne faut plus rien lâcher jusqu’au bout. Rappelez-vous bien de l’Egypte, lors des éliminatoires pour le Mondial. Ils avaient perdu chez nous et fait match nul chez eux face à la Zambie. La suite, tout le monde la connaît. On les a coiffés au match d’appui, au Soudan, alors que tout le monde les croyait morts et enterrés. Nous sommes aussi dans la même situation aujourd’hui. Alors, ou on est capables de faire mieux ou on ne l’est pas. A nous de voir.
Vous allez donc prendre exemple sur les Egyptiens ?
Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Nous ne prenons exemple sur personne. Mais comme nous sommes dans une situation similaire, il nous faut croire que la qualification est encore possible. C’est triste de voir certains penser qu’on est déjà cuits, juste parce qu’on a perdu à Bangui. Les gens oublient aussi que nous avons joué nos matchs après le Mondial, au tout début de la saison. Physiquement, on n’était pas encore au point. Dans un moins inch’Allah, on sera encore mieux. La preuve, c’est que beaucoup de joueurs se sont illustrés avec leurs clubs respectifs.
Ziani va enfin retrouver du temps de jeu…
Je suis très content pour Karim. Il en avait bien besoin. Le fait d’avoir opté pour le championnat turc n’est pas dévalorisant. La passion y est plus forte en Turquie qu’en Allemagne. L’important pour un footballeur est d’être sur le terrain, non pas sur le banc des remplaçants ou dans les tribunes. Il vaut mieux jouer dans un club ambitieux que de continuer à espérer gagner des minutes dans un club où vous vous sentez mal.
Cela permet aussi au joueur de s’illustrer et de taper dans l’œil des recruteurs des grands clubs, comme c’est le cas pour vous aujourd’hui, non ?
Al hamdoullah, je ne m’en plains pas trop. Si mon nom est aujourd’hui évoqué dans les journaux en Grèce et ailleurs, ce n’est certainement pas pour mes beaux yeux. Je suis sûr que si j’étais remplaçant dans un très grand club, personne ne parlera de moi autant. Il faut donc parfois avoir le courage d’aller dans un club jugé modeste, mais ambitieux, si l’on veut continuer à progresser. C’est le choix que j’ai fait pour ma part sur les conseils précieux de mon conseiller et agent, Karim Aklil.
Vous êtes souvent MVP avec Kavala (Ndlr, meilleur joueur de la journée). Qu’est-ce que cela vous fait-il ?
C’est toujours agréable d’être reconnu dans son métier. Si je suis élu meilleur joueur de la journée, c’est d’abord grâce à Allah qui me donne toujours plus de force pour aller de l’avant. Depuis que je suis à Kavala, je travaille comme un forcené pour être au top physiquement et répondre présent dans les duels. Ce n’est pas par hasard qu’on m’a choisi à la place de beaucoup d’autres joueurs talentueux. Cela me conforte beaucoup dans mes choix d’avant-saison, al hamdoullah.
Il vous reste maintenant à vous imposer avec l’Equipe d’Algérie. Pensez-vous être capable de le faire ?
Là aussi, je pense que si M. Benchikha m’a fait appel, c’est qu’il croit que je peux apporter un plus à l’équipe. Sinon, il aurait appelé quelqu’un d’autre. L’envie de m’imposer où que je sois passé ne m’a jamais quitté. Je me suis toujours entraîné dans la semaine en pensant montrer à mes coachs que je suis la meilleure solution à mon poste. Mon souci a toujours été de faire en sorte à ce que le coach me fasse confiance. Je me donne à 100% durant les entraînements et c’est pareil pendant les matchs. Je suis trop passionné par le football pour tricher sur un terrain.
La saison n’est pas encore terminée qu’on parle déjà de votre transfert en juin prochain…
J’ai appris cela comme vous, à travers les médias ; mais dans ma tête, je suis encore sous contrat avec le Kavala FC et je n’ai pas à me plaindre.
Les journalistes grecs disent que vous n’allez pas rester au-delà du mois de juin prochain à Kavala et parlent déjà des intérêts de l’Olympiakos, le Panathinaïkos et l’AEK pour vous. Qu’est-ce que cela vous fait-il et pensez-vous sincèrement pouvoir résister à une belle offre de ces clubs ?
Vous savez, ce n’est pas à moi seul que reviendra le dernier mot, puisque vous savez très bien que je suis encore sous contrat avec mon club. Il faudra discuter de cela avec le patron et voir surtout si les offres sont aussi concrètes qu’intéressantes pour toutes les parties. Il faudra discuter tranquillement et voir ce qui va en sortir.
Mais vous ne fermez pas la porte de votre côté, non ?
Vous savez, j’aime bien la franchise. Le joueur qui vous dira qu’il ferme la porte aux propositions est un menteur. Ce n’est pas possible de tenir un tel discours de nos jours. Nous sommes tous transférables et je ne suis pas différent des autres. Cela dit, les choses doivent se faire dans le respect du club et des parties concernées.
Dans quelques jours, vous ferez votre retour en sélection. Vous aurez des sensations nouvelles après votre mise à l’écart ?
J’espère, pour ma part, que rien n’a été affecté par cette mise à l’écart. Tout ce que je voudrais retenir dans cette histoire est que, d’abord, je n’ai pas été seul à être écarté, puisqu’il y a eu avec moi entre autres, Ghezzal et surtout Nadir Belhadj qui est encore plus ancien que nous. Aujourd’hui, le sélectionneur nous a rappelés avec Nadir et c’est ça le plus important à mes yeux. J’écouterai attentivement ce que M. Benchikha va me dire et je ferai en sorte à ce qu’il me fasse encore plus confiance dorénavant.