Dix ans après la chute de Saddam Hussein, l’Irak en pleine tourmente sécuritaire et institutionnelle avec des manifestations cycliques
Violences, instabilité politique: dix ans après la chute de Baghdad et la fin du régime de Saddam Hussein, le 9 avril 2003, l’Irak n’est toujours pas parvenu à un modus vivendi acceptable et s’enfonce dans la crise.
Aux yeux des Irakiens, le 9 avril reste bien plus chargé en émotions que le 20 mars, date de l’invasion dirigée par les Etats-Unis. L’image qui cristallise la fin du règne de Saddam Hussein et du parti Baas est celle de soldats américains détruisant la statue de l’ancien dictateur à l’aide d’un char muni d’un treuil sur la place Ferdaous en plein centre de Baghdad. L’armée de Saddam Hussein était alors démoralisée, désorganisée, et avait disparu face à la poussée des troupes américaines. Mais l’immense joie que certains ont éprouvée ce jour-là ne doit pas masquer l’amertume ressentie par d’autres. «A ce moment-là, j’ai compris que l’Etat irakien avait été renversé et que nous étions tombés entre les mains de l’occupant américain», raconte à l’AFP Dhafer Betti, directeur des relations publiques du mythique hôtel Palestine, qui donne sur la place Ferdaous. Pris en tenaille entre les milices chiites et les insurgés sunnites, les troupes américaines ont payé un lourd tribut: selon le site spécialisé icasualties.org, 4486 soldats américains sont morts en Irak pendant les 8 ans d’occupation. Mais ils ne sont pas les seuls: selon un rapport de l’ONG Iraq Body Count, 112.000 civils ont péri entre mars 2003 et mars 2013 en Irak. Dans ce contexte, le gouvernement irakien ne compte pas commémorer demain la chute de Baghdad. Tout comme le 20 mars, aucune cérémonie n’est prévue. Cet anniversaire tombe en plus en pleine campagne électorale. Dans 12 des 18 provinces du pays, les électeurs sont appelés à renouveler leurs assemblées provinciales le 20 avril. Mais ce scrutin, le premier depuis le départ des derniers soldats américains en décembre 2011, se prépare dans le sang. Douze candidats ont été tués depuis le début de l’année, selon des données officielles. Et samedi, un attentat a fait 25 morts et 60 blessés lors d’un meeting électoral à Baaqouba, au nord de Baghdad. Les violences aveugles continuent à accabler les Irakiens. Avec 271 personnes tuées et 906 blessées dans des attentats, le mois de mars a été le plus meurtrier depuis août 2012. Pour John Drake, spécialiste de l’Irak au sein du groupe de consultants en risques AKE Group, la chute de Baghdad «est une date plus chargée en émotion que le début de l’invasion. Les insurgés sont donc tout à fait susceptibles de marquer cette date avec davantage d’actes violents». Ces groupes et groupuscules armés affiliés à l’Etat islamique d’Irak (ISI), la branche locale d’Al Qaîda, ont certes vu leur élan freiné à partir de 2008, mais ils continuent de viser les forces de sécurité et la communauté chiite, dans l’espoir de déstabiliser le gouvernement du chiite Nouri al-Maliki. A ces violences s’ajoute une lutte politique houleuse entre M.Maliki et la minorité sunnite. Plusieurs dizaines de milliers de personnes défilent chaque vendredi dans les régions à majorité sunnite pour dénoncer leur «marginalisation» et réclamer la démission du Premier ministre. Evoquant des impératifs de sécurité, M.Maliki a décidé de reporter sine die les élections provinciales à Ninive (nord) et Al-Anbar (ouest), deux provinces où vivent d’importantes communautés sunnites. Mais aux yeux des observateurs et des diplomates étranger, la menace la plus sérieuse vient du conflit larvé que se livrent la région autonome du Kurdistan, dans le nord du pays, et le pouvoir central à Baghdad. Les deux entités revendiquent une bande de territoire riche en hydrocarbures. Et Baghdad enrage de voir Erbil faire de plus en plus cavalier seul, signant des contrats avec des compagnies pétrolières étrangères en se passant de l’approbation du ministère du Pétrole