Ni la colère des Associations des parents d’élèves, ni les grèves déclenchées de temps à autre par les syndicats autonomes des enseignants, ni même les protestations des élèves n’ont eu raison de la résolution du ministère à mener «les réformes jusqu’au bout», comme a tenu à le souligner l’ex-premier responsable du secteur, Boubekeur Benbouzid.
Pourtant, ce programme de réforme annoncé en grande pompe en 2002 devait corriger l’ensemble des défaillances ayant longtemps entaché l’ancien système et permettre à l’Ecole algérienne d’être au diapason des nouvelles modifications enregistrées dans les pays développés ! Le nouveau ministre de l’Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed, a insisté, dès son arrivée à la tête de ce département, sur la nécessité de faire un bilan exhaustif des réformes, afin de remédier aux défaillances.
«Le défi actuel du secteur est celui de la qualité de l’enseignement», avait-il déclaré le 26 novembre dernier, à la radio nationale.
Et ce sont les élèves des trois cycles (primaire, moyen et secondaire) qui font les frais de ces carences en subissant, à chaque fois, des changements dans le contenu des différentes matières.
Les enseignants, eux aussi, sont contraints de suivre le rythme des modifications constantes et tentés d’assurer un rendement pédagogique à même de permettre aux apprenants une meilleure assimilation.
Une déclaration qui vient nous rappeler que le paramètre qualité de l’enseignement, a été relégué au second plan, l’ex-ministre ayant toujours mis en avant les performances réalisées au volet quantitatif. Il est vrai que la scolarisation a enregistré un taux énorme, puisque 97 % de nos enfants vont à l’école et les taux de réussite aux différents examens de fin de cycle n’ont cessé de croître d’une année à une autre.
Mais la surcharge des programmes éducatifs et leur modification à plusieurs reprises, ainsi que l’absence d’une formation continue pour les enseignants ont pesé lourdement sur le niveau des élèves et risquent même d’avoir des conséquences préjudiciables sur leur avenir.
M. Baba Ahmed a mis l’accent sur la «nécessité d’alléger certains programmes, notamment aux cycles primaire et secondaire», ajoutant que cette question serait étudiée dans le cadre de «séminaires et de débats approfondis». Encore une tentative ! Le contenu pédagogique n’a jamais fait l’unanimité au sein de la famille de l’Education nationale et a souvent été décrié par les enseignants.
Au primaire, cela se répercute négativement même sur la santé des élèves, qui sont contraints de porter des cartables trop lourds, dépassant parfois leur poids ! Surtout que la dotation des classes de casiers, annoncée en 2008, n’a toujours pas vu le jour. Le volume horaire «surchargé» d’enseignement aux CEM et lycées pèse aussi lourdement sur l’assimilation des programmes.
C’est dire que du côté qualitatif, un autre chantier doit être lancé dans ce secteur voué, semble-t-il, à une «instabilité chronique»…
Des élèves accablés …
Face à la surcharge des programmes, les apprenants, soumis à un rythme effréné et à un volume important de cours, affichent souvent une grosse fatigue, ce qui leur fait perdre la concentration nécessaire.
A l’école, ils doivent suivre différentes matières et même à la maison ils sont appelés à faire des exercices et des préparations, ce qui se répercute négativement sur leur santé physique et psychologique. Cette situation inquiète les parents qui ne savent plus à quel saint se vouer pour y remédier, surtout que leurs appels incessants à la réduction de la charge des programmes n’ont eu aucune suite. «J’ai trois enfants, deux au CEM et un autre au primaire.
Dès qu’ils arrivent à la maison, ils font une course contre la montre pour faire leurs devoirs ! Parfois, ils refusent même de dîner. Et pendant les week-ends, ils ne veulent que dormir.
C’est trop, ils sont souvent sous pression et ils risquent de faire une dépression !!!», rouspète Boudjellal, trentenaire, habitant à Hassi Mefsoukh. «Parfois, je leur demande même de laisser tomber leurs études, car je pense que la santé prime sur toute autre considération», poursuit-il, appelant les autorités à remédier vite à ce calvaire.
Avec une telle charge, l’élève est toujours perturbé et cela peut même lui causer certaines maladies. «La surcharge de travail est dangereuse pour les enfants en bas âge.
Cela peut leur causer des troubles du sommeil, des troubles digestifs et même un changement négatif du comportement. Ils finissent par détester l’école et parfois s’absentent volontairement car leur capacité d’assimilation et de gestion de la pression est dépassée par le volume du travail qui leur est imposé», explique Taane Mohamed, spécialiste en psychopédagogie. La révision des programmes constitue la seule solution pour mettre, donc, les enfants à l’abri de ces conséquences fâcheuses.
L’accès par compétence sera-t-elle révisée ?
L’introduction de l’approche par compétence comme méthode d’enseignement dans le cadre de la mise en œuvre du programme de la réforme du système éducatif national, a toujours été décriée par les syndicats autonomes des enseignants. Adoptée dans la précipitation, cette méthode a constitué une pression supplémentaire pour les enseignants qui n’étaient pas préparés à cet effet et éprouvent, par conséquent, toutes les peines du monde pour son application. Alors que même dans certains pays développés, comme la France et les États-Unis, cette approche a été introduite de façon très progressive, en Algérie elle a été exigée de manière hasardeuse et dans une période très courte.
«Il faut absolument revoir les méthodes d’enseignement. Nous souhaitons revenir à l’ancienne méthode classique pour au moins deux ans, avant d’opter pour l’approche par compétence qui ne devra être appliquée qu’après avoir préparé le terrain en formant les enseignants. Cette méthode nous a épuisés et même les élèves n’arrivent pas à suivre les cours correctement», avouent des enseignants interrogés sur la question. «Il est temps de redresser la barre.
On a perdu près de dix ans avec cette méthode appliquée à la hâte», ajoutent nos interlocuteurs, souhaitant que le conseil national des programmes prenne en charge ce volet. Apporter les corrections nécessaires aux défaillances actuelles devrait mener à une amélioration de la qualité de l’enseignement.
Il semble que l’actuel ministre de éducation nationale est déterminé à apporter des modifications profondes concernant les programmes scolaires, en adoptant une démarche strictement académique. «Un conseil national des programmes, qui aura pour rôle d’observer, de critiquer et d’apporter ainsi les corrections nécessaires, sera bientôt mis en place», a-t-il annoncé le 26 novembre dernier.
Cela constitue une première étape d’un plan de «révision» de tout ce qui a été réalisé en plus de dix ans afin de pallier les défaillances subsistantes. Un enseignement de qualité nécessite, selon les pédagogues, des contenus répondant aux besoins d’une croissance progressive du niveau intellectuel des élèves, sans les soumettre à une pression, ni à une légèreté crainte.
C’est dans cette optique que le ministre a invité tous les acteurs à faire des états généraux du secteur et ouvrir une nouvelle page dans sa gestion à l’avenir.
La suppression de certaines matières, la modification de certaines unités et la réduction du volume horaire constituent les principales actions à mener dans l’objectif d’assurer un apprentissage «bénéfique et performant» dans les trois paliers. Les syndicats autonomes, qui n’ont cessé de mener des actions de protestation ces dernières années, ont, pour leur part, fait preuve, durant l’actuel exercice pédagogique, de calme et de sérénité. Ils ont même eu une réaction positive face aux déclarations de M. Baba Ahmed, tout en affichant leur disponibilité à participer activement au projet d’allégement et d’amélioration des programmes scolaires.
L’établissement d’un diagnostic et la désignation des fausses notes constituent, donc, une étape nécessaire avant de procéder aux corrections idoines. Les Associations des parents d’élèves ont, de leur côté, mis l’accent sur la formation des enseignants sur les nouveaux programmes et les nouvelles méthodes d’enseignement. Le chantier reste, donc, ouvert et des propositions de tous les acteurs devraient être prises en considération pour en finir avec une période d’instabilité et de régression du niveau des élèves. «Il faut absolument cesser de prendre nos enfants pour des cobayes.
Les responsables doivent mettre en place les changements nécessaires et permettre aux élèves de suivre une scolarité fructueuse, car il s’agit là de l’avenir du pays !», disent des parents d’élèves interrogés sur le sujet. Ouvrir une nouvelle page basée sur la qualité de l’enseignement reste, à coup sûr, le rêve de tous les Algériens.
Quelle issue pour les surcharges des programmes ?
La surcharge des programmes ne date pas d’aujourd’hui. C’est un problème majeur qui alourdit le quotidien de nos enfants et il est plus que nécessaire d’apporter des changements.
Toutefois, toute modification dans ce sens nécessite beaucoup de réflexion et des concertations entre tous les acteurs concernés.
On ne devrait pas changer de programmes comme on change de chemises et c’est pour cette raison, d’ailleurs, que le Snapest demande de faire une halte pour une évaluation exhaustive des réformes réalisées dans ce secteur, où beaucoup de choses doivent changer. Une évaluation des résultats de la réforme est plus que nécessaire.
Les enfants d’aujourd’hui n’ont pas le niveau qu’avaient les enfants des années 60 et 70. Il est vrai que les enseignants ont protesté, mais c’est au ministère d’apporter les changements nécessaires et je crois qu’il est plus que jamais temps. Il y a aujourd’hui une nécessité d’associer des sociologues, des psychologues, des pédagogues dans toute initiative. Le niveau de nos élèves est très faible et «on ne peut cacher le soleil avec un tamis», comme dit un adage de chez nous. Il y a un gros travail à faire pour rétablir la situation.
Il faut bannir la précipitation dans l’élaboration des programmes pédagogiques, car il s’agit de l’avenir de nos enfants et de notre pays. Le Snapest appelle à adopter une démarche progressive fondée sur l’analyse et l’association des scientifiques.
On propose aussi de revoir la semaine de quatre jours et demi, car cette organisation a échoué là où elle est essayée pour la simple raison qu’elle entraîne une fatigue et des difficultés d’apprentissage, ainsi qu’un manque de vigilance et un manque de performances liées à une désynchronisation liée au week-end prolongé.
Dire que les résultats sont excellents, c’est une analyse précipitée. Aucun paramètre ne permet d’affirmer qu’on a atteint la qualité de l’enseignement requise. Lorsqu’on se classe dernier à l’Olympiade des mathématiques, lorsque des élèves ne maîtrisent correctement ni les mathématiques ni les langues, on ne peut pas se vanter d’avoir atteint les objectifs escomptés.
Il suffit de voir cette attitude des parents à inscrire leurs enfants pour des cours particuliers et l’inscription dans des écoles privées pour comprendre que l’école publique ne répond pas aux aspirations et aux attentes des familles algériennes.
Caravane de sensibilisation à travers les écoles
Un réveil de conscience est plus que nécessaire puisque la violence, dans le milieu scolaire, dont les faits sont rapportés quotidiennement par la presse, prend des virages dangereux. Ainsi et sous le slogan : «Pour une meilleure communication», et en collaboration avec la direction de l’Éducation, la direction de la Santé et de la Population a lancé une campagne de sensibilisation, sur le phénomène.
Lancée le 4 février dernier, la campagne prendra fin le 6 mars. Dans ce cadre, une caravane composée de médecins et de psychologues des unités de dépistage et de santé scolaire, va sillonner les communes de la wilaya d’El-Bahia. Des journées d’étude seront animées au musée El Moudjahi’, à la bibliothèque de Béthioua, au Centre culturel de Oued Tlelat, à la médiathèque d’Oran, au Centre culturel d’Es-Sénia, entre autres. Actuellement, le phénomène de la violence n’épargne aucune couche sociale. Selon les résultats d’une enquête, réalisée par la DSP et la direction de l’Éducation, qui s’est étalée sur deux ans à Oran, la violence familiale est la première cause de la violence, en milieu scolaire. La violence urbaine est aussi mise à l’index. L’étude précise que «l’école ne produit pas de violence, elle en est, elle-même, victime».
Quand la violence bat son plein
L’enquête précise que le grand nombre de cas de violence est enregistré dans les classes du cycle moyen (CEM) et ce, à cause de l’âge des élèves adolescence. Dans ce même cadre, il a été précisé que les cas de violence d’enseignants ou de l’administration, à l’égard des élèves, sont en diminution significative.
Autant de lectures sont plausibles tandis que le consensus est commun, il est plus qu’urgent de prendre le taureau par les cornes tandis que le ministère de tutelle, principal acteur, est appelé à prendre des mesures à la hauteur de l’événement et jouer un rôle de premier ordre, dans la mise en place des mécanismes nécessaires. La gravité de ce phénomène avait atteint son paroxysme, il y a deux ans, avec la mort, à cinq mois d’intervalle, de deux collégiens, tués par leurs camarades.
Le phénomène touche, en effet, une frange de la société très sensible et toute condamnation peut contrarier et l’avenir de l’élève et celui de l’enseignant, car les statistiques montrent, à des degrés différents, que des plaintes ont été déposées à la direction de l’Éducation d’Oran par des enseignants agressés par des élèves et par des collégiens et lycéens ayant subi des comportements violents de la part de leurs enseignants en classe.
Une centaine de cas de violence est traitée annuellement par les services concernés de la direction de l’Éducation d’Oran. Il s’agit de plaintes pour les agressions d’enseignants par les élèves et pour les agressions d’élèves par les enseignants. Ces chiffres ne concernent que les cas jugés graves.
Les élèves retournent en classe, enfin…
Les parents d’élèves de l’école «El Bachir El Ibrahimi», opposés depuis plusieurs semaines contre la nomination par la direction de l’Éducation d’une nouvelle directrice pour cet établissement, ont finalement décidé de mettre fin à leur mouvement de protestation, en acceptant de laisser leurs enfants rejoindre les bancs de l’école.
Un heureux dénouement qui intervient suite à des garanties qui auraient été données par la direction de l’Éducation de revoir sa copie et mettre fin à cette situation d’impasse. Contactés par nos soins, les parents d’élèves soutiennent que l’école El Bachir El Ibrahim, sera désormais «gérée à titre provisoire» par le directeur de l’école Ibn Rachik, mitoyenne de l’école El Bachir El Ibrahimi». Une solution qui semble avoir eu l’effet recherché en ramenant les parents d’élèves à de meilleurs sentiments.
«Nous avons décidé de laisser nos enfants rejoindre, de nouveau les bancs de l’école, après avoir reçu des garanties de la direction de l’Éducation de prendre les mesures nécessaires permettant ce retour.»
Et de préciser, «cette normalisation est déjà entamée avec la décision de confier la gestion provisoire de l’école au directeur de l’école mitoyenne, Ibn Rachik, en attendant la nomination d’un nouveau directeur propre à l’école.»
Il est à noter, par ailleurs, que l’adoption de cette solution a coïncidé avec la visite, jeudi dernier, de deux inspecteurs centraux, dépêchés par le ministère de l’Éducation pour s’enquérir, de visu, de la situation qui prévaut dans l’école El Bachir El Ibrahimi.
Lors de cette visite, les deux inspecteurs centraux ont longuement discuté avec la directrice «contestée» mais aussi avec des représentants des parents d’élèves. Pour rappel, l’école El Bachir El Ibrahimia connu une «protestation sans précédant», suite à la nomination «en plein milieu de l’année scolaire», d’une nouvelle directrice, en remplacement d’un directeur à peine installé à son poste, après la sortie en retraite, en fin d’année écoulée, de l’ancien directeur de l’école. Élément aggravant la «suspicion» autour de cette nomination, la directrice nommée est l’épouse de l’ancien directeur sorti en retraite.
La directrice en question traîne également avec elle, un conflit qui a nécessité l’intervention du ministère avec des institutrices de l’école qu’elle dirigeait jusque-là à Bir El Djir. Stupéfaction alors parmi les parents d’élèves et même parmi les maitresses de l’école qui saisissent par écrit l’Académie, les syndicats de l’Éducation et le ministère de tutelle pour protester contre cette nomination qualifiée de douteuse.
Car pour eux, toutes ces manœuvres n’ont d’autres justifications, que le «logement de fonction» sis à la rue Larbi Ben M’hidi, en plein cœur du centre-ville, que «le directeur à la retraite et son épouse, nouvellement nommée, voudraient à tout prix garder.»
Les agressions à l’arme blanche se multiplient
Les enseignants du lycée Cheikh Ibrahim Tazi d’Oran ont observé, jeudi dernier, un arrêt de cours de deux heures pour protester contre le climat d’insécurité qui caractérise cet établissement, dont le nombre d’élèves avoisine les 1.100.
Selon le représentant du Snapest, pour la troisième fois en l’espace d’un mois, trois élèves ont été agressés par des personnes étrangères au lycée et de surcroît munies d’armes blanches. Cette situation a fait naître une psychose et un rapport détaillé a été établi par le corps enseignant afin d’appuyer la démarche de l’administration dans le but de renforcer le dispositif sécuritaire aux abords de l’établissement.
Ce débrayage a été décidé par le corps enseignant en tant que partie intégrante de la population scolaire et de par le climat qui y règne, leur mission pédagogique est grandement affectée et qui peut se répercuter sur les résultats en fin d’année. La position des enseignants vient rappeler encore une fois l’ampleur de la violence en milieu scolaire. Il y a deux ans, pour rappel, un élève du CEM Zaki à Oran est décédé suite à une altercation avec un jeune juste devant la porte principale de l’établissement.
Pour cette année, le problème de la surcharge des établissements du secondaire est venu se greffer à cette insécurité, en raison de l’arrivée massive d’élèves en 1re AS, une situation qui a mis à rude épreuve les chefs d’établissements qui ont été confrontés à la prise en charge alors que les capacités d’accueil étaient très limitées.
Le phénomène des agressions aux abords des établissements a connu une recrudescence avec en plus la consommation des drogues qui aggrave cette situation. La sonnette d’alarme a été à plusieurs reprises tirée par des associations de parents d’élèves et quelques syndicats.
C’est le cas du Snapest qui a mené une enquête sur le phénomène de la violence pour révéler que durant 2011, pas moins de 120 cas ont été signalés et ont touché plusieurs enseignants qui se sont vus agressés par leurs propres élèves. Cette violence se manifeste également par l’usage des produits pyrotechniques au sein des classes de cours.
A ce titre, le syndicat en question compte organiser une série de rencontres régionales qui regrouperont toutes les parties concernées afin d’approfondir la réflexion autour des moyens à mettre en œuvre pour éradiquer ce phénomène inquiétant.