Karim Tahar: Une vie consacrée à l’art et au noble art

Karim Tahar: Une vie consacrée à l’art et au noble art

En ce jeudi du mois d’août, on arrive à 17h 30 au seuil de l’appartement où vit Karim Tahar, un homme exceptionnel qui a représenté l’Algérie au plus haut niveau dans le domaine de l’art et du noble art.

En ce jeudi du mois d’août, très rapidement, l’accueil chaleureux de Khali Tahar, dont le nom d’artiste est Karim Tahar, et de son épouse nous plongea rapidement dans le bon vieux temps où les artistes algériens mettaient la barre très haute pour nous représenter dans tous les domaines. La jolie Carima Aid, qui nous donna l’occasion de vivre une belle soirée auprès de Karim Tahar, lança la discussion et le grand artiste nous plongea vite dans son monde merveilleux où les plus belles images défilaient comme dans un rêve.

En ce jeudi du mois d’août, on a découvert un mur recouvert de photographies historiques. A gauche, c’est Karim Tahar aux côtés du meilleur boxeur de tous les temps, Mohamed Ali. A droite, c’est celle de Ken Norton qui avait cassé la mâchoire de Mohamed Ali. Karim Tahar ne cache pas son amour pour la boxe. Enfant, il est inscrit pendant quatre années aux cours de solfège mais il ne suivait pas le professeur car sa tête était branché du côté du noble art. Kahali Tahar de son vrai nom ne pensait qu’à la boxe et malgré sa réussite dans le monde de la musique et la chanson, il n’a jamais pensé mettre fin à sa carrière de pugiliste. Après le cumul de titres, l’homme grandit et deviendra le seul Algérien à devenir expert et arbitre international ayant dirigé des combats pour le titre mondial. C’est ainsi qu’il connut de près des sommités tels que Mohamed Ali qu’il avait rencontré à plusieurs reprises.

Il a modernisé la chanson kabyle

En ce jeudi su mois d’août, on est revenu à la fin des années 1940 lorsque ce beau garçon de Bab El Oued, qui ne pensait qu’au sac de boxe, aux crochets et uppercuts découvrit que la chanson kabyle, bien que représentée par de belles voix, tournait en rond. Voyant les autres musiques évoluer, une idée est venue s’incruster dans sa tête : moderniser la chanson kabyle. L’homme ne dormait plus. Il se décidera un jour pour aller chercher les meilleurs musiciens modernes d’Alger. Il alla les appeler chez eux. Le voyant, il se demandait ce que voulait le jeune Karim qui n’avait que 16 ans et très connu ans le monde de la boxe. Il leur proposera la création d’un orchestre. Ils acceptèrent sans savoir, au début où il voulait en venir.

Tout se fera vite et Karim Tahar se retrouvera au studio de la chaîne kabyle à la rue Berthezène. Le jeune artiste n’avait que 16 ans et dès le premier enregistrement, il commencera à déranger certains conservateurs au sein même de la radio. Le passage avec le saxophone, le bandonéon (ancien accordéon utilisé notamment pour les tangos), la contrebasse, la belle voix de Karim Tahar et les nouveaux rythmes allaient faire une révolution dans la chanson kabyle. La même année, en 1947, le jeune chanteur obtiendra un premier prix à la salle Pierres-Bors (Ibn Khaldoun, aujourd’hui) en interprétant un tango. Le jeune homme qui était plein de dynamisme allait courir deux lièvres à la fois : la boxe et la musique. Il sera l’un des rares au monde à réussir à attraper les deux à la fois puisqu’il réussira dans les deux spécialités. Karim Tahar qui a toujours mis la barre très haute arrivera au plus haut niveau puisqu’il deviendra, d’un côté, un des plus grands experts de la boxe mondiale et arbitre international ayant dirigé des combats de championnat du monde, et d’un autre côté, un chanteur de charme qui se fit appeler le Tino Rossi kabyle.

Une forte personnalité

En ce jeudi du mois d’août, Karim Tahar s’est souvenu de cette belle époque où la grande Edith Piaf, qui cherchait à lancer de jeunes chanteurs, l’avait choisi parmi cinq artistes, dont Eddy Constantine et Charles Aznavour. Karim Tahar, dont la personnalité est très forte, avait refusé l’offre, ce qui ne le dérangera pas à bien continuer sa carrière puisqu’il se retrouvera avec un poste important à la RTF. D’ailleurs, un jour, on lui avait recommandé un jeune chanteur pour lui passer le test. L’artiste, qui s’appelait Gaston Ghenaissia jouait très bien à la guitare, a échoué malgré les recommandations car il ne savait pas chanter.

Karim Tahar, qui l’avait testé, avait pris la décision juste malgré les recommandations. Et ce jeune chanteur, qui venait d’arriver d’Algérie, était à l’époque pistonné, et jouait merveilleusement à la guitare mais ne savait pas chanter, ce qui mena Karim Tahar à refuser de la programmer sur la RTF bien qu’il soit pistonné. D’ailleurs, son piston lui servira pour la programmation d’un gala puis d’autres. Le jeune apprendra par la suite à chanter et deviendra le grand Enrico Macias. Aujourd’hui, Karim Tahar ne regrette pas sa décision car, à l’époque, elle était juste.

En ce jeudi du mois d’août, On a s’est déplacé au Caire en Egypte pour revoir Karim Tahar aux côtés des plus grands chanteurs notamment Mohamed Abdelwahab, Farid El Atrache et Abdelhalim Hafez. Il nous parla de la place exceptionnelle réservée à Oum Kalthoum par tout le peuple, les personnalités culturelles et politiques et le président Djamel Abdennasser en personne. Notre artiste avait été invité dans la capitale egyptienne pour jouer dans un film et il y resta trois années. Il fut le premier à chanter en kabyle au Caire. Il avait interprété un de ses nombreux succès Itidj Mid Yechra et s’imposera devant les plus grands chanteurs arabes de l’époque.

Il a réussi partout

En ce jeudi du mois d’août, Karim Tahar, qui parlait beaucoup plus de la boxe, s’est souvenu de ses meilleurs moments passés à Alger, Le Caire et Paris. En France, il fut le premier à chanter à la fois en arabe, en kabyle et en français. Notre artiste réussissait partout car il avait une belle voix, savait composer et avait surtout du goût. Sa chanson Pour toi mon rêve d’amour composée par le grand Mohamed Iguerbouchène a eu un grand succès, et grâce à sa voix douce les Français l’ont surnommé le Tino Rossi kabyle.

Le fait d’être parmi les meilleurs arbitres de boxe au monde, parmi les meilleurs chanteurs algériens de tous les temps, n’a pas empêché Karim Tahar de toucher le domaine de la gestion puisqu’il fut cadre de la DNC où il dirigea le service sport et culture au lendemain de l’indépendance. Il a réussi même dans le domaine de la marine puisqu’après avoir bénéficié d’une formation, il fut le premier commissaire de bord. Il garde à ce jour son fascicule. C’est une autre preuve que Karim Tahar a les capacités de réussir dans tous les domaines. En ce jeudi du mois d’août, on a découvert un homme plein de qualités, un homme ayant défendu l’Algérie durant la Révolution sans jamais demander une contrepartie, un homme ayant réussi dans deux domaines qu’il a tant aimés : l’art et le noble art.

Bari Stambouli