Institut cervantès : Mémoire et peinture pour crier la paix

Institut cervantès : Mémoire et peinture pour crier la paix

L’exposition «Dialogue hispano-algérien sur le Guernica» abrite jusqu’au 25 janvier une exposition, ouverte au public, de cinq artistes algériens et un espagnol, inspirée de l’oeuvre majeure de Picasso…

Célébrant les quatre-vingt ans de l’oeuvre Guernica de Picasso, l’institut Cervantès organise depuis mardi une exposition avec de nombreux artistes algériens dont un Espagnol Julio Lozano qui présente pour sa part une installation visible d’emblée grâce à sa grosse corde reliée à un tableau aux couleurs sombres. Un grand format des plus singuliers réalisé sur une plaque de métal alliant la photographie et le dessin montrant des photos en noir et blanc de femme criant sa détresse et d’hommes manifestant leur joie autour d’une bateau en bois échoué et détruit par une mère agitée évoquant le drame actuel du déplacement des populations fuyant la guerre. Un sujet des migrants toujours d’actualité.

Tous les artistes-peintres choisis pour info ont pris part un atelier de workshop afin de produire une oeuvre en relation avec Guernica. Déclinant sa peinture à l’aide de l’huile sur toile, les couleurs de Djahida Houadef se métamorphosent pour produire une oeuvre fragmentée, baptisé Le cri, dialogue avec le Guernica. Pour elle «Fêter les 80 ans de Guernica n’a pas lieu tous les jours, c’est une belle opportunité et un événement exceptionnel qui nous a été offert pour approcher et dialoguer avec cette oeuvre de Picasso. C’était très intense au niveau du travail et très émouvant par ce que ce n’est pas une chose qui se fait d’une manière spontanée et superficielle. Pour nous c’était quelque chose de très fort, surtout dialoguer avec une oeuvre aussi forte qui a marqué son temps et qui continue à marquer les esprits et l’histoire. L’atrocité, le mal continue à nos jours. Je pense que les artistes sont toujours en quête d’une certaine paix. Nous revendiquons à travers nos travaux l’amour, la paix et la tranquillité… enfin le vivre ensemble. Cette expérience pour moi a été quelque chose de très fort. Quand j’étais étudiante j’ai vu l’oeuvre de Picasso et c’était difficile pour moi d’accepter cette oeuvre. Dans les années 1980, nous, en tant qu’Algériens après l’indépendance, on avait une belle aspiration à la vie à vouloir réaliser des choses. Dans les années 80, on était jeune et on voulait vivre des expériences, déployer nos énergies et quand on croise une oeuvre comme Guernica c’est une oeuvre qui vous rappelle à la réalité. C’est une réalité malheureusement amère contre laquelle il faut se battre pour offrir à nos enfants un monde meilleur.» Pour sa part, le jeune Cherif Abderahmane qui a pris part cette année à la manifestation El Tibaq en Espagne a choisi non pas de s’inspirer de l’oeuvre, mais plutôt de Picasso même. «Pour réaliser mon oeuvre je me suis simplement abandonné et laissé cours à mon imagination. Si je lui avais donné un titre, ça aurait été le cri de l’innocence» nous a-t-il confié. Abderahmane Aidoud, professeur à l’école des beaux-arts, qui n’est plus à présenter, a choisi l’acrylique pour dépeindre un monde sauvage avec des bouches tels des loups ou des chiens qui aboient décrivant la sauvagerie d’un univers en guerre. Il nous fait part de son sentiment suite à ce travail: «C’est le 80e anniversaire de Guernica et c’est autour de cet événement que nous nous sommes réunis dans le cadre d’un atelier créé par l’institut Cervantès et dans lequel on a travaillé sur Guernica en quelque sorte et essayer de reprendre les éléments tels que la violence, l’agressivité. On a essayé se remémorer ça à notre manière, ce contexte des années 1936, 37 où la ville de Guernica a été bombardée sous l’ordre de Franco. Aujourd’hui, malheureusement, nous avons plusieurs Guernica, un peu partout des villes entières décimées, beaucoup de morts à Alep, Ghaza, Baghdad etc. L’histoire se répète malheureusement et c’est ça qui fait peur…»

D’autres artistes algériens ont participé à cette exposition. On citera Mouna Bennamani qui a utilisé quant à elle le fusain sur toile pour raconter un monde monstrueux en noir et blanc et ce, via des visages torturés fortement expressifs sur quatre toiles incarnées sous le titre «Maicha tabla h’chcia». En couleur cette fois, Amor Idriss Dokman a choisis de dépeindre ce monde cauchemardesque dans une oeuvre sans titre. Pour rappel, oeuvre majeure de Pablo Picasso, Guernia a été réalisée en juin 1937 pour l’exposition universelle de Paris. Dans cette toile de très grand format, l’artiste dénonce dans un style cubique le bombardement de la ville de Guernica lors de la guerre d’Espagne (1936-1939) et devient un symbole de l’opposition à la violence franquiste et de la dénonciation de l’horreur de la guerre. Conservé aux Etats-Unis, Guernica qui a beaucoup contribué à la médiatisation de la guerre d’Espagne, a été transféré en 1981 vers un musée à Madrid où il est conservé.

L’exposition «Dialogue hispano-algérien sur le Guernica» se poursuit à l’Institut Cervantès jusqu’au 25 janvier 2018.

O. HIND