Dans « Chrétiens d’Algérie-Sur les chemins de la rencontre », Jean Dulon dévoile une « Algérie proche et fraternelle » (vidéo)

Dans « Chrétiens d’Algérie-Sur les chemins de la rencontre », Jean Dulon dévoile une « Algérie proche et fraternelle » (vidéo)
Par Ghada Hamrouche
Au pays de Saint Augustin, l’église catholique est discrète mais il est arrivé des périodes où des journaux bêtes et méchants lui prêtaient de sournoises intentions au grand dam d’un Mgr Henri Tessier, homme de dialogue et de partage.

Ces journaux mettaient à chaque fois l’image de la basilique de Notre dame d’Afrique et du père Henri Tessier quand ils fantasmaient sur le prosélytisme chrétien. Or, l’église catholique ne fait pas dans le prosélytisme en Algérie, elle maintient dans l’amitié, la fraternité et le partage une présence chrétienne dans une terre devenue musulmane.

Cette présence, ce sont des femmes et des hommes qui vivent parmi les musulmans, y compris dans les quartiers populaires, partagent leur quotidien, souvent rude, et apportent de l’aide aux faibles et aux démunis. Des femmes et des hommes qui ont partagé toutes les décennies y compris « la noire », celle où ils ont payé un lourd tribut à leur volonté de rester parmi leurs frères en humanité, leurs frères en Dieu.

Ces femmes et ces hommes discrets et si présents dans la vie de nombreux algériens sont rendus visibles dans le film  » Chrétiens d’Algérie- Sur les chemins de la rencontre » de Jean Dulon, une coproduction Franco-Algérienne, totalement tourné par une équipe locale avec des moyens techniques et un opérateur-vidéo algérien, Hocine Hadj-Ali.

Loin des clichés

Le réalisateur a voulu parler différemment de l’Algérie, loin des clichés, « en montrant sur place le dialogue entre catholiques et musulmans loin des préjugés et des idées reçues. » Un documentaire qui confirme un choix assumé des gens de l’Église d’Algérie qui ont « exclu de leurs pensées toute idée de prosélytisme, leur engagement est ici uniquement ancré sur l’échange et dans leur quotidien partout ils proposent le partage avec l’Autre différent. »

Pour Jean Dulon, ces femmes et ces femmes de l’église « offrent une passerelle pour s’approcher d’un peuple et d’un pays aussi présent que mal connu ». C’est la raison, explique-t-il, pour laquelle il a voulu faire ce film. Et, dans un monde où le « choc des civilisations » est présenté comme inéluctable et fonctionne comme une sortie de prophétie auto-réalisatrice, le documentaire de Jean Dulon réussi à rencontrer et à montrer « celles et ceux, chrétiens et musulmans, qui dénouent les stéréotypes et les appréhensions ».

Dans cette démarche, il fait un constat réjouissant qui va à l’encontre de maints clichés et de l’auto-flagellation de ceux qui font dans l’Algéria-bashing, le réalisateur découvre, dans la vie courante, une Algérie bien plus généreuse et plus douce que l’image qu’on en fait.

Le réalisateur a découvert une « Algérie proche et fraternelle, simple et populaire montrant la voie d’un vivre ensemble et d’un dialogue qui se construit là-bas comme il se forge ailleurs, au fil du contact, de l’ouverture et de la rencontre. »

Des ponts et des passerelles entre humains

Il n’y a pas dans ce documentaire de discours sur la religion, mais il y a par contre des hommes de différentes religions qui dressent, dans l’échange, l’amitié, des ponts et des liens, là où la tendance médiatique dominante veut élever des murs de défiance. Du nord au sud, d’est en ouest, le documentaire de Jean Dulon fait découvrir ces hommes et ces femmes et leur engagement envers les populations qui les ont adoptées.

Images frappantes par leur sérénité, comme ces deux frères qui vivent à la cité Mahieddine à Alger, quartier populaire, dont ils se sentent totalement membres. Et cela remonte à loin. Le frère François, un des deux religieux, se souvient qu’ils se sont installés dans ces deux pièces au rez-de-chaussée en 1957 et ils ne l’ont plus quitté. Avec les habitants du quartier, on ne discute pas de qui est Dieu, explique-t-il.  » On partage les soucis de la vie de tous les jours. On partage la soupe, les soins, une lecture ou encore un journal… c’est tout ce vécu ensemble qui tisse les liens avec les gens ».

père jean perette

Comme le frère François et son compagnon, les sœurs missionnaires s’acharnent à donner des cours de soutiens aux enfants du quartier de Bab El Oued dont les parents ne peuvent se permettre de payer des cours privés. Soutenues par des bénévoles du quartier, ces petites silhouettes frêles dispensent des cours de français de mathématiques et d’arabe aux écoliers qui en éprouvent le besoin.

Dans la Casbah, les artisanes de Caritas dispensent aux femmes des formations en patchworks. Elles en profitent pour discuter avec elles de la vie de tous les jours, de leurs soucis et des défis à relever.

soeurs caritas

Ce voyage parmi les femmes et hommes du partage se poursuite au sud, à proximité de la tombe du père Charles de Foucauld, où des religieuses venues de Madagascar s’activent à perfectionner l’apprentissage de la langue française aux écoliers du village. Elles s’occupent également des enfants handicapés et leur assurent des séances de rééducations.

Un film si humain

Au nord, à Annaba et à proximité de la basilique Saint Augustin, où des petites sœurs des pauvres dirigent une maison de retraite pour les personnes âgées. Elles veillent, quotidiennement, au bien être de 80 pensionnaires qui ne cachent pas leur gratitude. Au micro du réalisateur, certains ont tenu à affirmer qu’ils se sentaient dans leurs familles avec ces bonnes sœurs.

A Oran, un prêtre espagnol organise des sorties avec des associations. L’objectif est de parler l’espagnol mais aussi de découvrir la beauté des lieux et affirmer son engagement pour la jeunesse notamment pour les femmes.

Ce documentaire qui distille une sérénité palpable est à voir. Dans une Algérie, encore troublée par les déchirements des années noires, il montre que la rencontre, le partage et la fraternité avec des  » frères différents » n’est pas seulement une possibilité mais une réalité vécue. Et dans un monde où les fauteurs de guerre érigent des murs de haine ce film si humain dévoilent ces ponts et ces liens forts que tissent des femmes et des hommes, des frères en humanité.