74e de Mostra de Venise : Sarah Forestier, Sofia Djama : l’une espère, l’autre déchante… Spécial

74e de Mostra de Venise : Sarah Forestier, Sofia Djama : l’une espère, l’autre déchante… Spécial

«Ô jeunesse ! Quelle force, quelle foi, quelle imagination en elle !» Joseph Conrad, Jeunesse, 1902

Sarah Forestier est une jeune comédienne, révélée dans l‘Esquive, de Abdellatif Kechiche, en 2004. Son interprétation de Lydia, adolescente de cité HLM, répétant une pièce de Marivaux pour une représentation de fin d’année scolaire, lui vaudra le César du meilleur espoir féminin. Après plus de 30 films comme actrice, elle s’est lancée, il y a deux ans, dans la réalisation…

A l’arrivée cela donnera M, présenté, à Venise, aux« Journées des Auteurs ». Et c’est peu dire qu’elle a réussi son coup ! Un essai admirablement transformé ! Lila et Mo se rencontrent à un arrêt de bus. Pour Lila, c’est le coup de foudre.

Mais elle cache un secret, elle est bègue. Ce complexe la rend quasi muette, recourant pour s’exprimer à l’écriture. Mo, bavard, exubérant, est séduit par Lila, mais lui aussi porte un lourd fardeau, il ne sait ni lire ni écrire. Tout les oppose, lui, pilote kamikaze, qui risque sa vie à chacune de ses courses automobiles clandestines, elle, brillante élève qui prépare son bac. Mais ne dit-on pas que les contraires s’attirent ! Comment surmonteront-ils leurs différences et leurs complexes pour continuer leur chemin ensemble ? C’est tout l’enjeu de ce premier film brillamment écrit et réalisé. Il y a de la tendresse, de la poésie et beaucoup de trouvailles scénaristiques qui font évoluer doucement les personnages.

Le film doit beaucoup à l’interprétation des deux comédiens. Sarah Forestier, elle-même, dont on connaissait déjà le talent, et Redouane Harjane, tout à fait épatant, à la fois fort et faible, plus connu comme humoriste et musicien. Le film a été très, très applaudi par un public conquis. Et c’est bien mérité. Autre premier film, algérien celui-là, de Sofia Djama, qui s’était fait remarquer par son premier court métrage Mollement un samedi matin, en 2009, primé aux Journées cinématographiques d’Alger, au Festival international de Clermont-Ferrand, au Festival de Malmö.

Et c’est avec les Bienheureux qu’elle est donc présente à Venise dans la section «Orrizonte». Nous sommes à Alger, quelques années après les «années noires» qui ont ensanglanté tout le pays. Un couple, Samir et Amel (Sami Bouajila et Nadia Kaci), décident de fêter le 20e anniversaire de leur mariage au restaurant, mais rien ne va se passer comme il le fallait… Ce qui finira par faire adhérer Samir à la vision du pays, nihiliste, désespérée, de sa femme Amel…

Amel a, en effet, perdu toutes ses illusions et pense qu’il vaut mieux quitter le navire et sauver leur fils, Fahem. Samir préférait s’accommoder de la situation et y faire face. Le début de la soirée, sur le chemin du restau, chez des amis, ne fait que renforcer leurs divergences. Parallèlement, le film suit leur fils Fahim (Amine Lansari) et des deux amis, Feriel (Lyna Khoudri) et Réda (Adam Bessa). Ils errent dans une ville qui leur semble hostile.

Leurs rêves se heurtent à des réalités concrètes : manque d’argent, manque de solidarité, manque d’acceptation des différences. «J’ai choisi deux points de vue générationnels : celui des adultes réels, âgés de 20 ans en octobre 1988, et qui sont maintenant dépourvus de tout désir et espèrent un changement, et celui de leurs enfants, qui avaient 20 ans en 2008 (ma génération).

Contrairement à leurs aînés, ils continuent à rêver, ils créent leurs propres codes et expriment leur quête d’une manière plutôt maladroite, car ils n’ont pas hérité des connaissances appropriées pour formuler leur combat. Ils sont beaucoup plus lucides que leurs aînés, mais ils sont aussi plus exposés au danger et à la cruauté du régime. L’intrigue du film se déroule en une seule nuit. A la fin, aucun des adultes ou des personnages plus jeunes ne peut échapper à la violence du pays », explique la réalisatrice.