Divergences entre Alger et Riyad : Bouteflika cherche l’apaisement, sera-t-il entendu …?

Divergences entre Alger et Riyad : Bouteflika cherche l’apaisement, sera-t-il entendu …?
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Tout va-t-il pour le mieux entre Alger et Riyad après les « explications » fournies lundi, par Tayeb Belaiz, ministre d’Etat et conseiller spécial auprès du président Bouteflika, au roi Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud au sujet de « certains questions sensible que connait le monde arabe » ?

Rien n’est moins sûr, non pas à cause de l’Algérie qui reste dans une logique d’apaisement mais du fait de la crispation saoudienne tendant à faire une diplomatie bushienne sur le mode du qui n’est pas avec nous et contre nous.

La formule diplomatique de questions « sensibles » recoupe des sujets de divergences connus : refus de valider la classification du Hezbollah comme organisation terroriste et d’intégrer l’alliance militaire sunnite proclamée par l’Arabie saoudite.

Sans compter des divergences politiques sur le dossier syrien, Alger ayant accueilli de manière ostensible Walid al-Moualim après la reprise de la ville antique de Palmyre par les forces gouvernementales syriennes.

LG Algérie

Si la presse algérienne est en général peu amène à l’égard du régime saoudien, les responsables algériens ont toujours veillé à ce que ces divergences réelles ne prennent jamais un tour virulent. C’est d’ailleurs une des raisons qui poussent certains, en Algérie, à critiquer la « diplomatie molle » d’Alger à l’égard du régime « wahhabite ».

« Questions sensibles »

Face aux reproches émis par les saoudiens – ils ont des moyens médiatiques puissants pour le faire savoir et transmettre-, le président Bouteflika a donc envoyé un message d’apaisement. Un message « apportant des éclaircissements » au souverain saoudien, a indiqué Tayeb Belaiz, ce qui a poussé un site marocain aux aguets à s’empresser de titrer, « l’Algérie se justifie » auprès de l’Arabie saoudite.

C’est le risque du métier diplomatique où la volonté d’apaiser peut être interprétée comme un signe de faiblesse. Mais il est vrai aussi que l’Algérie n’est en plus à la diplomatie militante des années 70, le monde ayant bien changé depuis la chute du mur de Berlin.

« Les positions de l’Algérie sur ces « questions sensibles » sont « sous-tendues par son legs historique quant à la non-ingérence dans les affaires internes d’autres pays, et ne sont pas, contrairement à ce qui pourrait être perçu, une opposition à des partenaires arabes » indique le message de Bouteflika transmis par M.Belaïz.

« D’aucuns pourraient croire à tort que des positions exprimées par l’Algérie à propos de certaines questions sensibles sur la scène arabe, voire régionale, s’opposent à celles de nombre de ses partenaires arabes », mais en fait les positions de l’Algérie trouvent leur essence dans son legs historique, depuis la guerre de libération, consacrant le principe de non-ingérence dans les affaires internes d’autres pays ».

Le message, rapporté par l’APS, souligne que les positions de l’Algérie émanent de « ses Constitutions qui interdisent le déploiement des forces armées algériennes hors les frontières du pays » mais cela ne « les empêchent pas de fournir des aides considérables dans d’autres domaines ». Les positions classiques de l’Algérie sont rappelées : refus de l’ingérence, préférence aux solutions politiques et pacifiques, recours aux mécanismes de l’Onu…

Une opinion algérienne peu favorable aux saoudiens

Autant de sujet sur lesquels l’Algérie s’est retrouvée en opposition avec une Arabie saoudite fortement engagée dans le conflit syrien. Et qui est désormais engagée directement dans une guerre au Yémen et joue, de manière dangereuse, sur les clivages sectaires sunnite-chiite.

Il n’en reste pas moins que l’Algérie a éprouvé le besoin d’expliquer à l’Arabie saoudite que ses positions ne lui sont pas « hostiles » : « Même si d’aucuns croient à tort que certaines positions de l’Algérie sont en porte-à-faux avec celles de pays frères, il ne s’agit nullement de toucher à l’essence même de ses relations avec ces pays ».

Le président Bouteflika a même veillé à transmettre au souverain saoudien sa volonté de veiller « personnellement » à ce que les liens entre les deux pays « demeurent préservés en dépit des tentatives de parties malintentionnées ». A quelles parties supposées « malintentionnées » fait référence le président Bouteflika ?

La cible parait bien peu claire. Au sein de l’opinion publique algérienne, le discours sectaire anti-chiite ne passe que chez une partie des islamistes salafistes qui d’ailleurs le relaient fortement mais sans grand succès. Une bonne partie de l’opinion publique est plutôt hostile au rôle joué par les saoudiens et les pays du golfe en Syrie. Le regard majoritaire est très largement marqué par une vision géopolitique liée à l’histoire nationale.

Un rejet maghrébin

En Algérie, on n’a pas aimé que les avions de l’OTAN reviennent au Maghreb comme en Libye en 2011 et on a encore moins apprécié le désastre que les occidentaux y ont laissé. On peut même observer qu’au sein des opinions publiques au Maghreb et au-delà des gouvernements, une même vision méfiante domine à l’égard des monarchies du Golfe.

Les réseaux sociaux tunisiens, à titre d’exemple, se sont enflammés, lorsque le Conseil des ministres arabes de l’intérieur, réuni à Tunis, a adopté un texte condamne les  » pratiques et actes terroristes » du Hezbollah, accusé de vouloir « déstabiliser certains pays arabes ».

Le souci d’apaisement exprimé par l’Algérie avec un rappel ferme de ses « positions de principe » a-t-il une chance d’être accepté par un royaume devenu, depuis l’arrivée du nouveau roi et l’emprise de son fils, très vindicatif à l’égard de ceux qui ne le « suivent pas ? « .

On peut en douter. En tout cas, les parties « malintentionnées » évoquées dans le message de Bouteflika ne pèsent pas lourds devant la tendance de l’Arabie saoudite à adresser des sommations à ceux qui pensent différemment, ne considèrent pas que l’Iran est une menace, ne voient pas dans le Hezbollah un ennemi mais un mouvement enraciné dans la société libanaise.