Les derniers évènements ayant marqué (et continuent de marquer), plusieurs wilayas du sud du pays ont certes mis à nu l’échec de la politique de l’emploi prônée par les pouvoirs publics ; mais aussi a remis sur table la problématique des salaires des Algériens et étrangers dans les différentes compagnies pétrolières.
En effet, la question qui s’est posée ces derniers temps est : sur quel critère ces salaires ont-ils été fixés ? Quel est le salaire d’un étranger employé dans une entreprise algérienne ou dans une boîte étrangère établie en Algérie ?
Pourquoi une telle disparité entre les paies des expatriés et leurs homologues algériens, compte tenu de la similitude de leur poste de responsabilité, qui se chiffre à des centaines de millions ?
Certains même sont allés loin en parlant, dans certains cas, d’une discrimination entre les rémunérations fixées pour les étrangers et celles des cadres algériens ? La loi, notamment le Code du travail, est-elle, en effet, respectée ? Autant de questions qui entourent la problématique des salaires des expatriés en Algérie par rapport à leurs homologues algériens.
Ce sujet, à première vue, qui s’apparente à un secret de Polichinelle, d’autant que tout le monde, ou presque, connaît ce que perçoivent ces étrangers, accumule certaines failles, paradoxalement justifiables. En effet, la sacro-sainte règle «à travail égal, salaire égal», est, de par le monde, «légitimement» violée. En d’autres termes, les experts justifiant cette pratique se sont accordés à dire que, même du point de vue réglementaire, «rien ne l’interdit».
«Les disparités de salaires existent partout, entre les entreprises et à l’intérieur d’une même entreprise. Les salaires [dans le secteur privé] sont libres, les employeurs ne sont astreints qu’au respect des obligations légales en matière de salaire minimum et de régime social.
En ce qui concerne, en particulier, les cadres, ils font l’objet d’une négociation et cela ne relève pas de la convention collective», soutient un expert. Pis, la fixation du salaire d’un étranger relève, selon d’autres spécialistes, de la politique managériale appliquée par l’entreprise, en plus, bien sûr, du volet relatif au droit.
«Dans la pratique, les entreprises étrangères intervenant dans notre pays offrent à leurs employés expatriés la même rémunération que celle de leur pays, plus une indemnité, une sorte de complément, qui leur permet de subvenir à leurs besoins.
Certains managers de grandes sociétés étrangères installées en Algérie sont rémunérés suivant le contrat de travail, qui leur permet de transférer une partie de leurs salaires, jusqu’à 80%», a jouté la même source.
En d’autres termes, les expatriés sont rémunérés en fonction des salaires de leur pays d’origine. «Il y avait des cadres dans notre entreprise qui percevaient, à l’époque, au moins 10 000 dollars, en plus des frais de déplacement et d’hébergement», nous a déclaré, à titre d’exemple, un ex-cadre algérien du BRC.
Un autre employé dans une grande société spécialisée en agroalimentaire, basée à Béjaïa, sous couvert de l’anonymat (puisqu’il est, à présent, employé dans cette entreprise), nous a fait savoir que, lors du lancement de cette entreprise, les dirigeants ayant fait appel aux experts français ont mis le paquet pour les faire venir.
«Je me souviens que, quand les Français sont venus mettre en marche certaines machines, ils avaient exigé un salaire minimum de 8 000 euros, en plus des frais de déplacement et d’hébergement», nous a-t-il expliqué, soit, près de 100 fois plus que les salariés algériens.
LÉGALE, SELON LES UNS, DISCRIMINATOIRE SELON LES AUTRES
Pour ce qui est du côté juridique, les spécialistes admettent tout de go l’existence de ces disparités, et ils nous ont fait savoir, en vertu de la loi portant disposition du droit du travail de 1990, que les entreprises économiques, quels que soient leur nature et leur statut juridique, définissent par elles-mêmes le système de classification et le niveau de rémunération de leurs salariés.
«Les pouvoirs publics ne font que fixer le salaire national minimum garanti [Snmg]», selon les spécialistes. Les entreprises, en revanche, quant à elles, peuvent fixer, en fonction de leur capacité financière, les niveaux de rémunération qui leur siéent.
En somme, selon les mêmes sources, les pouvoirs publics, via les législations en vigueur, n’ont pas le droit de regard sur cette problématique. Une question, toutefois, s’impose : peut-on considérer ces disparités comme une discrimination ? Sur ce point, les avis des experts, encore une fois, convergent, ce qui donne essence à cette hypothèse.
«Il est vrai que la discrimination en matière de salaires existe. Elle existe aussi entre Algériens, y compris dans le secteur public», constate cet expert, à l’exemple des travailleurs de Sonatrach, ainsi que ceux qui exercent dans le milieu bancaire et sont mieux payés par rapport aux autres.
«La législation est appelée à évoluer. Beaucoup d’organisations internationales dénoncent la discrimination dans les salaires. Par exemple, dans l’accord d’association Algérie-Union européenne, entré en vigueur en septembre 2005, l’article 67 stipule l’absence de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération», souligne-t-il.
Par ailleurs, certains mettent en valeur la compétence, comme seul critère de rémunération En effet, à l’heure de la mondialisation, où les compétences sont toujours mises au premier plan, lors du recrutement, le seul et véritable critère déterminant le salaire d’un cadre, aussi bien étranger que national, demeure ses connaissances en termes de gestion et d’exécution. Sur ce point, les avis convergent e t confirment que l a compétence est le seul maître pour arrêter un salaire.
«On ramène un étranger pour ses compétences et ses qualifications, et il est rémunéré en conséquence», nous a indiqué un expert.
S. B.