Discours de François Hollande à Dakar : entre la Françafrique et Al Qaïda

Discours de François Hollande à Dakar : entre la Françafrique et Al Qaïda

Dans son discours prononcé ce vendredi à Dakar devant l’ assemblée nationale, Le président français, François Hollande a allié le devoir de mémoire et le devoir d’assistance. Affirmant que l’heure n’était plus à la Françafrique, le chef de l’Etat français a soutenu l’urgence d’une intervention militaire au Nord-Mali…

Le discours de François Hollande tenu à Dakar vendredi 12 octobre 2012 devant l’assemblée nationale donne-t-il le ton à sa visite d’Etat attendue en Algérie début décembre ? « Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un exemple, ni pour délivrer des leçons de morale. Je considère les Africains comme des partenaires et des amis. L’amitié crée des devoirs : le premier d’entre eux est la sincérité. Nous devons nous parler librement. Nous devons tout nous dire, sans ingérence, mais avec exigence. » De cette exigence de sincérité exigeante, le président français en a retenu deux sujets: un, relevant du passé exclavagiste de l’ancenne puissance coloniale; l’autre, sur les temps présents d’une Afrique en proie à d’autres terreurs, dont celle d’Al Qaïda au Maghreb islamique.

Ce discours s’est donc articulé sur deux sujets précis qui semblent, l’un, exprimer un mea culpa de la France pour son passé antérieure à la colonisation du 19ème siècle, aux traites négrières des siècles précédents. Tout en affirmant que le temps de la « françafrique est révolu », le chef de l’Etat français a tenu à souligner que « La France se souvient qu’en 1914 et en 1940, elle a pu compter sur le concours de nombreux  Sénégalais  enrôlés de gré ou de force sous le drapeau tricolore et dont le courage a permis  à la France d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Par deux fois au cours du siècle dernier, le sang africain a été versé pour la liberté du monde. Nous ne l’oublierons jamais. Cette histoire a aussi sa part d’ombre. Comme toute Nation, la France se grandit lorsqu’elle porte un regard lucide sur son passé. »

A l’île de Gorée où il s’est rendu, François Hollande a rendu hommage à la mémoire des victimes de la traite des noirs. Il a déclaré à cette occasion que « L’histoire de l’esclavage, nous devons la connaître, l’enseigner et en tirer toutes les leçons parce que l’exploitation des êtres humains continue de souiller l’idée même d’humanité. (…) J’ai décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame« .

Par cette évocation du passé esclavagiste, colonial et « françafricaine » en tant que politique néo-colonialiste de l’ancienne puissance coloniale menée en Afrique,  le président de la république française y voit non un ressassement d’un passé douloureux, mais autant de raisons à fortifier les liens et à les projections dans l’avenir entre les deux pays. François Hollande a dit ne pas ignorer « menaces » et « périls » auxquels est confronté le Sénégal (mais aussi tous les autres pays de la région) : « les crises alimentaires, les changements climatiques, les trafics de toutes sortes, les conflits, les fondamentalistes. Car nous sommes confrontés au même combat, celui de la dérive identitaire , celui du terrorisme« , ainsi énumérés par le chef de l’Etat français.

La crise malienne a constitué le deuxième sujet de son intervention après celui consacré à l’esclavagisme et au colonialisme.  François Hollande a réitéré l’engagement de la France dans le soutien intransigeant d’une intervention militaire au Nord-Mali à condition que celle-ci soit une décision menée par les Africains : « Je pense particulièrement au Mali victime de groupes extrémistes qui font régner la terreur dans le Nord. C’est votre sécurité qui est en jeu, c’est aussi la nôtre, celle de l’Europe qui connaît la valeur inestimable de la paix pour laquelle elle a obtenu aujourd’hui l’illustre récompense du Prix Nobel. »

En parlant de la situation au Nord-Mali, François Hollande n’a pas eu recours à une analyse politique, ni même cité Al Qaïda au Mghreb islamique et ses autres groupes armés. Il a énuméré des faits largement répercutés par la presse depuis l’occupation du Nord-Mali en avril 2012. Il a également mis en exergue les menaces qui pèsent sur ses ressortissants otages d’Al Qaïda; autant d’arguments qui plaident pour une intervention militaire dans cette région : « Les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre. Comment accepter ces mausolées profanés, ces mains coupées, ces femmes violées ? Comment tolérer que des enfants soient enrôlés de force dans des milices, que des terroristes viennent dans cette région pour y semer la terreur ? La France aussi, à travers ses ressortissants dans la région, a été attaquée. Le Mali a fait appel à la communauté internationale et demande un soutien. Nous devons le lui apporter, avec la Cédéao, avec l’Union africaine, avec l’Union européenne, avec les Nations-unies, car la responsabilité première reviendra aux Africains. La France apportera un appui logistique. »

Prévue début décembre en Algérie, la visite de François Hollande portera sans nul doute sur les mêmes thèmes qui sont autrement plus sujets à polémiques et vives tensions à Alger, d’autant que celle-ci intervient dans l’année du cinquantenaire de l’indépendance. La repentance exigée de la France sur son passé colonial et les divergences d’approche sur la crise malienne seront au coeur des discussions.

Sur la question de la coopération entre les deux pays en matière de lutte antiterroriste, le  ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, arrivé aujourd’hui samedi à Alger pour une visite de deux jours , l’a qualifiée d’ »excellente » entre les services algériens et français de lutte contre le terrorisme.

R.N