Diplomatie algérienne : une faillite programmée

Diplomatie algérienne : une faillite programmée

La diplomatie algérienne s’est retrouvée sans alliés dans le concert des nations. Elle s’est de fait assigné un rôle de sous-traitant au profit de la France et des états-Unis. Alors qu’elle était sans voix lors de ce qui est appelé le “Printemps arabe” et contrainte de s’aligner sur les positions rétrogrades des pays du Golfe, la crise du Sahel est venue pour entériner ce rôle de second plan de notre pays dans sa sphère géopolitique immédiate.

Jamais l’Algérie n’a été aussi vulnérable vis-à-vis de menaces potentielles contre son unité et son intégrité. Le terrorisme, entretenu par une réconciliation nationale basée sur l’impunité et une école livrée au fondamentalisme, est décuplé à la faveur d’une conjoncture régionale où le fait religieux est manipulé pour constituer le facteur de recomposition voulue par les grandes puissances.

Ce n’est pas la seule menace. Le régime algérien, qui a pour mode de gouvernance le contrôle de la société par l’entretien de conflits multiples, a fini par fragiliser tout le tissu social. Les déséquilibres régionaux, la marginalisation des populations du Sud, les manipulations dans le M’zab ou la Kabylie sont autant de “mines” qu’il suffira d’allumer en temps opportun pour l’embrasement généralisé. Personne n’est dupe aujourd’hui pour affirmer que les bouleversements qui s’opèrent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ne sont pas l’œuvre de puissances, lesquelles, sous le couvert de démocratisation encouragent une œuvre qui vise à redessiner la carte de la région en aiguisant les schismes ethniques et religieux. C’est le cas en Irak, en Syrie, en Libye et au Yémen, en particulier.  L’irruption de Daech au cœur de ces conflits n’est pas un fait des masses opprimées pour arracher des libertés mais bien le résultat d’une entreprise pensée, financée et organisée en vue d’exécuter un plan d’un nouveau contrôle de ces territoires pour sécuriser des régions pétrolifères stratégiques non loin d’un Golfe arabique déjà soumis aux intérêts américains et occidentaux en général. L’État d’Israël, jusque-là pivot de cette sécurité, est arrivé à bout de souffle sous l’effet de son rejet des droits légitimes du peuple palestinien et de la poursuite de la politique de colonisation mais aussi des pressions régionales à la fois militaires (Iran, Hezbollah du Liban, Syrie) et économico-démographiques.

À ce titre, l’instauration de micro-États religieux croupions autour de l’État hébreux lui-même peut être une planche de salut pour l’entité juive. Au moment où s’opèrent tous ces bouleversements, le pouvoir algérien est absorbé par la recherche de la caution des pays occidentaux, la France et les États-Unis en particulier, pour continuer à gouverner. Pour ce faire, deux axes sont privilégiés.

Ils se déclinent, tous les deux, sous forme d’offres : l’offre d’un marché particulièrement fourni à la faveur d’une embellie pétrolière sans précédent, d’une part, et l’offre d’une expérience dans la lutte antiterroriste, d’autre part. Cette posture qui consiste à apparaître comme un bon élève aux yeux des puissances dominantes a fait oublier les rudiments de la géopolitique à nos gouvernants.

Ni la dimension africaine de notre vaste pays, ni son appartenance à la Méditerranée n’ont été mises en valeur pour insérer le pays dans des dynamiques et des partenariats mutuellement bénéfiques. Plus encore, alors que le projet du Grand Moyen-Orient (GMO) qui visait à redessiner les États d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient jusqu’en Asie était ouvertement défendu par l’Administration Bush, le régime s’est attelé à cultiver une relation œdipienne avec les monarchies du Golfe et à privilégier les palabres dans les réunions de la Ligue arabe et un mépris pour les pays d’Afrique alors que des bouleversements s’opéraient autour d’une plus grande activité des BRIC, de la recherche par la Russie et la Chine d’une place face à la domination des États-Unis. L’isolement de l’Algérie par rapport à ce monde qui bougeait était tel que lorsqu’il avait fallu dire non au projet des Américains portant sur la confection d’une loi sur les hydrocarbures qui remettait en cause la souveraineté du pays sur notre sous-sol, c’est feu Chavez qui s’est invité à Alger pour rappeler au pouvoir algérien que son attitude de céder devant les plus puissants nuisait à tous les peuples qui aspirent sortir du sous-développement et de la misère.  La diplomatie algérienne s’est retrouvée sans alliés dans le concert des nations. Elle s’est de fait assigné un rôle de sous-traitant au profit de la France et des États-Unis. Alors qu’elle était sans voix lors de ce qui est appelé le “Printemps arabe” et contrainte de s’aligner sur les positions rétrogrades des pays du Golfe, la crise du Sahel est venue pour entériner ce rôle de second plan de notre pays dans sa sphère géopolitique immédiate. Ce rôle de sous-traitance est manifeste dans le dernier accord entre factions libyennes signé au Maroc. Le tapage médiatique fait autour du rôle de l’Algérie pour rapprocher les adversaires libyens n’a pas résisté à la volonté des Américains de mettre au-devant le Maroc. L’Algérie n’a que le choix de s’effacer. Ce qu’elle fait.

Même sur la géopolitique du pétrole…

Depuis bientôt deux années, tous les experts et les organismes sérieux notent que la probabilité d’un scénario dans lequel les prix des hydrocarbures pourront entamer un redressement est quasi nulle. Les bouleversements en cours dans toute la sphère du Proche et du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord d’une part, les besoins vitaux internes du maintien du niveau de la production en Russie, l’exploitation accrue du charbon et une plus forte diversification des sources d’énergie en Europe ne sont pas de nature à stabiliser l’offre en gaz et pétrole à des niveaux qui peuvent inciter les acteurs du marché à envisager une perspective de relative rareté et donc une revalorisation des prix. La décision insensée de l’expérimentation de nouvelles techniques d’extraction des huiles de schiste par les firmes américaines dans le Sud algérien est un autre signal en faveur de la poursuite de la baisse des prix. En définitive, la politique internationale d’un État est le prolongement de la gouvernance interne. Frappés d’une illégitimité populaire, les dirigeants algériens se sont attelés à des concessions économiques et de souveraineté pour compenser le recours aux fraudes électorales, à la répression et aux atteintes récurrentes aux droits de l’Homme. Dans ce contexte, le RCD estime que le régime a hypothéqué le développement du pays malgré des opportunités économiques et financières indéniables. Les positionnements internationaux dictés par la pérennité du système ont fini par dévaloriser nos potentialités et brouiller la visibilité des orientations traditionnelles de la diplomatie algérienne héritées de la lutte de Libération nationale et des aspirations du peuple algérien à la justice et à l’émancipation. Pourtant, dans un monde qui bouge, il est toujours possible d’inscrire notre pays dans une dynamique qui met en avant ses multiples atouts comme les ressources naturelles, son immensité et sa place géographique ainsi que les aspirations de sa jeunesse à s’insérer dans la modernité. Devant l’impasse historique du régime, il s’agit d’œuvrer pour l’avènement d’une transition pacifique et démocratique afin de mettre en place des institutions fortes, crédibles et pérennes qui sauront promouvoir les intérêts de l’Algérie et de son peuple.

A. B.

Secrétaire national aux Relations internationales et aux Institutions, RCD