Tout comme dans les quartiers européens investis par les filières criminelles de l’Europe de l’Est, la ville d’Oran n’est pas en reste.
«Tbedel devise khouya». Une telle phrase résonne aux oreilles de chaque passant traversant la rue Kerras-Aouad, située en plein coeur de la deuxième ville du pays, Oran. Elle est lancée par les détenteurs des petites boutiques qu’ils ont ouvertes dans le but exclusif de détourner les regards des curieux sur leurs activités illégales: l’achat et la vente des devises. Pour ce faire, ces petits commerces proposent des cosmétiques et produits de beauté et autres objets à des prix abordables.
La domiciliation d’une telle activité illégale et sévèrement réprimée par la loi dans ladite rue n’est sûrement pas un simple fait du hasard, vu la sécurisation totale des lieux abritant le secteur urbain Emir Abdelkader et le consulat d’Espagne.
La rue liant la rue Larbi Ben M’hidi à la rue Khemisti n’est pas du tout discrète, vu la circulation automobile et piétonnière la marquant tout au long de la journée. Mais rien d’offensif n’affecte les gérants de ces petits «bureaux de change» proposant l’achat et la vente de toutes les devises, allant de l’euro le plus demandé jusqu’au petit dollar américain. Il s’agit là d’un marché parallèle qui a, pendant de longues années, échappé à tout contrôle. Il a trouvé un terrain d’exercice en toute impunité, faute de bureaux de change officiels et de réglementation devant régir une telle activité et réprimer la fraude.
A quelques pas du consulat d’Espagne, hautement surveillé par les policiers de la sûreté de wilaya d’Oran, des dizaines de transactions sont impunément conclues journellement. C’est d’une eucharistie à la fois incroyable et intelligible que l’acheteur et le vendeur se mettent en pleine symbiose avant de passer à la transaction lorsque le boutiquier s’adresse d’un ton presque inaudible en annonçant au passant, dont les oreilles sont aux aguets, qu’il pourra faire l’affaire qu’il recherche.
Un petit sifflement est suffisant pour passer à l’intérieur de la petite boutique, certes silencieuse et exigüe, mais qui est semblable à une grande banque vu ses petits coffres difficiles à ouvrir. Mieux, ces boutiques sont dotées de toutes les machines ultramodernes comme les petites caméras de télésurveillance à peine visibles installées dans tous les coins du comptoir. Ce n’est pas tout. Ces «bureaux de change» sont également dotés de tous les moyens, leur évitant une éventuelle arnaque. Il s’agit de ces petits stylos et autres appareils comptant et détectant les faux billets. En un clin d’oeil, la transaction est conclue, le vendeur de la devise ressort avec plusieurs liasses de billets locaux après avoir déposé les petits euros ou encore les petits dollars dont il a négocié la valeur d’échange avant de les déposer sans fracas ni vacarme. Dans toutes ces opérations qui sont effectuées à longueur d’année, ces petits employés gérant ces petits espaces ne se soucient guère. Car ils sont à l’avance rassurés qu’ils sont aussi sécurisés que leurs clients. Le même scénario est de visu perceptible dans l’autre versant de la ville, Mdina Djedida et Sidi Blel. Dans ces deux quartiers, la vente et l’achat des devises sont effectués à ciel ouvert. Des jeunes, avec à la main d’importantes liasses de billets, vont dans tous les sens pour interpeller les passants et leur proposer leurs services en toute…quiétude. Tout comme dans les quartiers européens investis par les filières de l’Europe de l’Est spécialisées dans les activités interdites comme le proxénétisme, la prostitution, la traite humaine et le trafic des billets, la ville d’Oran n’est pas en reste.
La sécurité des transactions est hautement assurée par des «vigiles» cachés dans des voitures discrètes stationnées à proximité des lieux des transactions, pour se mettre à l’abri des regards et des suspicions. Ces hommes interviennent en force et rapidement au moindre imprévu pour mettre de l’ordre avant de relancer tout de go l’activité…commerciale. Qui est donc derrière ces centaines d’opérations qui continuent à asséner des coups durs à l’économie nationale? S’agit-il d’un réseau international bien structuré qui a pour but d’affaiblir l’économie nationale? La réponse n’est contre toute attente pas pour demain tant qu’aucune enquête avancée n’a été menée en ce sens.