La situation s’envenime en Syrie. Une vidéo a fait le buzz hier sur les réseaux sociaux, montrant la liquidation de l’éminent théologien syrien, cheikh Mohamed Saïd Ramadhane Al Bouti, le 21 mars, dans ce qui semblait être un attentat-suicide dans la mosquée Al Imane.
Le cheikh ne serait pas mort dans l’explosion qui le visait mais aurait été achevé tout de suite après la déflagration. Une vidéo «prouvant» l’implication du pouvoir syrien dans l’exécution du cheikh selon certains, mais qui n’est qu’un vulgaire montage pour d’autres.
Hier, la vidéo s’est répandue comme une traînée de poudre sur la toile. Diffusée par des internautes sur les réseaux sociaux et aussitôt reprise par les sites internet de médias arabes, elle est d’abord présentée comme «une preuve irréfutable de la liquidation du cheikh Mohamed Ramadhane Al Bouti par le régime syrien». Les images, de faible qualité, d’une caméra placée en face du minbar montrent cheikh Al Bouti donnant un cours avant que ne se survienne une «petite» déflagration. Le cheikh est bousculé mais bien vivant.
On le voit se redresser mais surtout remettre en place sa «amama» (turban) de ses deux mains. Un homme, difficilement identifiable, montré de dos, court vers l’ouléma et le cache de la caméra. Cheikh Ramadhane Al Bouti tombe sur le côté.
Il saigne de la tempe gauche et de la bouche. L’homme est visiblement mort. L’action ne dure que quelques secondes et semble montrer l’exécution d’une balle dans la tête du cheikh Al Bouti. Les opposants au pouvoir syrien voient dans ces images la preuve de l’exécution du cheikh, «devenu encombrant» selon eux, dans une «opération chirurgicale» menée par le pouvoir en place.
L’attaque contre la mosquée d’Al Imane portait la signature de l’opposition armée mais n’avait pas été revendiquée. Beaucoup y voyaient déjà l’œuvre du «régime» : les dégâts matériels avaient été jugés minimes par rapport au nombre de victimes presque toutes blessées à la tête. Les partisans de l’opposition armée y sont allés hier de leur propre explication.
«Une opération dûment étudiée»
Selon le site Médiarabe, Cheikh Al Bouti aurait refusé d’émettre une fatwa appelant au jihad en Syrie contre les opposants et envisageait de «fuir» le pays, ce pourquoi il devait être liquidé. Les autres victimes de l’attaque auraient été abattues afin d’éliminer les témoins.
«Une opération dûment étudiée afin de faire porter le chapeau à l’opposition et la discréditer». Des informations pour le moins impossibles à vérifier et réfutées en bloc par les autorités syriennes. La télévision d’Etat n’a pas perdu de temps pour dénoncer la «propagande» de la chaîne d’information continue saoudienne Al Arabya, première chaîne à diffuser la vidéo. Cette dernière ne serait qu’un montage.
Un montage «grotesque», selon des internautes qui ont «démontré» que les images n’ont pas été filmées à l’intérieur de la mosquée mais à partir d’un écran. Des vidéos expliquant le procédé de montage-vidéo utilisé ont également été postées. D’autres s’interrogeaient.
Pourquoi le pouvoir syrien recourrait à l’exécution de l’éminent théologien pour salir l’image de l’opposition ? Des images des exactions de l’Armée syrienne libre (ASL), composée de déserteurs, de mercenaires étrangers et de terroristes d’Al Qaïda inondent le Net. Exécutions sommaires, décapitations menées par des adolescents ou encore des opposants à l’ASL brûlés vifs, des actes d’une rare barbarie sont ainsi filmés, revendiqués et régulièrement postés sur Internet par l’opposition armée.
Cheikh Al Bouti est mort le 21 mars dernier alors qu’il donnait un cours à la mosquée d’Al Imane, dans le quartier Al Mazraa, à Damas, dans un attentat ayant fait 49 morts et pas moins de 90 blessés. Théologien sunnite de renom, il était respecté dans tout le monde musulman. Depuis le début de la crise syrienne il y a deux ans, il n’a de cesse appelé au dialogue et à bannir le recours à la violence, ce qui lui a valu des accusations d’avoir pris le parti de Bachar Al Assad.
Des fatwas avaient également été émises, notamment par Youssouf Al Qaradaoui, appelant au meurtre des savants s’opposant à l’ASL, faisant allusion à l’éminent imam. Depuis sa mort, la situation semble de plus en plus chaotique en Syrie où la population,ne sait plus qui tue qui ni pourquoi.
M. B.