Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales a réuni hier à Club des Pins près d’Alger les walis et les walis délégués des régions frontalières du pays. Ce rassemblement de « préfets » et de « sous-préfets »
initié par le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, a été organisé sous le signe du développement économique et de l’aménagement des territoires et des espaces-frontières de l’Algérie. Il n’a pas manqué cependant d’être marqué par d’autres dossiers dont celui de la sécurité et de la lutte contre les formes de criminalité propres aux zones de proximité avec les pays voisins – contrebande, banditisme, narcotrafic – sans compter la migration clandestine et ses conséquences.
Les travaux de cette rencontre ont eu lieu au centre international des conférences (CIC) Abdellatif Rahal. Ils ont réuni une douzaine de walis et des walis délégués en charge de wilayas frontalières, de ministres du gouvernement, ainsi qu’un panel d’experts nationaux et étrangers. Au total, ce sont quelque 400 participants qui se penchent jusqu’à aujourd’hui dimanche sur la problématique des zones-frontières du pays et du rapport avec les pays du voisinage. Les relations avec ces pays, a indiqué le ministre de l’Intérieur en ouverture des travaux, sont «stratégiques». «Nous veillerons à renforcer (avec eux ndlr) la coopération économique et commerciale», a ajouté Noureddine Bedoui. Son intervention, rappelle-t-on, intervient peu de jours après un déplacement important à Tunis, capitale d’un pays voisin qui cherche avec l’Algérie les moyens de mutualiser leurs moyens pour faire de leurs régions frontalières des zones de co-développement et de création de richesses, meilleure arme contre le trafic et le crime transfrontalier dans sa diversité.
Elle intervient également après la tenue récente de la réunion du comité Algérie-Niger, un autre pays voisin, parmi les plus pauvres au monde et avec lequel l’Algérie fait face à des défis sensiblement différents : il s’agit comme le Mali d’un pays subsaharien pourvoyeur de migration dont les acteurs, quand ils ne parviennent à gagner la rive sud de l’Europe, cherchent à s’installer sur le sol national. Un pays dont la frontière désertique et poreuse est plus difficilement contrôlable et qui fait également face à une pression sécuritaire importante du fait de l’existence de groupes terroristes armés de diverses obédiences, djihadistes le plus souvent, et de réseaux criminels de passeurs et de spécialisés dans le trafic des humains. L’approche suggérée hier par le ministre de l’Intérieur est que la meilleure façon pour les régions frontalières de faire face aux défis du développement et de la sécurité est de se créer leurs propres opportunités à partir des atouts qu’elles possèdent. Difficile d’y croire dans un système algérien hyper centralisé, mais la décision de revoir le schéma administratif des territoires du pays et la création d’un nombre de plus en plus important de wilayas déléguées indique que les autorités cherchent au moins une déconcentration des pouvoirs avant de songer, à terme, à une décentralisation réelle. « Les wilayas du Sud doivent prendre en main leurs destins, et ce, selon leurs capacités. Il est temps de libérer les énergies apte à générer de la richesse et de la valeur ajoutée dans les zones frontalières », a déclaré à ce propos Noureddine Bedoui, non sans écho aux revendications récurrentes d’une part du «développement» comme à Ouargla.
L’exemple du couloir algéro-mauritanien…
Dans ce sens, il a insisté pour dire que « le wali délégué a une grande importance » et que la création de wilayas déléguées dans le cadre du découpage administratif en vigueur n’est pas fortuite. Il répond à des objectifs et des considérations de développement, a expliqué le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales. Noureddine Bedoui est allé plus loin en « pointant » les défis imposés par « l’explosion démographique et les besoins des régions des Hauts Plateaux et du Sud en matière d’emplois et de création de richesses » ; et de création de nouveaux pôles urbains – de «grandes villes»- pour soulager le nord du pays de la pression grandissante qu’il subit en matière de population. Des chantiers dont la réussite dépend de l’implication et de l’efficacité des élus locaux, ont expliqué des intervenants selon lesquels les maires et les édiles doivent cesser d’être de simples fonctionnaires administrateurs pour évoluer vers un rôle d’agent économique… Pour ces intervenants, dont le discours fait tout de même rêver tellement les réflexes d’inertie sont tenaces, les APC doivent «s’adapter aux nouvelles exigences économiques et devenir des pôles d’attraction des investisseurs afin d’assurer leur indépendance financière, relancer l’activité locale et créer de la richesse afin de fixer les populations frontalières et les désenclaver».
Il s’agit de faire des régions-frontières des zones de commerce et d’ouverture comme l’a encore indiqué le ministre de l’Intérieur qui s’est réjoui de la mise en service récente du passage frontalier entre l’Algérie aux confins de la wilaya de Tindouf avec la Mauritanie.
Ce passage, a-t-il dit, «nous ouvre de nouveaux horizons stratégique et fructueux vers l’Afrique».
Pour des experts rencontrés au centre Abdelatif Rahal, l’inauguration d’un poste frontalier entre l’Algérie et la Mauritanie augure d’une nouvelle stratégie de l’Algérie pour ses frontières : cette stratégie jusque-là marquée du sceau de la sécurité – comme il en est question des zones de voisinage avec la Libye, pays en crise politique et sécuritaire aiguë, et le Maroc avec lequel on partage une frontière fermée, l’une des plus longues au monde (plus de 1500 km)- cherche des perspectives dans l’économie et le commerce.
L’impératif de sécurité y est toujours présent, mais ce qui est recherché, au fond, c’est d’atteindre l’horizon africain, promis à une croissance économique digne des pays émergents.