Entre la «timidité du géant allemand», plus enclin à gérer les problèmes de l’Europe dont il est le moteur économique qu’à faire valoir son véritable poids sur l’échiquier politique mondial, et le «peu d’intérêt qu’accorde l’Algérie à son image» et qui voit le Nord plutôt avec des lunettes françaises, il y a des liens beaucoup plus avantageux qui restent à nouer entre les deux pays.
Dans une conférence organisée hier à l’hôtel Hilton d’Alger par l’Institut national des études stratégiques globales, l’ancien conseiller diplomatique, sous le chancelier allemand Helmut Kohl, Joachim Bitterlich, a analysé la politique maghrébine de l’Allemagne. Une analyse qu’il a inscrite dans une critique de la politique étrangère de son pays, une politique qui ne reflète pas le poids de ce géant européen.
M. Bitterlich, qui enseigne actuellement à l’Ecole supérieure de commerce de Paris, a ainsi estimé que ses compatriotes en Allemagne ne connaissent pas l’Algérie : «Pour les Allemands, l’Algérie est un no man’s land ou une terre inconnue. Elle ne figure que dans très peu de témoignages et autres travaux scientifiques, même si les premiers témoignages remontent à la guerre de Libération, je citerai le témoignage du colonel Muller, un légionnaire de l’armée française qui avait changé de camp pour combattre au sein des unités de l’ALN. Elle doit être beaucoup plus active en Allemagne pour se faire connaître et faire comprendre aux politiques allemands son rôle stabilisateur dans la région.»
Dans ce contexte, il a insisté pour que l’Algérie prenne l’Allemagne avec beaucoup plus d’intérêt afin de consolider ses relations avec l’Union européenne : «Sans vouloir donner des leçons ni vexer l’Italie et l’Espagne sur lesquelles l’Algérie s’appuie dans sa relation avec le Vieux Continent, il est primordial pour elle, si elle veut influencer la future Europe, de consentir plus d’efforts afin de se faire connaître auprès de l’Allemagne et la Pologne, deux pays qui constituent, avec la France, l’épine dorsale de l’Europe.» De même qu’il a invité l’Allemagne à sortir de sa réserve : «Elle est le moteur économique de l’Europe — quelque part en raison de la faiblesse de la France. Sa politique étrangère est néanmoins moins osée en dehors de l’Europe.
Elle se contente là où elle se trouve et, au-delà du soutien économique qu’elle apporte aux exportations, la diplomatie allemande ne cherche pas à jouer un rôle plus important.» Et de conclure : «L’Allemagne doit assumer ses responsabilités et son poids dans le monde. Mais, avec l’Algérie, qui continue à voir le Nord avec des lunettes françaises, je dirai que les deux parties doivent faire les pas nécessaires pour développer leurs relations bilatérales. »
L. H.