Le dernier rapport de l’Agence internationale de l’Energie et une synthèse récente réalisée par un cabinet d’analyses américain sur les perspectives énergétiques mondiales dans les prochaines années ne pourront pas passer inaperçus chez nos gouvernants.
Au-delà des chiffres et des volumes de production et de consommation, voire même des capacités et des réserves, c’est plutôt l’hypothèse forte d’un changement grandissant dans la configuration même du secteur énergétique qui semble donner des inquiétudes et quelques angoisses.
Avec l’avènement du gaz de schiste, le développement de nouvelles consommations basées sur les énergies renouvelables, rajoutées aux limites actuelles des pays de l’OPEP, il est pratiquement sûr que les prix du baril risquent de connaître une stagnation plus ou moins longue.
Cette stagnation sera fatale aux investissements directs sur le secteur de l’énergie, comme le prévoient certains experts. Mais la stabilité des prix du brut autour d’une fourchette vacillant entre 100 et 110 dollars le baril sur plusieurs années aura également des conséquences directes sur les économies des pays petits et moyens producteurs, comme l’Algérie.
Avec l’évolution croissante des dépenses dans le fonctionnement et les équipements, ainsi que la montée vertigineuse des importations, le gouvernement algérien risque de revoir complètement sa manière de gérer le budget. Au niveau du département des Finances, les experts estiment que la prudence doit être désormais l’une des règles fondamentales dans l’élaboration des futurs budgets. Cela doit commencer par la loi de Finances de 2014.
Selon ces sources, il n’est pas exagéré de dire que les pouvoirs publics doivent dès maintenant associer d’autres acteurs politiques et sociaux dans l’élaboration de toute politique économique ou un programme national d’envergure. Pour eux, «la rigueur n’est pas l’austérité», d’autant que tous les indices extérieurs de la situation économique mondiale, notamment régionale, n’incitent guère à l’optimisme.
Ce n’est sans doute pas par hasard que le ministre des Finances, Karim Djoudi, a déclaré tout récemment que le gouvernement devrait geler pour quelque temps les salaires et reporter certains projets d’infrastructures pour éviter les séismes futurs d’une crise probable ou d’une baisse dans les cours du brut.
Une déclaration sous forme d’avertissement et un signal d’alerte sur le niveau atteint par nos dépenses et nos déficits, mais qui dénote surtout un éveil et une certaine prise de conscience sur les dangers qui nous guettent.
Pour nos sources, il n’est pas question de jouer à l’alarmisme, mais il faudra que certaines instances des pouvoirs publics préparent l’opinion publique sur la question. Un effort de communication qui devra s’étaler sur des mois, et auquel d’autres acteurs sociaux pourraient bien y participer.
Dans cette optique, d’autres économistes suggèrent de revivifier le fameux pacte social et économique, avec pour en toile de fond la signature d’un accord global entre le gouvernement, le patronat et les syndicats pour le gel de toute revalorisation des salaires et, en contre partie, le renforcement des mécanismes de contrôle et de régulation des prix des produits de large consommation.
Parallèlement à cette démarche, les pouvoirs publics doivent surtout être davantage présents dans sa lutte contre l’informel et contre l’inflation pour éviter les dérives et les menaces sur les pouvoirs d’achat.
D’un autre côté, une rigueur doit être imposée sur les dépenses de l’Etat et surtout chez les collectivités locales, notamment dans certains chapitres non essentiels dans le bon fonctionnement des institutions. En quelque sorte, un sursaut national et un engagement à moyen terme.
Chez les politiques, la création d’un «front commun» de lutte contre la crise exige surtout la création d’un climat politique sain. Or, le débat fermé sur la révision constitutionnelle, l’opacité qui entoure ce dossier et la prochaine élection présidentielle et le flou qui caractérise la doctrine économique nationale n’incitent guère à la conjugaison des efforts de toutes les sensibilités, ni à préparer le terrain à une rigueur économique et à la mise en place de nouvelles règles prudentielles.
Pour nos politiques, il faudra davantage de transparence, de communication sur les intentions du pouvoir pour convaincre tous les acteurs à intégrer une nouvelle démarche ou un autre plan national d’austérité ou de rigueur. Ce débat ne semble guère être aujourd’hui la priorité de nos politiques, ni de nos gouvernants.
Ces derniers, victimes d’une accumulation de déficits sociaux et de chantiers non démarrés jouent beaucoup plus aux sapeurs pompiers, font dans l’urgence et cherchent à gagner du temps. C’est un débat que personne ne semble vouloir ouvrir. Sauf peut-être notre argentier Djoudi, mais en des termes forts timides.
H. Rabah