La situation à Siliana s’est embrasée vendredi soir. Le président tunisien, qui craint lui aussi une nouvelle révolte populaire, appelle à la formation d’un nouveau gouvernement.
Au vu du degré inquiétant qu’ont pris les événements dans cette région, l’armée tunisienne s’est déployée vendredi soir à Siliana, où des heurts opposent depuis quatre jours policiers et manifestants. Mieux, le président Moncef Marzouki a réclamé la formation d’un gouvernement restreint à même d’endiguer l’instabilité du pays.
Les prochains jours promettent d’autres rebondissements et feront couler beaucoup d’encre. Vendredi, après plusieurs heures d’affrontements entre les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes, et les manifestants, armés de pierres et de cocktails Molotov, l’armée s’est vite déployée sous les hourras de la foule. “Un accord est intervenu entre les syndicats et des responsables de l’armée pour le retrait de la police et la prise en charge (de la sécurité) par les militaires”, a affirmé Néjib Sebti, secrétaire général régional de l’UGTT, le principal syndicat tunisien.
Quasiment le même scénario qui s’est produit en Kabylie, il y a plus d’une décennie. En début de soirée du vendredi, des tirs de gaz lacrymogènes ont à nouveau retenti, alors que des manifestants cherchaient à s’approcher d’un important poste de police. Pendant ce temps, les policiers et gardes nationaux effectuaient des patrouilles.
Lors de son intervention télévisée, le président Moncef Marzouki s’est vivement inquiété du risque d’instabilité dans le pays, après la vague de violences qui a fait quelque 300 blessés à Siliana, ville déshéritée dont les habitants réclament, comme à l’époque de la révolution, de meilleures conditions de vie. Il a carrément appelé à la formation d’un gouvernement restreint, alors que les manifestations d’habitants excédés par la misère dégénèrent en violences régulièrement. “L’intérêt de la Tunisie nécessite aujourd’hui un gouvernement restreint et efficace regroupant les compétences”, a-t-il dit à la télévision. “Nous n’avons pas une seule Siliana (…) j’ai peur que cela se reproduise dans plusieurs régions et que cela menace l’avenir de la révolution”, a-t-il dit, notant le décalage entre les “attentes immenses” de la population et “le rendement du gouvernement”. M. Marzouki n’a pas le pouvoir de remanier le gouvernement, seul le Premier ministre, Hamadi Jebali, issu du parti islamiste Ennahda, majoritaire à l’Assemblée nationale constituante (ANC), en a les prérogatives. Des habitants de Siliana prévoyaient d’aller manifester samedi, toujours pour obtenir le limogeage du gouverneur et un plan de développement régional. Une vaste manifestation avait rassemblé dans le calme, vendredi matin, des milliers de personnes pour une marche “symbolique”. La lutte contre la pauvreté et la fin de l’arbitraire policier étaient déjà les revendications phares de la révolte populaire de janvier 2011. à l’étranger, les diplomates ont exprimé de premières inquiétudes. La France a fait part de sa “préoccupation” face au “nombre élevé de blessés”, tandis que le Haut commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme a condamné “le recours excessif et disproportionné à la force” par les policiers, en référence aux tirs de chevrotine qui ont fait des dizaines de blessés mercredi. Ces nouvelles confrontations interviennent à l’approche du deuxième anniversaire, le 17 décembre, du début de la révolte populaire, déclenchée par l’immolation d’un vendeur ambulant de Sidi Bouzid, consommateur de drogue et d’alcool.
Outre les manifestations sociales, les attaques menées par des groupuscules salafistes se sont multipliées ces derniers mois en Tunisie. Parallèlement, le pays est plongé dans une impasse politique, sans aucun compromis en vue sur la future Constitution.
I. O