Deuxième sommet Kim-Trump: Jeux d’ombre chinoise

Deuxième sommet Kim-Trump: Jeux d’ombre chinoise

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La Chine s’efforce de conduire la Corée du Nord vers une dénucléarisation pragmatique, dont les avantages seraient à la fois économiques et stratégiques pour la péninsule asiatique.

C’est son habitude, Kim Jong Un voyage à bord du train blindé qui l’emmène cette fois vers le Vietnam, et plus particulièrement Hanoï, où doit avoir lieu les 27 et 28 février le deuxième sommet entre le dirigeant nord-coréen et le président américain Donald Trump. Un périple de 4000 km avec une cadence de quelque 80 km/h imposée par la nature des zones traversées dont la famille Kim a l’habitude puisque son grand-père, Kim Il Sung, fondateur du régime, et son père Kim Jong Il n’avaient pas d’autre périple que ferroviaire pour se rendre, notamment, en Chine.

C’est d’ailleurs en passant par celle-ci, du côté de la ville de Dandong, que le convoi blindé a donné le signal du grand départ. Au Vietnam où doit se dérouler le second rendez-vous historique, c’est le branle-bas de combat. Passées les multiples spéculations sur la venue ou non du leader nord-coréen, dont les déplacements ne sont jamais annoncés à l’avance, les autorités déploient des trésors de préparatifs pour assurer le succès de la rencontre entre deux hommes particulièrement imprévisibles.

Des escouades de militaires ont été déployées sur près de deux cents km en direction de la capitale et des routes ont été fermées à la circulation car Kim Jong Un doit effectuer une partie du trajet jusqu’à Hanoï à bord d’un véhicule, blindé évidemment. Les observateurs s’échinent à anticiper l’itinéraire et les conditions de son exercice et c’est ainsi qu’on apprend que Kim Jong Un ne fera pas d’escale à Pékin, après 13 heures de parcours depuis Pyongyang puisqu’il n’y a aucune mesure de sécurité particulière dans la gare centrale et ses environs. Ce qui n’exclut pas qu’au retour du Vietnam, Kim Jong Un pourrait s’arrêter à Pékin afin d’informer le président chinois Xi Jinping sur ses entretiens avec Donald Trump.

Lors du sommet de Singapour, le leader nord-coréen n’a pas eu d’autre choix que de voyager dans un avion mis à sa disposition par Xi Jinping qu’il a d’ailleurs remercié avec une visite à Pékin quelques jours plus tard. Aux «experts» qui voient dans le périple ferroviaire le signe d’une «indépendance», ou d’une quelconque prise de distance de Kim Jong Un vis-à-vis de son puissant allié, force est de dire que le délire sombre parfois dans l’idiotie. Pékin joue, depuis le début des contacts entre Pyongyang et Washington, une partition clé.

La Chine s’efforce de conduire la Corée du Nord vers une dénucléarisation pragmatique, dont les avantages seraient à la fois économiques et stratégiques pour la péninsule asiatique. Il y a eu des nuages dans les relations bilatérales lorsque Kim Jong Un était en plein élan nucléaire, sourd aux appels de la communauté internationale, de sorte que Pékin a voté en faveur des sanctions internationales contre la Corée du nord. Sanctions dont elle réclame la levée progressive en échange d’une dénucléarisation complète, rejoignant en partie les desiderata des Etats-Unis. C’est dire si aucun résultat probant n’aurait été possible sans la Chine et cela le président Donald Trump le sait mieux que quiconque.

Les rapports entre Kim Jong Un et Xi Jinping se sont considérablement réchauffés en 2018, sachant que la Chine reste l’allié principal de la Corée du Nord qui tire une large partie de ses ressources de cette coopération soutenue. Paramètre déterminant pour que les progrès attendus au sommet de Hanoï soient à la mesure des objectifs de Pékin qui n’a jamais marchandé son soutien à Pyongyang depuis la guerre de Corée (1950-1953). En s’y rendant pour son tout premier voyage à l’étranger, en mars 2018, Kim Jong Un a intelligemment brisé la glace, scellant avec Xi Jinping qu’il a rencontré trois fois depuis, un deal vital pour son économie et sa survie politique au cas où les négociations avec Donald Trump échouent lamentablement.

Sa dernière visite à pékin a eu lieu le mois dernier et c’est donc sur un fond d’ombre chinoise qu’il va rencontrer le président américain, dans une terre hautement symbolique, celle du Vietnam de Ho Chi Min.