Ils sont tous deux diplômés de l’École nationale d’administration (ENA). C’est bien là le seul point commun entre les deux hommes. Tout semble opposer Abdelmalek Sellal, le tout nouveau Premier ministre, à son prédécesseur, Ahmed Ouyahia.
Dans les styles de gouvernance tout comme dans leur profil, les deux commis de l’État s’illustrent par des approches différentes. Sellal est un homme flexible et souple. Il n’est pas radical dans sa manière de gérer des situations et des problèmes qui se posent au pays, contrairement à son prédécesseur qui, lui, est intraitable et intransigeant.
Dimanche dernier, à deux jours de sa nomination, Sellal qui était l’invité du forum hebdomadaire de Liberté en a donné la preuve. Questionné sur sa position par rapport aux chauffeurs de taxis qui ont tendance à outrepasser les lois de la République en imposant leur propre volonté aux citoyens, Sellal a eu une attitude conciliante : “Vous ne pouvez pas obliger les gens à faire quoi que ce soit. Le bâton n’est pas le meilleur moyen”, a-t-il dit. Dans pareille situation, Ouyahia il aurait tout simplement opposé la force publique en promettant de sévir. C’est d’ailleurs une démarche récurrente chez l’actuel patron du Rassemblement national démocratique (RND). L’on se rappelle à ce propos sa présentation à la déclaration de politique générale du gouvernement à l’Assemblée populaire nationale (APN) le 31 octobre 2010 où il a dénié le droit aux citoyens contestataires de barrer les routes. Le même jour, le Premier ministre a été très critique à l’endroit des travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (Snvi) qui revendiquaient une augmentation salariale. “Ne demandez pas et ne revendiquez pas l’impossible et arrêtez de faire grève sur grève”, a-t-il lancé, avant de trancher : “C’est la dernière chance pour les sociétés algériennes.” “Autrement dit, la prochaine étape est la fermeture”, avait menacé Ouyahia.
Dimanche dernier, en réponse à sa position par rapport à la décision du gouvernement d’éradiquer l’informel, Sellal s’est montré compréhensif par rapport aux vendeurs à la sauvette : “Vous savez, nous sortons de 10 ans de terrorisme, dans des conditions normales on aurait pu passer tous comme on est devant le médecin”, a-t-il fait observer. Le profil psychologique sépare ainsi les deux hommes : Ouyahia hautain, rigide et à la certitude inébranlable. Ses discours prennent toujours un caractère officiel même quand il s’exprime en son nom personnel ou en sa qualité de chef de parti. L’autre point opposant Sellal à Ouyahia est dans la teneur et la durée des discours. L’ancien Premier ministre est connu pour ses longs discours accompagnés de chiffres qui ont tendance à dérouter y compris les experts.
À contrario, Sellal opte pour des discours brefs et incisifs. Sa dernière intervention au forum de Liberté a également cet aspect de sa personnalité. En ce sens qu’il a fait un balayage du bilan de son secteur en seulement vingt minutes avec seulement peu de chiffres à la clé. Un autre trait de caractère séparant les deux hommes : l’humour. Sellal est en effet connu pour ses anecdotes. En juillet 2005, l’ancien ministre des Ressources hydriques avait promis aux Canadiens, chargés de réaliser le barrage de Taksebt à Tizi Ouzou qu’“ils seront mariés à des Algériennes s’ils terminaient les travaux de construction avant les délais requis”. À l’occasion d’une discussion avec les maîtres de l’ouvrage, il leur a lancé : “Je sais que vous êtes mariés à des Marocaines, mais les Algériennes sont plus charmantes.” Ouyahia, quant à lui, préfère la raillerie.
En effet, lors de son dernier passage à l’APN, Ouyahia qui a été fortement critiqué dans sa gestion par les députés du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) leur a rendu la pareille en ciblant leur chef de parti, Saïd Sadi qui venait d’éditer le livre Amirouche, un testament, deux morts. “Je vénère Boumediene” avait-il lancé, avec un sourire narquois, à l’auteur du livre qui avait dénoncé l’ancien président de la République.
N.M