Le rap, plus politique, n’hésite pas à s’attaquer aux gouvernants dans un langage cru, souvent en usant du parler populaire, en arabe, en kabyle, en français ou en anglais. La contestation fait même partie d’un mode de vie.
Mostaganem organise depuis lundi dernier la 10e édition du festival national de rap et de hip hop.
Le festival qui s’étale sur six jours réunit 21 groupes de rap et de hip hop issus des wilayas d’Alger, Bejaia, Bordj Bou Arreridj, Djelfa, Oran, Tizi-Ouzou et Relizane. Six prix départageront les groupes en compétition, qui sont au nombre de 13. Le hip hop et le rap (ce dernier est une sous-division du premier), sont apparus en Algérie au début des années 1990.
Depuis, ils ont franchi un pas de géant vers la consécration. La réaction première de la sphère officielle aura été d’abord de reléguer cette nouvelle expression artistique, et qui plus est née aux Etats-Unis et en Europe, à la marge.
Dès l’abord quelque part on avait convenu que cet art contestataire osé et exécuté sur fond de danse urbaine ne recoupait pas les valeurs locales. Certains médias lui ont tourné le dos mais c’était sans compter sur le succès qu’allait rencontrer le genre auprès de la jeunesse. Le rap, plus politique, n’hésite pas à s’attaquer aux gouvernants dans un langage cru, souvent en usant du parler populaire, en arabe, en kabyle, en français ou en anglais.
La contestation fait même partie d’un mode de vie. On conteste en dialectal pour éviter de parler la langue de bois des officiels. Il ne pas faut oublier que le hip-hop né dans les faubourgs noirs de New York, au-delà des expressions chorégraphiques (break, smurf…) dont il est porteur, prend en compte également la peinture (tag et graffiti), les codes vestimentaires et les attitudes comportementales inhérentes à une culture hip hop qui prône la non violence, l’éducation physique, la non consommation de la drogue etc.
Le rap véhicule pour ainsi dire une musique plus universelle, qui même si elle se revendique d’une spécificité nationale, n’en revendique pas moins une esthétique plus hybride, plus universelle, en un mot plus mondialisée qui perpétue un idéal, celui de vivre dans un monde plus juste.
Le rap est parvenu même à supplanter le raï du moins sur le plan contestataire, concédant à ce dernier le traitement de la thématique de l’amour et des aventures à l’eau de rose.
Si Hamidou est précurseur du genre en Algérie, ayant enregistré son titre « Jawla Fe Lil » en 1985, il faut attendre le début des années 90 pour voir apparaître les premiers groupes de rap algérien, qui à l’image de Double Kanon, Intik, MBS (Micro Brise le Silence), Hamma Boys, et TOX (Theory Of Xistence) vont aligner la scène artistique algérienne sur les canons artistiques internationaux.
Mais le hip hop finit par s’imposer. La malvie, la violence qui s’est emparée du pays pendant les années noires, le chômage, sont autant de thèmes qui alimentèrent un genre qui se veut avant tout dénonciateur de l’injustice. Il s’impose d’abord par son côté chorégraphique, étant un art visuel par excellence, il devient dans le monde entier un phénomène de télévision. Les émissions de variétés ne peuvent se passer de leur rappeur et de leur hip hoppeur et idem pour les cinéastes qui redoublent d’efforts pour réaliser les meilleurs clips possibles, voire les meilleurs films longs métrages en associant du mieux qu’ils peuvent de jeunes danseurs hauts en couleurs.
On voit du reste foisonner ici en Algérie les articles de presse sur ce style de musique qui finalement se plait-on à souligner parvient même à plaire aux familles.
Le petit écran étant le média le plus sujet à l’effet imitation, bientôt la télé algérienne se met de la partie, en allant chercher à la loupe ses hip hoppeurs. Le hip hop se développe donc à l’ombre de l’industrie audio-visuelle qui le stimule et l’amplifie.
C’est dans ces conditions propices que ce style musical allait connaître une explosion. C’est ainsi qu’on verra l’arrivée sur la scène d’une noria de nouveaux groupes comme Cause Toujours, SOS, K-Libre, K2C, BAM, Secteur H, BLD, Vaga HH (Alger), DDS, Ouled El Bahia, MCLP, Vixit et Talisman (Oran), les Diables Rouges, Killer, Ganja et Hood (Annaba).
Bien sûr avec l’institutionnalisation du festival de rap et de hip hop, la question de la « normalisation » de ce style musical se pose, comme d’ailleurs elle s’était posée par le passé pour la chanson raï, qui après ses débuts transgressifs a fini par se couler dans le moule ambiant. L.G.
Par : LARBI GRAÏNE