Un carnage à Kaboul où une procession d’enfants chiites à l’occasion de l’Achoura a été ciblée par un kamikaze
Les victimes sont toutes chiites, selon le porte-parole des autorités de la province de Balkh, Munir Ahmad Farhad, qui a néanmoins estimé qu’il n’était pas sûr que les chiites étaient spécifiquement visés.
Au moins 59 personnes ont péri hier dans deux attentats en Afghanistan, dont le plus meurtrier, perpétré par un kamikaze, a tué notamment des enfants à Kaboul dans une procession chiite de l’Achoura, une des fêtes les plus sacrées de cette branche de l’islam, minoritaire dans ce pays. Auteurs revendiqués de la plupart des attentats suicide en Afghanistan depuis dix ans, les insurgés taliban, sunnites radicaux qui considèrent les chiites comme des hérétiques et les empêchaient de facto de célébrer leurs fêtes quand ils étaient au pouvoir de 1996 à 2001, ont «condamné» les deux attentats les qualifiant de «contraire à l’islam». L’attentat de Kaboul a été commis par un kamikaze et a fait 55 morts et 134 blessés, a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Siddiq Siddiqi, qui a mis en cause les taliban. Quasi-simultanément, quatre personnes ont été tuées et quatre blessées quand un vélo piégé a explosé à Mazar-i-Sharif (nord), au passage de fidèles chiites se rendant au principal sanctuaire de cette ville, où les chiites sont minoritaires mais fortement représentés, ont indiqué les autorités provinciales. Les victimes sont toutes chiites, selon le porte-parole des autorités de la province de Balkh, Munir Ahmad Farhad, qui a néanmoins estimé qu’il n’était pas sûr que les chiites étaient spécifiquement visés. Le vaste mausolée recouvert de faïence bleue, symbole de la ville et près duquel l’attentat a eu lieu, rassemble aussi bien les chiites que les sunnites. Il est réputé avoir été élevé sur la tombe d’Ali, considéré par les chiites comme le premier imam et le successeur du prophète. L’attentat de Kaboul est le plus meurtrier en Afghanistan depuis celui contre l’ambassade d’Inde à Kaboul en juillet 2008 qui avait fait plus de 60 morts.
Cet attentat est le premier de cette ampleur visant explicitement la minorité chiite en Afghanistan, où les violences interconfessionnelles sont rares, alors que les attentats antichiites sont fréquents au Pakistan voisin. «C’est la première fois qu’à l’occasion d’une fête religieuse aussi importante en Afghanistan un acte terroriste aussi horrible a lieu», a réagi le président Hamid Karzaï en Allemagne, où il participait la veille à une conférence internationale sur l’avenir de l’Afghanistan.
Immédiatement après l’explosion, un photographe de l’AFP qui se trouvait sur les lieux avait dénombré au moins 30 cadavres, dont ceux de nombreux enfants. «Mort aux taliban, mort à Al Qaîda», scandaient les fidèles chiites sur les lieux.
L’Achoura, dont les dix jours de célébrations culminaient hier, commémore le martyre de l’imam Hussein, petit-fils du prophète et troisième imam du chiisme, tué en 680 par les troupes du calife omeyyade Yazid à Kerbala (Irak). L’Afghanistan compte 20% de chiites, en grande partie issus de la minorité ethnique Hazara, victime de nombreuses exactions sous le régime des taliban.
A Kaboul, au moment de l’explosion, plusieurs centaines de fidèles, dont des femmes et des enfants, se pressaient dans la rue devant le sanctuaire pour assister à une procession, au cours de laquelle les pèlerins se flagellent le dos avec des chaînes terminées par de longues lames acérées.
Le photographe de l’AFP a vu également plusieurs femmes allongées tenant leurs enfants également immobiles dans les bras. L’Afghanistan est plongé depuis dix ans dans une guerre meurtrière opposant le gouvernement et la force internationale qui le soutient – composée de quelque 130.000 soldats aux trois-quarts américains – aux talibans et autres rebelles islamistes. Leur insurrection s’est considérablement intensifiée et a gagné du terrain ces dernières années.