Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, Garde des sceaux, a présidé hier une cérémonie de remise de diplômes au sein de l’établissement pénitentiaire d’El Harrach aux détenus lauréats du baccalauréat et du brevet de l’enseignement moyen, en présence de nombreuses personnalités et de responsables appartenant aux divers secteurs concernés par la réinsertion sociale.
Des membres du gouvernement, des responsables de la commission consultative de protection et de promotion des droits de l’homme, du comité interministériel de coordination des activités liées à la réinsertion, des autorités judiciaires de la cour d’Alger, de même que des responsables de l’administration centrale et des représentants de la société civile ont assisté à la cérémonie.
Il sied de préciser que pas moins de 1860 détenus se sont inscrits aux examens du baccalauréat et 4012 autres aux examens du BEM. Une hausse notable sachant qu’en 2003, seuls 62 détenus avaient obtenu le BEM et 86 autres le bac. Ces résultats, dont le nombre obéit à une courbe ascendante, sont le fruit de la mise en œuvre de la politique de réforme des établissements pénitentiaires et aux programmes d’enseignement et de formation.
En ce sens, il y a lieu de souligner que depuis 1999, pas moins de 85 418 détenus ont bénéficié de formations multiples ou d’enseignement entrant dans le cadre des dispositions relatives à la réinsertion.
A ce titre, il convient de mettre l’accent sur le taux grandissant de détenus inscrits et qui renseigne sur leur intéressement. 797 en 1999 contre 24 548 en 2010. A la lecture des statistiques de la direction nationale de gestion des prisons, la hausse exponentielle des détenus concernés par les cours par correspondance est significative à plus d’un titre.
Sur ce chapitre, il est fait état de 63 206 détenus ayant suivi des cours par correspondance, et ce, au sein même des infrastructures pénitentiaires réparties à travers le territoire national. Il est à souligner que des 809 inscrits en 1999, le nombre a atteint 16 925 en 2010.
La lutte contre l’analphabétisme est également un segment dans le programme de réinsertion des détenus.
Sur ce chapitre et si seulement 373 prisonniers ont suivi les cours dispensés au sein des prisons en 1999, le nombre a pris une envolée, atteignant en 2010 le nombre de 6041 détenus. L’enseignement universitaire n’est pas écarté du programme. Les statistiques n’indiquent aucun cas durant 1999 tandis qu’en 2010 il est de l’ordre de 780. Un nombre significativement supérieur à celui enregistré en 2000 et qui était de 51.
Ainsi, en 11 années, 2947 détenus ont accédé aux programmes et aux cursus universitaires. Le programme d’enseignement n’a pas tardé à porter ses fruits puisqu’un taux appréciable d’inscrits a été recensé depuis 1999, date à laquelle 13 détenus ont pris part aux examens du baccalauréat.
Un nombre qui a connu une hausse progressive, atteignant, en 2010, 531 cas et totalisant 2251 en onze années. Même constat pour le BEM. C’est dire qu’en 1999, seulement 4 détenus ont passé les examens du brevet de l’enseignement moyen. Un nombre nettement inférieur à celui enregistré en 2010. Au total et depuis 1999 à ce jour, 3675 détenus ont occupé les bancs des salles d’examens.
L’autre face de la réinsertion
Bien que louée par le commun des mortels et confirmée par des chiffres émis par le département de gestion du monde carcéral, la problématique de la réinsertion des détenus au sein de la société laisse entrevoir quelques insuffisances. En ce sens, relèvent bon nombre de témoignages, «le casier judiciaire constitue un sérieux obstacle».
Cela dit, il est judicieux de préciser que cela ne constitue peut-être pas une entrave pour les détenus ayant bénéficié des facilités découlant des formations en milieu carcéral, car pris en charge par le biais de dispositions mises en place par le gouvernement. Mais qu’en est-il pour ceux ayant été sujets à des détentions préventives et reconnus innocents en période post-détention ?
A ce sujet et au vu des textes de lois relatifs à l’indemnisation des victimes de détentions préventives, seuls les cas «justifiés au moyen de jugements d’acquittement ou de non-lieu» y ouvrent droit. Le hic étant que les textes en question ne concernent que les cas de détention succédant la date de promulgation des textes. Sur ce chapitre, il convient de s’interroger sur le devenir des personnes incarcérées, à tort ou à raison, durant la période précédant la publication de l’édit en question.
Cela dit, il semble que les textes ne font mention d’aucune spécificité quant à la question de la reconnaissance, voire la réparation morale des individus emprisonnés. Pour bon nombre de ces personnes dont le casier judiciaire est entaché de condamnations mais ne comporte pas les jugements d’acquittement ou de non-lieu, cela constitue une réelle préoccupation.
Plutôt que d’être sujets à une démarche en leur faveur de la part de la justice et qui se traduirait par une reconnaissance et une restitution des droits civiques, ces innombrables cas sont voués à eux-mêmes. Autrement dit, ils sont contraints d’entreprendre des démarches afin d’apurer le «document qui leur permettra d’être réhabilité dans leurs fonctions respectives». Cela pour les cas ayant perdu leurs emplois suite à leur incarcération et qui ont été blanchis par la suite.
Qu’en est-il pour les détenus catégorisés parmi les couches défavorisées ou frappés d’analphabétisme ? Cette frange de détenus, pour qui l’enseignement ou la formation en milieu carcéral n’est pas accessible, sera condamnée à endurer les retombées découlant de leur incarcération.
Les pouvoirs publics devraient réfléchir sur ces cas dont le nombre est excessif. Rendre la considération à ces personnes reconnues innocentes par l’appareil judiciaire, en les assistant dans le long chemin vers la réhabilitation, devrait donner plus de crédit à la justice algérienne.
Par D. Mentouri