Desservi par sa situation géographique: Un Emirat sous blocus

Desservi par sa situation géographique: Un Emirat sous blocus

Doha découvre sa fragilité géostratégique, mais conserve tout de même une bonne partie de sa puissance économique.

Les mesures extrêmement dures prises par l’Arabie saoudite et ses alliés pour matérialiser la rupture des relations avec le Qatar sont de nature à asphyxier le petit Emirat et réduire à sa plus simple expression ses capacités économiques et financières. La fermeture de toutes les frontières terrestres, aériennes et maritimes auront des conséquences catastrophiques, puisqu’en la matière le Qatar ne dispose que d’une seule entrée sur le continent qu’il partage avec l’Arabie saoudite. Cela revient à dire que la voie d’approvisionnement s’en trouve tout simplement coupée. Sachant que cette frontière était très active en raison de la libre circulation des biens et des personnes, sa fermeture induira automatiquement un immense manque à gagner pour l’économique du Qatar.

De très nombreux secteurs d’activité ne tarderont pas à souffrir de ce nouvel état de fait. La réalisation des fameux stades devant abriter les rencontres du Mondial 2022 en souffrira grandement. Il n’est pas interdit de pronostiquer un arrêt total des chantiers à très brèves échéances. Ce coup d’arrêt dans l’un des chantiers les plus lourds de la décennie, impliquera d’importantes faillites dans la filière du bâtiment et, par effet dominos, beaucoup d’autres filières vivant du dynamisme du Btp s’effondreront. Ce scénario catastrophe est vraisemblable, bien qu’il faille éviter de «vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué». Le petit Emirat a habitué son monde à sa capacité de le trouver là où l’on ne l’attendait pas. Face à ces nouvelles difficultés qui s’apparentent à un véritable blocus, il n’est pas dit que le gouvernement qatari ne trouve pas une issue. Le Qatar, déjà présenté comme l’un des Etats les plus petits au monde, a réussi, souvenons-nous, à briller sur la scène diplomatique mondiale, avec sa télévision comme principale arme. Il disposait et dispose toujours d’une formidable puissance financière, susceptible de lui ouvrir une voie, à ce jour, insoupçonnable.

Mais il faut dire que le coup est très dur. L’Emirat n’y était pas préparé. Le temps d’absorber le souffle de l’impact risque d’être assez long, en raison principalement de la situation géographique du pays. Sa seule ouverture reste la mer et les airs, mais ces deux fenêtres sont trop petites pour permettre au Qatar de se déployer efficacement. Les principaux pays qui l’entourent sont ceux-là mêmes qui lui ont déclaré leur hostilité. Dans la configuration de la région, la compagnie aérienne Qatar Airways laissera certainement des plumes. Classé parmi les plus importants transporteurs de la planète, le pavillon qatari devra considérablement réduire sa voilure. Cela impactera forcément les capacités financières de l’Emirat qui devra se séparer de pas mal de collaborateurs étrangers installés sur son territoire.

A partir d’aujourd’hui, le Qatar retournera quasi immédiatement à son état de territoire coupé du monde. Doha découvre sa fragilité géostratégique, mais conserve tout de même une bonne partie de sa puissance économique, à travers ses très importants investissements dans les pays occidentaux. La France et l’Angleterre, premières destinations des IDE qataris seront d’un grand secours pour aider l’Emirat à sortir de son isolement. Cela passera certainement pas un travail de lobbying.

Dans ce domaine, les Qataris passent pour des experts. Mais en attendant que la réaction des gouvernants donne ses fruits, il est certain que le Qatar traversera une phase des plus délicates au plan économique, avec le risque de devoir tout reconstruire de zéro, après que la crise est passée. Les impacts de la rupture des relations sont déjà visibles au niveau de la Bourse de Doha qui a ouvert en forte baisse hier matin, perdant 7,6% dans la première heure des échanges. Dans sa nouvelle guerre économique, le Qatar ne peut pas faire usage de son arme audiovisuelle avec la même efficacité qu’aux années 1990 où El Jazeera avait façonné l’opinion arabe. La chaîne de télévision n’est que l’ombre d’elle-même.