C’est un acte inédit qui se joue présentement autour des réformes politiques initiées et mises en branle par le président Bouteflika. Un vaudeville de piètre facture que ce qui a caractérisé les débats parlementaires autour du chapelet de textes de loi devant constituer le lit juridique aux réformes promises.
Encore une fois, des voix, à qui on ne peut pas reprocher de fréquenter l’opposition politique, sourdent et réclament une intervention diligente du chef de l’Etat pour «sauver ses réformes». La sénatrice Zohra Drif, appuyée par un chœur de tout ce que le tiers présidentiel compte comme voix, demande au président de s’apitoyer sur le sort électoral de la femme. A Bouteflika, elle ne réclame pas moins que d’ordonner une seconde lecture de la loi portant quota de femmes dans les listes électorales.
La raison est qu’elle estime que l’Assemblée populaire nationale a, pour l’avoir trituré à convenance, vidé le texte de loi de son sens et de sa substance. Mais en quoi ces triturations ont-elles perverti la perspective présidentielle en matière d’émancipation politique de la femme ? En rien, à y regarder de près. Car les députés, qui ont retouché la copie élaborée par l’exécutif sous la surveillance autoritaire du chef de l’Etat, n’ont fait, en définitive, qu’éclater le taux unique préalablement proposé sur une série de quotas en fonction des circonscriptions électorales. Ce qui n’altère pas la philosophie du texte, en ce sens que la notion de quota en est sortie sauve. Ceci même si la nouvelle arithmétique pose de sérieux problèmes d’application. Il en est, en effet, des circonscriptions électorales où la détermination de la proportion de femmes dans la liste électorale n’est pas évidente, comme par exemple cette circonscription où la liste se réduit à une seule candidature. S’il se comprend que Zohra Drif appuie cette discrimination positive à l’égard des femmes, sa fonction et sa mission de sénatrice auraient dû aussi lui recommander de se pencher sur la conformité de cette loi avec la Constitution qui stipule clairement que les citoyens sont égaux devant la loi, indépendamment de leurs sexes. Or, c’est sur cet aspect des choses que sénateurs et députés sont interpellés. Et, dans ce que les deux chambres comptent comme élus, il n’y a que les représentants du Parti des travailleurs qui, sous la houlette de la secrétaire générale du parti, Louisa Hanoune, se sont déclarés contre ce système de quotas. Il reste cependant que, en termes de démarche globale, Louisa Hanoune est sur une appréciation similaire à celle émise par Zohra Drif par rapport à la seule loi sur la représentation des femmes dans les listes électorales. La secrétaire générale du Parti des travailleurs sollicite, elle aussi, une intervention du chef de l’Etat pour éviter que ses réformes ne partent à vau-l’eau. Louisa Hanoune, et elle ne s’en cache pas, considère que l’APN fait tout pour saborder le processus de réformes initié par le chef de l’Etat. A suivre son raisonnement, on serait porté à croire que si les réformes n’aboutissent pas, ce sera de la faute des seuls parlementaires. Or, d’aucuns savent que l’échec des réformes est dans leur essence même. En ce sens qu’elles n’émanent pas d’une volonté politique mais d’une ruse consistant à s’abriter du vent de révolte qui a soufflé sur le monde arabe. Le pouvoir, craignant qu’arrive la bourrasque, n’avait donc pas pour conviction d’engager de véritables réformes mais juste de faire mine d’en concéder. Et Bouteflika n’est pas étranger à cela. Alors pourquoi lui demander de rattraper des réformes que lui-même n’a pas conçues comme telles ?
S. A. I.