Des télés algériennes de droit étranger… parfois bien étranges

Des télés algériennes de droit étranger… parfois bien étranges

Le projet de la télévision du quotidien national arabophone El Khabar avance bien. Ce sera, comme celles qui l’ont précédée, une télévision algérienne juridiquement «étrangère». Ici, un état des lieux du paysage audiovisuel algérien étranger. Parfois bien étrange

Le journal a formé une partie de son personnel sur les techniques audiovisuelles et envoyé des équipes réaliser des reportages sur le terrain en vue de préparer une grille des programmes pour les prochains mois. Le groupe Haddad a, pour sa part, recruté des dizaines de journalistes et de techniciens pour lancer sur satellite la chaîne Dzair TV, déjà présente sur le net depuis au moins deux ans. Des caméras, des consoles de montage et du matériel numérique de plateaux ont été acquis récemment par l’homme d’affaire Ali Haddad en vue de lancer la nouvelle chaîne qui pourrait s’appeler «Canal Med».

Le correspondant à Alger de la chaîne arabophone France24, Kamel Zaït dirige l’équipe qui s’occupe des reportages. La présentation des journaux en français sera confiée à Khaled Drareni, ex-journaliste à la chaîne III de la radio d’Etat. La nouvelle chaîne devra être mise sur satellite (probablement Nile Sat) avant le début de l’été. Son site web, Dzair Web est orientée surtout vers le football (les autres sports sont inexistants), un peu de culture et quelques rares reportages sur les problèmes sociaux. L’actualité politique n’est pas traitée par Dzair Tv qui revendique le slogan, «Vivez la télé autrement». La nouvelle chaîne d’Ali Haddad aura probablement la même tendance qu’El Djazairia que dirigent Karim Kerdache et Riad Rechdal. Autrement dit, une chaîne de divertissement basée sur le football, les talk show grand public, les sketches et les émissions de jeu, sorte de mélange de la marocaine 2M, de la tunisienne Nessma et de la française M6. L’ex-directeur de rédaction d’El Khabar, Ali Djerri dirige le service information d’El Djazaïria depuis trois mois. Ali Djerri, qui est également actionnaire d’El Khabar groupe, a dirigé pour une courte période la rédaction d’Ennahar TV.

OPACITES A El Djazaïria, il tente de donner «une personnalité» au journal télévisé et créer des émissions de débats. Mais, il est difficile de parler de nouvelle «orientation» à El Djazairia, une chaîne en butte déjà à des difficultés financières. Idem pour Numedia news TV. Cette chaîne, qui se veut d’information continue, est dirigée par des journalistes peu connus de la scène médiatique nationale, à l’image de Samer Riad (directeur général), Ghrissi Aloui Hamdi (président du Conseil d’administration), Cherif Talha Gharbi (directeur adjoint de la rédaction), Oussama Abdelnour (directeur de production et des programmes), Akram Souleiman (directeur de l’information). Numedia News, qui a choisi le sigle de NN, fait appel à des correspondants en Europe et au Moyen Orient. Elle verse parfois dans le sensationnel. A l’image de ce «reportage» réalisé au Nord Mali évoquant «la croisade» menée par les soldats français contre l’islam ou d’un autre considérant l’arrivée des voitures chinoises Cherry en Algérie comme «une normalisation» déguisée avec Israël.

NN diffuse également sur le satellite égyptien Nile Sat. Créée en avril 2012, Hogar TV, autre chaîne algérienne, émet à partir de Londres sur Nile Sat. Hogar TV (pour des raisons inexpliquées, elle se décline officiellement avec un seul «g» !) entend devenir une chaîne algérienne généraliste. Elle diffuse des feuilletons turcs, iraniens et égyptiens. Il existe peu d’informations sur les financements de cette chaîne. A part les fréquences d’émission satellite et la date de création, il n’y a pas presque rien sur Hogar TV sur la page Facebook. Le site officiel de la chaîne sur la toile, Hogartv.com ne fonctionne pas. Selon le site d’information DNA, Hogar TV est la propriété de l’homme d’affaire Hassan Bouamaraf (propriétaire d’une entreprise de jus) et de Mohamed Mouloudi (directeur de la maison d’édition Dar El Waii). Mis à part cela, l’opacité entoure les conditions de création de cette chaîne. Il en est de même pour Index TV qui a commencé à émettre ces derniers mois sur Nile Sat. Elle serait propriété d’un entrepreneur de Constantine. Créée en janvier 2013, la page Facebook de Index TV ne communique aucune information sur cette chaîne, ses fondateurs, ses programmes ou ses moyens de financement.

DES CHAINES JURIDIQUEMENT «ETRANGERES»

Echourouk TV et Ennahar TV, les deux chaînes les mieux installées dans le paysage audiovisuel algérien pour l’instant, puisent dans les recettes publicitaires des journaux sur lesquels elles s’appuient. Elles génèrent elles-mêmes de la publicité (dominées par l’automobile et la téléphonie mobile). Ces chaînes sont considérées comme des entreprises étrangères puisque la loi sur l’audiovisuel n’a toujours pas été élaborée par le gouvernement. Cela complique la gestion sur le plan financier, administratif et même technique (tous les sujets sont enregistrés, puis envoyés par internet avant d’être mis sur satellite en Jordanie et au Bahraïn). Sur le terrain, les caméras de ces chaînes sont admises partout y compris dans les endroits les plus sensibles. «S’il n’y avait pas de volonté d’ouverture, il n’y aurait pas eu ces chaînes-là. Maintenant, il faut un peu réguler, organiser ce secteur pour éviter des ouvertures anarchiques», a soutenu, en décembre dernier, le ministre de la Communication, Mohamed Saïd. Le gouvernement avait promis que la loi sur l’audiovisuel sera prête pour la session de printemps du Parlement ouverte début mars. Il n’y a rien pour l’instant. Les professionnels craignent que le gouvernement imposent le caractère thématique aux nouvelles chaînes qui ne seront agrées qu’après installation de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel. Autrement dit, pas avant deux ou trois ans.