Le département de Baba Ahmed envisage de lancer des écoles-pilotes où l’élève ne trimbalerait plus un lourd cartable, mais une légère tablette où il y trouvera ses manuels, fera ses devoirs et ses recherches.
Remplacer le lourd “fardeau” que tirent les élèves chaque jour que Dieu fait par un léger cartable numérique contenant tout le programme pédagogique et les manuels scolaires est une proposition avancée il y a quelques mois. Il semblerait que cette idée ait fait son bonhomme de chemin et que la tutelle compte bien la réaliser. C’est du moins ce qui a été confirmé par le ministre de l’Éducation nationale, lundi soir, lors de l’émission “Question d’actu”, présentée par le journaliste Ahmed Lahri.
Une émission où les premiers et principaux concernés n’étaient pas en reste puisqu’une dizaine d’élèves des trois paliers y ont assisté et ont eu le privilège de poser des questions à Baba Ahmed. Ils ont eu leur mot à dire sur l’école et ses lacunes qui les rendent moins réceptifs à l’enseignement prodigué. Mais avant de revenir sur leurs préoccupations et le constat négatif établi, commençons par le thème principal de l’émission de Canal Algérie, à savoir : l’école de demain ! La descente aux enfers est telle que peu sont ceux qui se triturent les méninges pour imaginer la future école algérienne. Et c’est le cas du ministre de l’Éducation nationale à qui, d’ailleurs, incombe cette délicate et lourde mission. Et Baba Ahmed n’a pas manqué d’imagination ! Pourvu qu’il puisse la transformer en réalité, au grand bonheur de plus de huit millions d’élèves. “Une école sans cahiers, sans stylos, sans manuels… juste une tablette qui contient tous les livres et qui permet à l’élève de faire ses devoirs.” C’est cette école qu’envisage d’offrir Baba Ahmed aux élèves algériens. Une école basée essentiellement sur les TIC et ses grands avantages sur tous les plans. Questions : envisage-t-on de mettre à la disposition des huit millions trois cent mille élèves une tablette tactile ? Serait-ce aux frais de l’école ou des parents ? Le ministre expliquera encore la vision de la tutelle par rapport à l’école de demain. “La tablette comme outil d’apprentissage est l’un des meilleurs moyens et possibilité réaliste à laquelle nous réfléchissons.” Mieux, “des sponsors se sont engagés à nous accompagner dans cette démarche à travers, d’abord, des écoles-pilotes”. Et s’il s’avère que ce moyen est efficace, la tutelle fermera les yeux sur les coûts élevés. Et puis dans le domaine de l’informatique, un produit chasse un autre et “les prix diminuent”.
La réforme n’est pas terminée
Ouvrir le débat sur l’école de demain sans s’attarder sur le bilan de la réforme relève de l’impossible. Où en-t-elle ? Et quand s’achèvera-t-elle ? Baba Ahmed rappellera, comme à chaque fois d’ailleurs, que la réforme est celle d’un gouvernement et ce qui se fait actuellement comme première évaluation ne peut être conçu comme une “réforme de la réforme.” La raison ?
“La réforme engagée à la rentrée scolaire 2003-2004 n’est pas terminée” et nous ne pouvons donc évaluer ses résultats.
Le ministre avoue que “depuis mon arrivée au secteur, je ne rencontre pas un parent qui ne décrie pas la réforme. Mais la réforme n’est pas encore terminée car au niveau du cycle secondaire, elle n’est pas encore appliquée. Les élèves qui ont été touchés par la réforme sont actuellement en 1er année secondaire. Il faudrait donc attendre deux années pour avoir des élèves dont tout le cursus a été réformé et faire une évaluation globale. Et ceci ne veut aucunement dire que l’élève est un cobaye”. “Je ne cautionne pas cela”, lance Baba Ahmed, qui explique que l’Algérie n’a rien inventé en lançant une première évaluation de la réforme puisque cela se fait même dans les pays développés.
“Ce n’est pas une refonte totale, mais juste des ajustements. En 2003, au lancement de la réforme, quel est l’Algérien qui savait qu’en 2013 la tablette allait arriver alors que l’ordinateur existait ?”
Le ministre de l’Éducation nationale résume le problème de son secteur en le manque d’infrastructures scolaires. Du manque d’assiettes foncières pour lancer des projets à l’absence d’entreprises de construction intéressées. Et le manque aboutit dans certaines régions, notamment les grandes villes, à la double vacation qui est un réel problème ; 16% d’établissements y fonctionnent ainsi.
Cours particuliers = problème de conscience
Abordant le volet des cours particuliers qui font rage et dont certains enseignants en ont fait un fonds de commerce, le ministre de l’Éducation ne trouve même pas de qualificatif à ce phénomène. Après un bon moment de réflexion, il dira aux journalistes qui lui proposait le qualificatif de “scandaleux” : “Je ne trouve pas de qualificatif ! Non, je ne dirai pas scandaleux, mais inacceptable, surtout lorsque l’enseignant ne fait aucun effort en classe pour détourner les élèves et leur proposer des cours de soutien.” La seule situation où le recours à cette formule est utile, selon Baba Ahmed, c’est “quand l’enseignant fait de son mieux et que certains élèves n’assimilent pas et leurs parents sollicitent les enseignants pour des cours particuliers”. Pour le ministre : “Il faut essayer d’éveiller la morale et la conscience de ces enseignants, ils ne sont pas majoritaires, il y a ceux qui font du bénévolat.” Le sujet semble tenir à cœur l’invité de la télévision qui reviendra à la charge à la fin de l’émission en appelant une fois encore à la conscience de ces enseignants. “Il faut être beaucoup plus regardant envers les élèves, surtout en ce qui concerne les cours particuliers. Considérez-les comme vos enfants.”
La grande surprise de Baba Ahmed : 53 élèves par classe !
La surcharge des classes est un phénomène — pourtant surmédiatisée à l’arrivée de Baba Ahmed au secteur — que le ministre de l’Éducation nationale semble ignorer complètement ! Il écarquille les yeux quand une élève en 4e année moyenne, classe d’examen BEM, lui fait part de sa difficulté à suivre ses cours dans une salle de…
53 élèves ! “Comment faire Monsieur le ministre ?” Étonné, voire choqué par ce chiffre, il soutient qu’“effectivement, il peut y avoir des surcharges dans certains CEM, mais au centre d’Alger, il y a des CEM qui n’atteignent pas les 20 par classe. Mais 50 élèves ! Je vous assure que c’est un nombre que je n’ai pas beaucoup entendu. Mais je vous dis, la seule solution, c’est de rajouter des classes car à Alger, c’est très difficile de trouver des assiettes pour construire de nouvelles écoles”. Question de l’animateur : n’a-t-on pas tout dit au ministre ? Il compte en tout cas “s’enquérir de la situation”. Les autres doléances soulevées par les élèves sont connues de tous : surcharge des programmes et du volume horaire, qualité de l’enseignement, trop de devoirs à faire à la maison, notamment le week-end… La liste des lacunes s’allonge d’une année à l’autre et risque de s’allonger encore tant que les propositions concrètes et adaptées à la société algérienne faites par des gens du métier ne voient pas le jour. Reconnaître les limites d’une réforme et opter pour une nouvelle approche seraient mieux que de faire dans le rafistolage. Les prochaines assises nous diront comment sera l’école de demain.
M B