Aux problèmes d’environnement causés par l’implantation contraire aux principes de la qualité de vie s’ajoute la triche des producteurs sur le dosage et le traitement du goudron. Deux manquements clairement mis en exergue dans le rapport de l’Association nationale de protection de l’environnement et de lutte contre la pollution, récemment remis au Premier ministre. Enquête.
«La situation est grave à Annaba et présente un danger certain pour la santé publique si les ministères concernés n’interviennent pas rapidement pour délocaliser les stations d’enrobé et les obliger à respecter la réglementation sur la protection de l’environnement».
C’est ce qui ressort d’un rapport diffusé avant-hier et transmis à notre rédaction régionale par l’Association nationale de protection de l’environnement et de lutte contre la pollution (Anpep). Ce rapport adressé au Premier ministre Ahmed Ouyahia signale que des stations construites dans des zones dites industrielles se trouvent à quelques mètres d’habitations où vivent de nombreux citoyens.
Les fumées noires et toxiques qui se dégagent de ces grosses machines, en plus des odeurs nauséabondes, polluent l’atmosphère. L’air que respirent les habitants leur cause des maladies respiratoires qui demandent des traitements lourds et onéreux et mettent ainsi en danger la vie de centaines de citoyens, qui se plaignent de cette situation.
Plus grave, l’Anpep dénonce surtout la qualité des produits utilisés pour le revêtement des chaussées qui ne répond pas aux normes et est souvent la cause de terribles accidents, mortels dans la plupart des cas. En effet, le gravier fin enrobé (grain de riz) fabriqué dans ces stations avec du goudron est de très mauvaise qualité parce que les propriétaires de ces stations trichent sur les dosages et sur le traitement du goudron utilisé.
Les chaussées revêtues se détériorent au bout de trois mois, des crevasses apparaissent, des boursouflures également, et des plaques d’asphalte se détachent, dénudant ainsi la route. Les travaux exécutés par les entreprises sont à chaque fois refaits à coups de milliards avec des résultats très médiocres. Dans tout cela, «c’est le Trésor public et le citoyen qui payent», indique en substance ledit rapport.
L’une de ces stations implantée à Berrahal, située au niveau de la zone industrielle dénommée «Kalitoussa», a soulevé l’ire de la population qui a transmis une pétition aux autorités locales pour demander la délocalisation de cette usine à haute pollution.
Dans cette station, des nuages de poussières couvrent tout le périmètre et une épaisse fumée noire s’échappe d’une grosse machine, des ouvriers tout couvert de poussières et sans masque de protection s’y affairent et activent pour honorer les commandes.
Il s’agit de faire vite, pour le respect des normes. Le propriétaire qui a tenté, en vain, de nous convaincre que son «affaire» est tout à fait légale et répond aux normes édictées en matière d’environnement et de qualité n’a pas trouvé mieux que nous dire que «puisque je détiens des autorisations des pouvoirs publics, en quoi cela regarde la presse !».
Sans commentaire !
Une autre station que nous avons visitée à la sortie de la ville El-Hadjar est logée à la même enseigne. Située sur un terrain agricole malgré l’interdiction formelle de la loi, elle a été construite sans aucune autorisation et produit chaque jour des tonnes et des tonnes de gravier enrobé.
L’atmosphère, l’air pur, la santé des citoyens, les cultures avoisinantes ? On ne s’en soucie point, l’essentiel est de gagner de l’argent. Une autre station, située presque dans le centre de cette même ville, en face d’un hôtel 4 étoiles, n’a rien à envier aux deux stations déjà visitées.
Selon Ali Halimi, président de l’Association nationale de protection de l’environnement et de lutte contre la pollution, «il existe plusieurs dizaines de stations d’enrobage à travers le territoire national qui produisent et vendent sans aucun contrôle.
A l’exemple, à l’Est, nous avons reçu des rapports accablants établis par nos bureaux concernant 11 wilayas. Il faut ouvrir une enquête pour savoir qui vend quoi et pour qui pour comprendre enfin l’état de nos routes et pourquoi le Trésor public est lourdement pénalisé». Et d’ajouter : «On pourrait découvrir également les réels auteurs du massacre de nos routes et les pollueurs sans scrupules.»
En l’absence d’un contrôle rigoureux de ces stations d’enrobage, la situation empire chaque jour. Les ministères en charge des secteurs de l’environnement et des travaux publics devraient au plus vite prendre les mesures qui s’imposent, car il y va de la santé publique.
Nabil Chaoui