Un groupe d’élites, professeurs universitaires et acteurs de la société civile ose ce qui était, jusque-là, tabou depuis le début des manifestations populaires le 22 février dernier pour le changement du régime. Une initiative visant à prendre contact avec l’ensemble des intervenants et personnalités nationales dans différents domaines a été lancée, hier, en vue de chercher les solutions permettant une sortie de crise à la situation que connaît le pays.
A l’issue d’une réunion tenue dimanche, les initiateurs ont rendu public un communiqué dans lequel ils informent l’opinion nationale « de l’entame de démarches pratiques avec différentes élites nationales pour préparer une plateforme nationale objective contribuant à traduire les revendications et les aspirations du mouvement populaire ». Parmi les signataires figurent les docteurs Abdelali Rezagui, Soufiane Sakhri, Farid Benyahia et Mohamed Hennan, des syndicalistes dont Sadek Dziri, président de l’Unpef, Messaoud Boudiba, porte-parole du Cnapeste et le Dr Lyès Merabet, président du SNPSP.
Cette démarche des acteurs universitaires intervient au moment où le pouvoir tente d’étouffer le mouvement en renvoyant les étudiants chez eux. Hier, ces derniers et leurs enseignants ont continué d’ailleurs à manifester à travers certaines universités, à l’image de Aïn Témouchent où un sit-in de protestation a été organisé dans l’enceinte universitaire pour dénoncer la démarche de Tahar Hadjar. Aux universités d’Alger, les portes ont été fermées devant les étudiants, ce qui a suscité la colère de ceux qui avaient des travaux à terminer. La colère était toujours perceptible, hier, au niveau des cités U, où les étudiants promettaient une autre réaction.

D’ailleurs, l’arrêté 220 du ministère de tutelle n’a pas échappé aux critiques des signataires de l’initiative qui ont dénoncé des « tentatives d’isolement de la famille universitaire du mouvement populaire pacifique ».
Quant au contenu de cette première démarche, les professeurs, docteurs et syndicalistes signataires n’ont pas tracé une quelconque feuille de route, estimant que c’est à l’ombre des prochaines rencontres qu’elle se dessinera. Ils affirment que l’objectif premier était de « débattre des rebondissements du mouvement populaire et des solutions à même de permettre une sortie de la crise et de trouver les mécanismes pour la concrétisation des revendications du peuple algérien sur le terrain».
Les signataires qui se sont félicités de «la poursuite du mouvement pacifique et du professionnalisme avec lequel les forces de sécurité l’ont traité », ont dénoncé l’« entêtement » du pouvoir politique en place à ne pas répondre aux revendications du mouvement, non sans regretter « sa détermination à poursuivre dans sa politique de fuite en avant ».
D’autre part, l’initiative du groupe des enseignants, des professeurs et des syndicalistes vise à empêcher tout dérapage du mouvement populaire. D’où « la mise en garde des dérives et dérapages qui visent à étouffer le caractère pacifique et les revendications du mouvement, qui mènent droit vers le pourrissement ».
Pour la suite de la démarche, le Dr Lyès Merabet, joint par nos soins, explique que les initiateurs « ne veulent aucunement se placer en porte-parole du peuple », mais « seulement essayer de traduire les revendications populaires pour mieux les accompagner». Avouant qu’il y a une « peur » des réactions et des interprétations qui pourraient être données à cette action, notre interlocuteur soutient cependant qu’il était temps de prendre des initiatives.
« Surtout que nous avons remarqué sur le terrain des appels à passer à d’autres formes de protestation pouvant mener à l’irréparable». «D’autres rencontres sont prévues durant les prochains jours avec comme objectif principal, l’élaboration d’une première feuille de route que l’on soumettra au débat », nous dit-il.