La production nationale de poisson est de 200 000 tonnes annuellement. Le ratio par habitant, lui, est de 6 kg par an, une consommation en deçà des normes internationales. Un déséquilibre est aussi à relever entre le Nord et le Sud. Les populations de cette dernière région sont plus souvent privées de cet aliment indispensable à la santé.
C’est pourquoi les autorités algériennes sont en train d’encourager l’investissement privé dans ce domaine d’activité, prometteur, selon les spécialistes.
Le ministère de la Pêche et de l’Aquaculture a mis en place un programme très ambitieux pour les régions du sud du pays en vue d’une production plus importante de poissons de différentes espèces. La carpe et le tilapia sont les poissons d’eau douce les plus cultivés dans les différents barrages, bassins agricoles mais aussi les retenues collinaires, avant d’autres espèces gustatives, entre autres, le mulet, un poisson de mer qui, après acclimatation, peut être produit en eau douce. Tremper le sachet contenant les alevins un quart d’heure ou 20 minutes avant le lâchage permet à ce poisson de s’acclimater. Des essais, initiés par le département du docteur Smaïl Mimoun, ont déjà donné de bons résultats à Aïn Defla et Relizane. Les investisseurs en aquaculture qui ont vu leur expérience réussir sont en phase de diversifier les espèces en en introduisant d’autres, y compris des contrées les plus lointaines, le Japon à titre illustratif. L’élevage de poisson est une expérience nouvelle en Algérie, même si des essais ont déjà été menés auparavant.
Cet élevage est en phase de création, en mettant en place des fermes aquacoles expérimentales à travers tout le pays de façon à susciter l’intérêt des investisseurs. Car ces derniers sont hésitants, selon les propos même du ministre à charge de ce secteur important. Investir dans un secteur nouveau n’est pas pour dissiper les appréhensions des hommes d’affaires qui voudraient y investir leur argent. Les 2èmes assises régionales de la pêche et des ressources halieutiques qui se sont déroulées à Ghardaïa, et bientôt les assises nationales prévues en octobre prochain, en plus de l’évaluation des étapes franchies jusque-là, sont une aubaine pour mieux vulgariser l’aquaculture et encourager les investisseurs à aller dans cette voie.
L’Etat a mis le paquet à travers la professionnalisation du secteur et la formation des ressources humaines, une condition sine qua non pour la réussite du programme mis en place. Aussi, il a été procédé à la révision de la carte de formation pour intégrer de nouveaux profils, entre autres, les capitaines et les officiers de pêche. Car, auparavant, la pêche au large n’existait pas et ce n’était que les petits métiers qui se chargeaient de cette tâche. Aujourd’hui, la pêche est devenue un métier à part entière, et des formations sont dispensées pour permettre aux différents profils de cette profession d’être au diapason de ce qui se fait de par le monde.
Hassi Lefhal, un exemple de réussite à Ghardaïa
Le département de Smaïl Mimoune ne s’est pas contenté de mettre en place une carte de formation, mais il est allé au-delà puisque 4 000 sites sont identifiés à travers le territoire national pour recevoir des projets d’aquaculture. C’est dire que les investisseurs intéressés sont directement orientés vers ces sites.
La visite du ministre de la Pêche à Ghardaïa, dans le cadre des assises régionales du secteur, a été l’occasion de découvrir les nombreux projets mis en place. A Hassi Lefhal, distante de 120 km de cette wilaya, nous avons pu constater de visu l’investissement de M. Rouani Mohamed. Un projet, premier du genre, entamé en 2006 à peine, et voilà que les résultats sont déjà visibles à l’œil nu. 2010 connaît le début de la production et de la commercialisation. Les espèces cultivées dans cet espace naturel sont le tilapia gris et rouge, et le poisson-chat. Le pongasus, une variété asiatique, est également en expérimentation et a donné des résultats probants. Les capacités de production sont de 500 tonnes par an. M. Rouane, dont l’investissement s’est fait sur fonds propres mais également avec l’aide de l’Etat, a versé dans ce créneau suite à ses nombreux périples en Asie où il s’est imprégné des expériences des Japonais. Son objectif est de couvrir d’ici trois ans tous les besoins de la wilaya en poisson, avant d’implanter une unité de transformation.
Cette ferme aquacole qui s’étend sur 4 hectares emploie 10 personnes, sans compter les emplois saisonniers. Pas moins de
7 bassins de grossissement sont mis en place pour élever ce poisson qui, au bout de 4 mois de traitement dans le bassin, peut être commercialisé. D’ores et déjà, et pour écouler son produit sur le marché, une simple publicité sera faite au niveau des établissements étatiques, les cantines, entre autres. Ghardaïa n’est pas la seule wilaya à faire de l’aquaculture. Non loin, dans celle de Béchar est cultivée la carpe argentée, la carpe grande bouche, la carpe commune et le barbeau, plus précisément au niveau du barrage «Djorf Torba». L’ensemencement dans cette infrastructure hydraulique d’une capacité de 360 millions de m3 a été fait en juin 2006. Des pièces allant jusqu’à 30 kg en moyenne concernant la carpe argentée sont pêchées grâce à 4 concessionnaires dont deux ont été aidés et assistés par l’Agence nationale de soutien à l’emploi de jeunes (ANSEJ) de Béchar et qui font de la pêche continentale. Depuis la réalisation de ce barrage en 1968, l’ensemencement a commencé en 1986 par le barbeau et la carpe commune. Les carpe argentée et grande bouche l’ont été bien après, en juin 2006. Toujours pour ce qui est du barrage Djorf Torba, 250 000 alevins y ont été introduits
en juin 2006, tandis que 200 000 autres l’ont été dans le barrage de Brezina dans la wilaya d’El Bayadh. Il faut savoir aussi que le tilapia du Nil est élevé dans les bassins d’irrigation et les fermes aquacoles de la région. Cette espèce a été introduite en 2001, date de l’ouverture de la direction de la pêche de Béchar qui chapeaute Adrar, Tindouf, El Bayadh et Béchar. Prochainement, il est prévu la réalisation d’une ferme aquacole à Béchar dans le cadre du développement des régions du Sud, d’une capacité de 100 tonnes par an. «Une fois installée, cette ferme incitera les investisseurs et les hommes d’affaires à investir dans ce créneau d’activité prometteur», explique M. Mohamed Benmoussa, directeur de la pêche de Béchar. Selon lui, «l’expérience est déjà une réussite au niveau artisanal dans les bassins des fellahs, mais l’industrialisation va se concrétiser à travers cette ferme aquacole». Cette activité qui tend à changer les habitudes de consommation des populations du Sud à des prix accessibles a aussi un grand avantage, celui de créer des postes d’emploi. La carpe argentée se vend à 200 DA le g et la pièce complète à 500 DA. Pour le moment, l’objectif premier, c’est la consommation des populations locales. La transformation ne se fera que lorsqu’il y aura un surplus.
Production et transformation à la ferme Pescado de la duna
A Ouargla, précisément dans la région de Hassi Ben Abdallah, une autre ferme aquacole est créée. Il s’agit de la ferme Pescado de la duna (poisson des dunes). Le projet a été lancé en 2005 pour entrer en production cette année. Il s’agit d’un complexe aquacole doté d’une écloserie, d’un bassin de grossissement, d’une usine de fabrication d’aliment, et d’une usine de transformation de poisson. La capacité de production est de 1 000 tonnes de tilapia par an. Plus tard, il y aura le poisson-chat africain. S’étendant sur une superficie de 5 hectares, cette ferme est déjà en production, et ses produits sont même écoulés à Alger. M. Mohamed Moulay, son responsable, dira que c’est grâce à l’aide de l’Etat qu’il est parvenu à ces résultats encourageants. Il appelle d’ailleurs les jeunes à investir dans cette activité. Le coût du projet est de l’ordre de 67 milliards de centimes, grâce à un financement triangulaire. Pour s’assurer de vendre le produit, l’investisseur a aussi acquis le matériel nécessaire pour la transformation. Plus tard, cet homme d’affaires écoulera son produit sur le marché international. Un dossier est déjà introduit au ministère de l’Agriculture pour faire les démarches nécessaires à cela.
Le ministre, lors de sa visite à la ferme aquacole de Ghardaïa, a insisté auprès des investisseurs locaux à faire bénéficier en premier lieu les populations locales de leur production, et même des postes d’emploi créés. Et parce que les eaux d’irrigation où est cultivé le poisson sont bonnes pour la terre, selon les dernières études, car elles augmentent les rendements agricoles, le ministre s’est rendu dans deux fermes différentes pour remettre des alevins à des fellahs qui cultivent la datte et différentes cultures, y compris la vigne. Beaucoup d’autres expériences similaires sont menées dans d’autres régions du pays.
B. A.