Des perquisitions chez Sarkozy, dernier coup d’éclat de l’affaire Bettencourt

Des perquisitions chez Sarkozy, dernier coup d’éclat de l’affaire Bettencourt

Des perquisitions ont été menées mardi au domicile, au bureau et à l’ancien cabinet d’avocat de Nicolas Sarkozy par le juge Jean-Michel Gentil, qui montre ainsi sa détermination à faire toute la lumière sur les dossiers Bettencourt.

Ces perquisitions chez l’ancien Président de la République ont relégué au second plan un autre coup d’éclat dans cette affaire, la mise en examen de la juge Isabelle Prévost-Desprez.

Accompagné d’une dizaine de policiers de la brigade financière, le juge bordelais a perquisitionné à toutes ces adresses, notamment l’appartement familial appartenant à Carla Bruni dans le XVIème arrondissement. Le bâtonnier de Paris Christiane Féral-Schuhl a assisté à une perquisition et a été représentée aux deux autres. Le juge n’aurait rien saisi, mais, selon Europe 1, l’agenda de M. Sarkozy a été récupéré chez l’huissier où il avait été récemment déposé.

M. Sarkozy n’était pas là, étant parti la veille « en famille au Canada », selon un communiqué de son avocat, Me Thierry Herzog.

Le juge, qui instruit avec deux collègues à Bordeaux la nébuleuse des dossiers Bettencourt depuis décembre 2010, n’a donc guère tardé après la fin de l’immunité de président de M. Sarkozy, à la mi-juin, pour essayer de tirer directement au clair un éventuel financement politique illicite, par l’argent des Bettencourt, de la campagne présidentielle de l’ancien président en 2007.

Le juge a déjà fait saisir les comptes de campagne de M. Sarkozy, il a entendu des fournisseurs, et il a dans le dossier les déclarations troublantes de différents employés de maison des Bettencourt évoquant un ballet d’hommes politiques au domicile des milliardaires, à Neuilly (Hauts-de-Seine), venus, selon les rumeurs qui circulaient dans la maison, pour y recevoir de l’argent liquide.

M. Sarkozy aurait fait partie des visiteurs de Neuilly, selon plusieurs témoignages.

Il n’y a toutefois aucun témoin direct de telles remises. L’ex-comptable des Bettencourt Claire Thibout a cependant décrit comment l’ex-gestionnaire de fortune de la milliardaire, Patrice de Maistre, mis en examen à de multiples reprises dans ces dossiers, lui aurait demandé en janvier 2007 de se procurer 150.000 euros en liquide sur les comptes des Bettencourt, en disant vouloir les donner à Eric Woerth, ancien ministre et ancien trésorier de campagne de M. Sarkozy.

Il y a aussi l’annotation du 26 avril 2007 dans le carnet du photographe François-Marie Banier, ami de Mme Bettencourt. Ce jour-là, elle aurait déclaré : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent, j’ai dit oui ».

L’ancien président avait vivement démenti le 3 avril sur Canal+ tout comportement délictueux, tout en admettant avoir pu se rendre chez les Bettencourt, puisqu’il avait été maire de Neuilly, et qu’il partageait les idées politiques d’André Bettencourt, l’ancien ministre encore vivant début 2007.

« La question c’est +est-ce que vous auriez pu rencontrer André Bettencourt+ ? Bien sûr. Quel est le problème, quelle est l’histoire, quelle est l’information ? », avait-il lancé.

M. Sarkozy avait pris les devants mi-juin en faisant communiquer au juge une copie certifiée conforme de son agenda 2007 et sept pages d’observations.

Me Herzog, se fondant sur les témoignages publiés dans la presse, les avait réfutés en se basant notamment sur l’agenda très chargé de M. Sarkozy à cette époque. Il avait reconnu néanmoins « une unique visite » de celui-ci chez les Bettencourt le 24 février à 12h00, « pendant environ 20 à 25 minutes ».

Me Herzog, dans un communiqué mardi, a considéré que les perquisitions « se révèleront être ce qu’on peut en attendre, des actes inutiles ».

Il a expliqué avoir de nouveau écrit à M. Gentil mardi pour lui donner l’identité des policiers qui accompagnaient nuit et jour M. Sarkozy, ministre de l’Intérieur début 2007, « afin qu’ils puissent certifier qu’il n’y a eu qu’un seul rendez-vous le 24 février 2007, à son domicile, avec M. André Bettencourt ».

L’affaire n’a provoqué que peu de réactions, le député UMP Eric Ciotti estimant que l’ancien président n’avait « rien à craindre » dans cette affaire, tandis que le député du Front national et avocat Gilbert Collard a qualifié de « médiatiques » les perquisitions.

Le raid de l’intrépide juge bordelais aura eu pour conséquence d’occulter un autre évènement dans cette affaire : l’annonce d’une nouvelle mise en examen, celle de la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez pour « violation du secret de l’instruction » par un autre juge bordelais, Philippe Darphin, lundi soir.

Cette décision fait suite à une plainte de Mme Bettencourt, irritée qu’une perquisition menée le 1er septembre 2010 à son domicile à la demande de Mme Prévost-Desprez ait été relatée en détail dans le numéro du Monde publié en début d’après-midi le même jour.

Le parquet de Nanterre, initialement chargé de l’enquête, avait d’abord fait rechercher la source des journalistes à l’aide de leurs factures de téléphone portable, une infraction au secret des sources qui a valu au procureur de Nanterre Philippe Courroye et à son adjointe d’être mis en examen, avant une annulation de cette mesure pour vice de forme.

On a appris aussi que M. Courroye était convoqué mardi par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dans le cadre de la plainte du Monde dans cette affaire.