Des otages libérés parlent de leur enfer “Si nous sommes vivants, c’est grâce à l’Armée algérienne”

Des otages libérés parlent de leur enfer “Si nous sommes vivants, c’est grâce à l’Armée algérienne”
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“Ce que nous avons vécu s’appelle l’enfer ! Sans l’Armée algérienne, je ne serais plus là”.

Ces quelques mots n’ont pu être arrachés à Abderrahmane qu’après beaucoup d’insistance. Lui, c’est un jeune originaire de la région de Bouzguène, dans la wilaya de Tizi Ouzou, employé sur le site gazier d’In Amenas où il a fait partie des centaines d’otages qui n’ont pu retrouver leur liberté qu’après l’assaut donné par les forces spéciales de l’Armée algérienne.

Abderrahmane se trouvait, hier, toujours sur un site sûr où il a été placé par l’armée comme nombreux de ses collègues libérés. Il aura passé 48h entre la vie et la mort. “Nous sommes tous sous le choc, s’il vous plaît on en rediscutera ; là nous sommes toujours à la recherche de nos collègues dont on n’a toujours pas de nouvelles”, dit-il au téléphone. Des collègues introuvables ? Abderrahmane se veut affirmatif : “Nous ne savons pas s’ils sont rentrés chez eux où s’ils ne sont pas encore libérés ou même tués”. Avant de confier son portable à son camarade, Abderrahmane tient à souligner : “Vous savez l’image que nous Kabyles avons de l’Armée algérienne, mais cette fois chapeau bas pour l’Armée algérienne, tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle est intervenue d’une manière incroyable”.

Il revient très brièvement sur l’arrivée des terroristes dans la base. “J’étais dans ma chambre que je m’apprêtais à quitter pour rejoindre mon poste lorsque j’ai entendu des explosions, des tirs et des cris, c’était affreux, je ne réalisais pas encore ce qui se passait lorsqu’on a commencé à forcer les portes pour faire sortir tout le monde”. “On voulait faire des Algériens un bouclier humain pour pouvoir s’enfuir avec les étrangers qu’ils ont vite fait d’isoler de nous, c’est l’arrivée rapide de l’armée qui a faussé leurs calculs”, témoigne la voix au téléphone.

“L’armée a été salutaire”

Choqué, mais libre. Un autre otage témoigne. Il est originaire de la wilaya de Tizi Ouzou, et revenir sur ces évènements terribles n’est pas chose facile pour ce jeune homme d’une trentaine d’années et qui travaille sur le site gazier d’In Amenas.

Toujours sous le choc, T. T. témoigne difficilement sur ces heures d’angoisse passées au fin fond du désert sous la menace terroriste. Pris en otage, avec son ami, durant plus de 48h, T. T., qui tient à garder l’anonymat, est resté durant tout ce temps enfermé dans sa chambre, sans manger et sans boire. Selon son témoignage, “vers 6h du matin de mercredi, au camp dit JGC de ce site gazier d’In Amenas, une alarme retentit. C’est une alarme discontinue, et selon les consignes de sécurité, lorsque l’alarme est intermittente, il faut rester sur place et se mettre à l’abri”.

Selon T. T., quelque temps plus tard, un groupe armé accède à leur chambre. Ces individus nous ont dit : “On est venu pour renforcer la religion musulmane et combattre les Occidentaux. Il ne faut rien craindre. Puis, ils sont repartis après s’être assurés qu’on était des musulmans”. Commencent donc, pour T. T. et son ami, de longues heures d’attente, enfermés dans leur angoisse. “Du coin où on était, on entendait des tirs sans répit, des explosions, et on ne savait pas comment allait être la suite. On avait peur et on était choqué. On se demandait quand allait se terminer ce cauchemar”, témoigne encore T. T. Et de relever : “Notre armée a été salutaire pour nous Algériens et pour les étrangers qui ont été sauvés et cela est indiscutable. Après notre libération, jeudi soir vers 17h, l’armée a facilité notre évacuation. Nous avons été très bien pris en charge. Ils ont fait ce qu’il fallait. Sans eux, cela aurait été pire”, tient-il à préciser.

“Les terroristes ont tiré sur nous”

Un autre témoin, originaire d’une commune au sud de la wilaya de Tizi Ouzou, raconte, toujours sous le couvert d’anonymat, ces heures infernales passées cette fois-ci sous la menace des balles terroristes. “Les terroristes, qui nous ont rassurés dans un premier temps, n’ont pas hésité à tirer sur nous à chaque fois qu’on essayait de quitter nos chambres. Les balles sifflaient de partout. Tout a commencé au lieu-dit KCA2012, où nous étions endormis. Vers 5h30, nous avons entendu une alarme. Puis une personne m’a appelé pour m’avertir et me dire qu’il ne fallait pas sortir, car des individus armés ont investi l’usine”, témoigne notre interlocuteur. “Nous nous sommes retranchés alors dans nos chambres durant plusieurs heures. Et à chaque rafale qui retentissait, non loin de nous, on se mettait par terre pour notre sécurité. C’était l’enfer”, ajoute B. A. Comme d’autres témoins, il préfère garder l’anonymat “pour des raisons de sécurité. On ne sait jamais”, évoque-il. “Ces hommes armés investiront ensuite notre dortoir et ont vérifié qu’aucun étranger n’était parmi nous”. “Il ne faut rien craindre, nous sommes venus chercher des étrangers”, ont-ils dit. “Certains des assaillants nous ont demandé de l’eau, avant de repartir”, renchérit notre interlocuteur. Et de continuer : “Pour quitter les lieux, des unités de l’armée et de la Gendarmerie nationale nous ont couvert en maintenant les assaillants à distance et ils nous ont demandé de les rejoindre, pour ensuite quitter l’usine sous leur escorte”.

Retranchés dans leur chambre durant plus de 48h, B. A. et ses amis finiront enfin par sortir de leur cachette vendredi vers 13h. Ils ont été rapatriés vers Alger hier tôt dans la matinée. B. A a pu rejoindre sain et sauf son domicile à Tizi Ouzou hier en début d’après-midi.

S. Leslous/K. Tighilt