Trois ans après la parution du livre « Un homme sans titre » dans lequel il rend hommage à son père, Xavier Le Clerc, né Hamid Ait Taleb, revient dans un quatrième roman « Le pain des Français« , un récit sanglant sur les abus de la France coloniale en Algérie.
L’auteur entreprend un véritable travail de mémoire dans ce récit poignant et intense qui explore les racines du mal à travers l’histoire de la petite Zohra, villageoise kabyle assassinée en 1945 par les coloniaux français.
Dans sa récente apparition sur France Inter, revient sur l’histoire de son livre « Le pain des Français« , publié en avril 2025 par les éditions Gallimard. Il évoque également certaines des atrocités commises par les soldats français en Algérie.
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Quand les os d’Algériens servaient à raffiner du sucre français
Ce livre trouve sa source dans un souvenir d’humiliation vécu alors qu’il était encore enfant. L’auteur, Xavier Le Clerc, raconte comment un boulanger refusa de servir son père et lui en raison de leur origine : « ici, on ne vend pas du pain français aux bougnoules !« .
Cet épisode douloureux a inspiré l’écrivain, une réplique qu’il aurait souhaité entendre mêlant assimilation et une sombre histoire des ingrédients de la pâtisserie française. Sur France Inter, Xavier Le Clerc affirme qu’au 19e siècle, « les Français mettaient des ossements humains et animaux dans de grands fours pour produire du charbon « animal »« . Il précise que ce charbon servait notamment à blanchir la mélasse du sucre de betterave, une pratique que l’Émir Abdelkader jugeait cannibale et interdisait.
Par ailleurs, l’auteur ajoute que les résidus de ce processus étaient utilisés comme engrais pour le blé en France.
— Xavier Le Clerc (@XavierLeClerc16) April 16, 2025
Des crânes dans le sous-sol du Musée de l’homme à Paris
Des décennies plus tard, Le Clerc découvre un article de l’anthropologue algérien Ali Farid Belkadi sur « des milliers de crânes qui sont emmagasinés dans le musée de l’homme« . Ces crânes, issus des collections du XIXe siècle datant des massacres de 1830, et ayant circulé entre médecins et scientifiques, symbolisent pour Le Clerc l’inconscient français face à cette histoire douloureuse.
Sous couvert d’un projet de roman, il obtient l’autorisation d’accéder aux réserves du musée. Il y découvre dans une boîte en carton, parmi d’autres ossements, le crâne d’une fillette de 7 ans qu’il nomme Zohra. Il imagine alors son histoire à partir de la lettre du collectionneur qui a fait le don du crâne au scientifique Pierre Flourens en 1845.
Cette trouvaille initie un dialogue entre son expérience personnelle en tant qu’enfant immigré et la reconstitution qu’il mène, appuyée sur une riche bibliographie de cette période sombre de l’histoire commune entre les deux pays.
« Je ne cherche pas à accuser ni à culpabiliser qui que ce soit. Ce qui m’intéresse, c’est de reconnaître les racines du mal, ce qui s’est passé, pour qu’on puisse enterrer dignement ces restes humains, mais aussi nos représentations d’antan, le racisme notamment« , dit-il.
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